"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ravel fut grand comme un jockey, donc comme Faulkner. Son corps était si léger qu'en 1914, désireux de s'engager, il tenta de persuader les autorités militaires qu'un pareil poids serait justement idéal pour l'aviation. Cette incorporation lui fut refusée, d'ailleurs on l'exempta de toute obligation mais, comme il insistait, on l'affecta sans rire à la conduite des poids lourds. C'est ainsi qu'on put voir un jour, descendant les Champs-Elysées, un énorme camion militaire contenant une petite forme en capote bleue trop grande agrippée tant bien que mal à un volant trop gros.
J.E.
Ce roman retrace les dix dernières années de la vie du compositeur français Maurice Ravel (1875-1937).
Finesse dans le portait, malice dans le style
On découvre Ravel ,complexe et attachant
Toujours avec une écriture simple, directe, allant à l’essentiel, l’excellent romancier Jean Echenoz nous fait vivre les dix dernières années de Maurice Ravel (1875 – 1937), immense musicien, compositeur génial d’un Boléro qui trotte toujours dans un coin de notre tête.
L’auteur nous place, dès les premières lignes, dans l’intimité de cet homme, en 1928, à Montfort-l’Amaury où il habite, où il se prépare hâtivement à partir pour l’Amérique, sur le paquebot France. Une suite lui a été réservée sur le bateau et on le reconnaît car il est, comme Stravinsky, au faîte de sa célébrité : « Il est un homme sec mais chic, tiré à quatre épingles vingt-quatre heures sur vingt-quatre. »
S’il est très élégant, il emmène dans ses bagages « soixante chemises, vingt paires de chaussures, soixante-quinze cravates, vingt-cinq pyjamas… » mais aussi une petite valise pleine de Gauloises car il fume beaucoup, beaucoup trop.
L’auteur nous fait partager sa vie à bord, la lecture, le cinéma, la piscine, le salon de coiffure et la nuit du 31 décembre avec le repas à la table du commandant… Au passage, Ravel a raconté sa guerre de 14, lui qui voulait s’engager mais qui avait été refoulé parce que trop frêle. Après dix-huit mois de démarches, il avait été enfin enrôlé comme conducteur au service des convois, section poids lourds. Ainsi, en 1916, il roulait près de Verdun.
Lorsqu’il donne un petit concert, deux jours avant l’arrivée à New York, l’auteur écrit : « Ce ne sont pas vraiment des mains de pianiste et d’ailleurs il ne possède pas une grande technique, on voit bien qu’il n’est pas exercé, il joue raidement en accrochant tout le temps. »
Lui qui n’a « aucune oreille pour les langues étrangères à l’exception du basque.» va se produire dans vingt-cinq villes, d’est en ouest, du nord au sud des États-Unis.
Revenu en France, il retrouve régulièrement son Pays basque natal puis compose son fameux Boléro après un mois de travail, suite à une demande de la danseuse russe, Ida Rubinstein. Il refuse la Légion d’Honneur. Sa rencontre avec Paul Wittgenstein, pianiste prisonnier de Russes, déporté en Sibérie, revenu sans son bras droit, motive Ravel pour écrire un Concerto pour la main gauche.
Hélas, sa santé décline vite même s’il repart en tournée avec Marguerite Long au piano et lui au pupitre. Un grave accident en taxi n’arrange rien. Son écriture se dégrade. Il ne reconnaît plus ses œuvres et, après avoir été opéré par un neurochirurgien, il meurt dix jours après, à 62 ans, sans laisser de testament ni aucune image filmée et pas le moindre enregistrement de sa voix.
Heureusement, la lecture du roman de Jean Echenoz qui a publié, en 2016, "Envoyée spéciale", permet de comprendre un peu qui fut Maurice Ravel.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Ce livre retrace, d'une façon très particulière, voire atypique, les dix dernières années de la vie de Maurice Ravel. Il est alors en plein gloire. Il est admiré, adulé. Il a une haute idée de lui-même et de ce qu'il crée. Il existe une certaine solitude dans sa vie. Les liens féminins sont ténus. Parfois il s'ennuie. Des petits détails banals, très concrets ou ordinaires se mêlent à sa grandeur. De petite taille, il est toujours d'une élégance extrême. Il a des exigences, ses souliers vernis par exemple, qui lui sont indispensables pour jouer sa musique en public. Rien ne va plus s'il n'a pas ses cigarettes. Nous entrons lentement dans la vie de Ravel, son univers. Puis peu à peu le rythme change, jusqu'à s'accélérer à la fin, après le coup de théâtre de l'accident de son taxi, heurté de plein fouet dans Paris. On assiste alors à la destruction d'un compositeur de génie. Peu à peu Ravel ne sait plus comment penser, écrire, ... ni composer.
Ce livre sur Ravel m'a touchée. J'ai trouvé très poignant cet accompagnement simple et quotidien du compositeur. L'écriture, à la fois forte et dépouillée, de Echenoz retrace les gestes, les actes, en les mêlant à la création musicale et à l'idée élevée que Ravel se fait de sa musique et de lui-même.
C'est cette présentation très particulière qui est prenante, et fascinante même. Tisser ensemble le génie créateur et des petites habitudes tatillonnes, des idées fixes, des comportements çà et là un peu obsessionnels.
L'accident, puis la maladie de Ravel, jusqu'à sa mort, sont très poignants : on assiste au déclin irrémédiable puis à la disparition d'un homme d'exception.
Ce livre nous relate les 10 dernières années de la vie de Ravel. Echenoz ne nous parle pas de ses techniques musicales, ni de « sa vie son œuvre » mais de sa vie tout court. Nous partons avec lui en Amérique à bord du France (pas celui-là, mais l’autre d’avant !!!). Nous apprenons tout de ses goûts vestimentaires, de sa si petite maison tout en hauteur. Nous découvrons Ravel dans sa vie de tous les jours : L’homme élégant et raffiné, insomniaque, avec une petite santé. Ce qui m’a sauté aux yeux, bien décrit par Echenoz, c’est sa grande solitude, surtout à la fin de sa vie où il souffre d’une maladie dégénérative qui petit à petit, lui ôtera ses facultés (perte de mémoire, impossibilité d’écrire….) ainsi que sa tristesse et l’ennui qu’il traîne tout au long de ses journées.
Cela peut, décrit comme cela, paraître morne et sans intérêt. Oui, mais c’est sans compter le génie de Echenoz. Vous connaissez le Boléro, cette musique répétitive mais envoûtante et bien, Echenoz a fait de même avec ce livre apparemment si banal, mais si plein de Ravel.
Voici d’ailleurs ce qu’en écrit Echenoz à propos de ce Boléro : Il y a en tout cas une fabrique qu'en ce moment Ravel aime bien regarder, sur le chemin du Vésinet, juste après le pont de Rueil, elle lui donne des idées. Voilà : il est en train de composer quelque chose qui relève du travail à la chaîne " et ce qu’en a dit Ravel : A ceux qui s’aventurent à lui demande ce qu’il tient pour son chef d’œuvre : c’est le Boléro, voyons, répond-il aussitôt, malheureusement il est vide de musique.
Vous l’avez compris, j’ai adoré ce livre lu pour la seconde fois. Echenoz est un très grand écrivain, ce que je savais déjà !!!
Une écriture sensible, fine comme de la dentelle et envoutante. Un roman inspiré par la vie du compositeur Maurice Ravel.
l'art du style et de la romance, Echenoz a choisi Ravel comme sujet, certainement pas en toute innocence.
un grand auteur rencontre un immense musicien un régal!!
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