Quels sont les livres qui ont marqué Sorj Chalandon ? Voici ses conseils de lecture...
Un roman lu il y a quelques années et qui résonne encore en moi aujourd'hui. Un monument de la littérature.
« Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L'IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes [...]. Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j'en suis venu à trahir. Des livres seront peut-être écrits sur moi [...]. Ne vous fiez pas à mes ennemis, encore moins à mes amis. Détournez-vous de ceux qui diront m'avoir connu. Personne n'a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd'hui, c'est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu'après moi, j'espère le silence. » Killybegs, le 24 décembre 2006, Tyrone Meehan.Imaginer et comprendre la vie du héros dont la trahison a remis en cause les fondements de la vôtre, le faire, en lui donnant une seconde vie de fiction, résume et couronne le travail d'un écrivain. Philippe Lançon, Libération.Un roman enflammé mais paradoxalement serein. André Rollin, Le Canard enchaîné. Grand prix du roman de l'Académie française 2011.
Quels sont les livres qui ont marqué Sorj Chalandon ? Voici ses conseils de lecture...
Tyrone Meehon vit en Irlande. Il n'a pas une enfance facile auprès de son père qui boit et le frappe. Pourtant, il va suivre peu à peu les pas de celui-ci, se faisant embrigader petit à petit dans l'IRA. Devenu âgé, il raconte sa vie. Dès le départ, on sait qu'il a finalement trahi son pays et au travers des pages, on apprend la vérité, pourquoi il l'a fait.
Les années de guerre ont été rudes pour les Irlandais. Les tortures et les conditions d'emprisonnement ont été particulièrement inhumaines.
Une jolie histoire sur fond d'Histoire.
Le seul regret, c'est que le récit n'est pas chronologique et j'avais parfois des difficultés à m'y retrouver...
Encore un coup de cœur pour moi avec cet auteur. J'aime sa plume, j'aime son univers, j'aime voyager avec lui.
J'ai enchaîné les lectures de Mon traître et de Retour à Killybegs. Les deux romans sont complémentaires même s'ils peuvent se lire indépendamment.
Pour moi ce fut une plongée en Irlande du Nord. Une immersion totale dans la guerre qui oppose l'IRA et les loyalistes, qui oppose catholiques et protestants.
Un roman documenté qui m'a beaucoup remué tant par les histoires racontées, les destins détruits, que par la grande Histoire.
Un roman magnifique !
Tyrone Meehan est un traître, un traître à son pays, l’Irlande, à sa cause, l’indépendance, un traître qui durant plus de vingt ans aura trompé les siens. C’est son histoire romancée que Sorj Chalandon nous conte ici. Dans « Mon traître », nous avions eu la version d’Antoine, luthier parisien ayant embrassé la cause de l’IRA. Dans « Retour à Killibegs », c’est bien l’histoire de Tyrone, alias Tenor, son nom de code anglais, qui est reconstituée et romancée, Tyrone Meehan ne s’étant jamais appesanti sur les raisons de sa trahison.
Enfant d’un désastre, celui de la séparation de l’Irlande en deux, désemparé, il grandit dans cette ambiance d’un pays qui n’a pas de drapeau à accrocher à ses fenêtres. Au décès du père, la famille quitte Killibegs pour Belfast. Commence alors la véritable confrontation avec les anglais, l’engagement pour la lutte armée, une vie entourée de martyrs, de héros et d’anonymes que cette vie au contact des blindés, des morts épuise, son frère le premier, parti s’exiler aux États Unis.
Mais Tyrone y croit malgré tout, et comme pour beaucoup, vit cet engagement comme un sacerdoce. Alors il enchaîne les opérations, les séjours en prison (les conditions carcérales sont juste hallucinantes) jusqu’à un premier tournant qui vire au tourment pour cet homme à mon sens fondamentalement humaniste.
Encore une fois, l’auteur nous plonge dans les méandres d’un conflit et dans l’âme grise et tourmentée de cet activiste devenu traître a travers une écriture puissante et engagée qui dépeint si bien la passion et le désespoir de cet homme et de son peuple.
Et encore une fois je ressors subjuguée par la puissance de l’écriture de Sorj Chalandon.
Qu'as-tu fait, petit homme ?
Tyrone Meehan a trahi. On le sait dès le début, on le sait surtout si on a lu « Mon traitre » avant. Après le récit du trahi, voici le récit du traître. 25 ans de double jeu. Pourquoi en vient-on à donner ses frères? A abandonner le combat d'une vie ? Quand on a été un héros de l'IRA, on vit comment après ça ?
A 81 ans, Tyrone revient dans le petit village qui l'a vu naître. le processus de paix a sonné la fin du conflit mais il est désormais « le traître ».
Loin des clichés sur l'Irlande, la confession de Tyrone Meehan nous révèle toute la complexité de la question irlandaise, le fardeau de l'engagement, la saleté de la guerre quelque soit son camp.
La tourmente du destin de Tyrone est une nouvelle fois l'occasion pour Chalandon de creuser dans l'obscurité de l'âme des hommes. Il le fait avec sensibilité, délicatesse, profondeur, sans aucun manichéisme, sans jugement avec la maestria émotionnelle qu'on lui connaît.
C'est rude, c'est tragique, c'est beau, c'est un grand roman français.
Avec "Mon traître" et "Retour à Killysbegs, Sorj Chalandon nous donne les 2 versions d'une même histoire, les attentes et les deceptions de chacun, l'engrenage dans lequel ses personnages se retrouvent presque malgré eux. Les 2 faces d'un même moment et d'un même homme, Denis Donaldson, héros de la guerre civile irlandaise et également traître à la cause.
Ne surtout pas oublier d'aller voir la superbe adaptation
théâtrale faite par Emmanuel Meirieu
Après mon traître Sorj Chalandon a la grande humanité de nous faire pénétrer l’envers du miroir de l’histoire de Tyrone Meehan.
« Je veux écrire. Pas avouer, encore moins expliquer mais raconter, laisser une trace. »
En quelques mots les bases sont là.
Le lecteur va cheminer dans les pas de Tyrone sur cette terre irlandaise qui lui colle à la peau et au cœur, malgré tout.
L’enfance reflue en vagues sauvages car ce fut une enfance pauvre, violente, faite d’humiliations. A l’âge de quarante et un ans son père meurt alors que Tyrone n’avait que onze ans. Cet homme était alcoolique et violent et pourtant indispensable à l’équilibre de cette famille de neuf enfants. Après sa mort, le malheur s’étend comme une contagion, les gens se détournent d’eux. C’est un oncle maternel, Lawrence qui les prend sous son aile et les installe à Belfast lorsqu’il a seize ans.
« Avec la guerre, nous savions que vivre dans le nord de Belfast deviendrait difficile. Ça a commencé en août 1941, par quelques pierres jetées contre la porte. L’inscription « salauds d’Irlandais » tracée au noir sur l’atelier de Lawrence. »
En ce 24 décembre 2006, où il écrit une sorte de journal, tout ce qui constitue l’homme qu’il est, est là comme tapi dans l’ombre d’une vie.
Cela montre aussi, avec finesse, que chacun vit sa famille de façon unique :
« Sheila, ma femme, n’a jamais aimé me suivre ici. Elle disait que c’était un caveau. Que l’ombre mauvaise de Patraig Meehan passait dans mon regard quand j’étais sous son toit. Mes frères et mes sœurs n’y sont jamais revenus […] Alors, j’ai gardé la clef. Moi seul. Comme on protège un lambeau de mémoire. »
Ce fut son refuge jusqu’au bout.
Les exactions des protestants, la haine, les luttes incessantes l’ont probablement précipité vers l’IRA en 1942.
Il y a un parallèle troublant entre cette enfance et cet enrôlement, la violence est là mais presque comme quelque chose de naturelle… Cela interroge sur ce qui se grave ainsi au plus profond de l’être.
« Je ne sentais plus l’odeur de la prison. Je n’entendais plus son métal. J’avais du sang dans la bouche, les oreilles en flammes, le nez écrasé. Le vacarme était en moi. J’ai pensé aux coups de mon père. Ma tête en pierre. Mes yeux brûlants. Mes joues barbouillées de bave pour lui faire croire à des larmes. Il y eut le coup de sifflet brusque. Deux gardiens nous ont jeté une bassine d’eau glacée. J’avais froid de peur en arrivant, maintenant j’étais gelé de douleur. »
Le lecteur avance à pas feutrés, mais il reçoit en pleine face cette Irlande et ces événements tragiques. Pauvreté, ghettos, maisons brûlées, les blindés dans les rues.
L’écriture de Sorj Chalandon montre combien tout est nuance, il n’y a pas les bons d’un côté les méchants de l’autre. C’est un tout qui fluctue selon les événements, les ressorts de l’Histoire se tendent selon des décisions qui échappent au plus grand nombre.
C’est douloureux de façon extrême, car indicible et inaudible. Les mots qui sont là sur le papier sont empreints d’une humanité exceptionnelle comme l’est cette situation. Trahi, blessé par son Traître, l’auteur nous prend par la main, nous même vers la voie du non-jugement.
Tyrone était un homme seul depuis l’enfance.
Une écriture sublime, d’une puissance rare, il y a les faits donnés par le journaliste, et la beauté d’une déclaration d’amour à un pays qu’il a embrassé à travers cet homme-là. « Parce que c’était lui ; parce que c’était moi. »
C’est un récit d’une belle épure pour une déclaration d’amour exceptionnelle.
Intime, tumultueux et bouleversant, laissons les derniers mots à Tyrone :
« Le regard d'Antoine a été l'un des plus beaux jamais portés sur moi, et aussi l'un des derniers.
Lorsque le petit Français me regardait, je m'aimais. Je m'aimais dans ce qu'il croyait de moi, dans ce qu'il disait de moi, dans ce qu'il espérait. Je m'aimais, lorsqu'il marchait à mes côtés comme l'aide de camp d'un général. Lorsqu'il prenait soin de moi. Qu'il me protégeait de son innocence. Je m'aimais, dans ses attentions, dans la fierté qu'il me portait. Je m'aimais, dans cette dignité qu'il me prêtait, dans ce courage, dans cet honneur. J'aimais de lui tout ce que son cœur disait de moi. »
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 19 mars 2020.
J'ai adoré ce roman, S.Chalandon nous relate avec force cette guerre de "religion" en irlande, la trahison douloureuse pour lui de la part de son ami, et la misère vécue par toute cette population déchirée.
Si, dans MON TRAITRE , son 1e volet sur la question irlandaise, Sorj Chalandon racontait la rencontre d’ Antoine, luthier à Paris et de Tyrone Meehan , leur longue amitié et l’engagement du Français pour la cause de l’IRA; dans RETOUR A KILLIBEGS, il laisse la parole à Tyrone Meehan attendant la mort , racontant tout son parcours de militant : près de 80ans d’engagement au service de l’ IRA .
Un livre choc, plus puissant, me semble-t-il, que MON TRAITRE. On se sent embarqué dans une histoire de sang et de larmes, de bruit et de fureur qui montre comment le combat pour la liberté prend ses racines au sein même des familles catholiques et engage chacun de ses membres : mari, femme et enfants; comment la solidarité se met en œuvre dans chaque quartier. Pas de manichéisme, les Nationalistes ne sont pas tous des enfants de chœur, il se rencontre aussi des Anglais ou des geôliers humains …..
Tyrone Meehan apparaît tout à la fois comme un époux et un père, comme un militant qui devient un héros puis un martyr mais aussi un traitre qui travaille pour les services secrets britanniques , des services qui ont su deviner et profiter de son secret pour l’approcher et l’utiliser. On partage sa douleur constante d’avoir trahi, mais aussi sa fierté d’avoir réussi à orienter les informations données pour les mettre au service de sa cause, pour éviter le sang ou pour protéger certains de ses amis , et pour avoir, à sa façon, contribué aux accords finaux de paix .
Une vie de militant de base, puis de chef, de héros, de traître et enfin de paria, qu’on lit le souffle haletant, la gorge serrée et dont on sort profondément ému. On ne peut oublier l’enfance de Tyrone Meegan , comment la misère familiale et les humiliations subies ont ancré en lui la haine de l’Anglais, les violences et les tortures subies pendant les années de prison, la difficulté de sa vie conjugale, le rejet de son fils Jack, sa vie d’homme seul, renié et traqué. On ne peut oublier non plus, vers la fin du roman, l’hommage rendu à Bobby Sands et aux autres grévistes de la faim dont les noms s’égrennent au fil des pages, comme les noms des soldats morts pour la patrie dont on faisait autrefois l’appel au pied du monument aux Morts le 11 novembre devant les enfants des écoles .
Un roman superbe qui permet de mieux comprendre, de l’intérieur, la complexité du problème irlandais, où la plume de Chalandon , alternativement épique et lyrique, est mise au service d’une sensibilité politique nourrie par des années de journalisme sur cette question .
Un roman lu il y a quelques années et qui résonne encore en moi aujourd'hui. Un monument de la littérature.
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j'ai lu " mon traitrre"..je viens de vérifier que celui ci était libre dans la médiatheque..oui..merci Anne Marie