"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Voici, à l'occasion de l'entrée au Panthéon de Maurice Genevoix, Raboliot, paru aux éditions Grasset en 1925. Pierre Fouques, dit Raboliot, est un chasseur fameux dans toute la Sologne. Les habitants de la région admirent son habileté, son courage et son art dans le maniement du fusil. La chasse n'est pas la seule passion de cet homme rustique et solitaire : il braconne, partout et à n'importe quelle saison, se moquant des institutions et de leurs règles.
Alors que personne n'ose le défier, que gardes-chasse et métayers enragent de voir cet anarchiste de la nature se comporter avec une telle désinvolture, une conjuration s'organise. Le gendarme Bourrel promet de le capturer. Les autorités tendent un piège au braconnier, il y échappe grâce à son intelligence. Raboliot fuit, se cache dans les bois où il prépare sa vengeance. Bientôt, les parties de chasse nocturnes tournent à la haine, au duel à mort...
Le portrait d'un bandit magnifique. Un héros de la liberté et de la nature. Le dernier résistant d'une société prête à tout pour imposer un ordre coercitif.
Nouvelle édition préfacée par Julien Larere-Genevoix, petit-fils de l'écrivain.
Entrer dans ce livre, faire l’apprentissage de la nature et de ses richesses, de ses odeurs, de ses bruissements, car elle a un beau langage dame nature, c’est un voyage extraordinaire que nous offre la plume de Maurice Genevoix.
Les terres appartiennent Monsieur le Comte et Tancogne estson fermier général qui régit tout, terres et hommes, ils sont nombreux à sa botte.
Volat dit le Malcourtois est son métayer et il n’apprécie pas la dernière recrue de son employeur qui n’est autre que le gars Fouques dit Raboliot parce qu’il a une figure de lièvre et qu’il braconne abondamment, c’est une seconde nature chez lui, l’amour de la nature allié au frisson de l’interdit. De plus Raboliot est le cousin de la femme du garde-chasse Firmin Tournefier.
Cela va-t-il le freiner dans ses activités hors-la-loi ? Pas du tout.
Il va jouer avec le feu longtemps mais Bourrel est un acharné, un fier qui n’aime pas que l’on se joue de lui. Raboliot ce dit un petit tout petit face aux vrais voleurs Tancogne et Volat qui ont mis en place un trafic d’une autre envergure. Oui, mais Raboliot est un gibier de choix, trop libre l’animal.
Mais voilà qu’il est pris :
« D’abord parce qu’il s’agissait de lui. Que ce procès l’atteignît, lui, Raboliot, et tout était déjà changé. Depuis le temps qu’il braconnait, il ne s’était jamais fait prendre ; le soir où il avait tendu au bois de la Sauvagère était un soir comme tant d’autres : il était anormal, absurde qu’il se fût laissé prendre ce soir-là. Il avait calculé juste, senti juste ; ce soir-là comme tant d’autres, il était sûr de ses conjectures, des précautions qu’il avait prises, de tous les pas qu’il avait faits. Quelque chose était survenu, qui se dérobait à sa quête. »
Raboliot est épris de sa liberté, la Sologne c’est son habitat, il en connait tous les coins et recoins, les odeurs, les bruits, les variations au fil des saisons. C’est l’air qu’il respire, la nourriture qui le tient en vie, c’est son langage, celui du corps et des sens. Et il est toujours accompagnée de sa chienne Aîcha, fidèle entre tous.
L’auteur nous plonge dans cette vie simple et rude avec un vocabulaire qui épouse parfaitement chaque situation, qui dit au plus juste chaque personnage, le lecteur ne peut confondre Tancogne, Valot ou Raboliot.
« Mais pour un vrai braco, les nuits d’or sont nombreuses l’hiver. Cela dépend du flair de l’homme, de sa souplesse à saisir, chaque nuit, la complicité qu’elle lui offre : noire et venteuse, la nuit aurait appelé le falot du lanternier ; brumeuse et pâle, bruissante de pluie fine sur la jonchée des feuilles, elle aurait guidé le chasseur vers les grands arbres où les faisans perchés posent des ronds noirs sur les branches ; neigeuse, elle aurait conduit à la lisière de quelque bois, en telle place de bon affût d’où l’on voit les lapins et les lièvres boultiner, affamés, sur la friche blanche. »
Les dialogues montrent les rapports entre les hommes, leur place, leurs habitudes de vie, la roublardise de certains (pas toujours ceux que l’on croit), la truculence d’un langage imagé.
Il y aura entre Raboliot et Bourrel dit le merle bleu, une brute, un ennemi dangereux, des passes d’armes et une course poursuite sans merci.
Quel plaisir de retrouver cette écriture nourrie, cette exaltation de la liberté (qui est un fil conducteur récurrent chez l’auteur), cette réalité comme une substance qui vibre, palpite, ce terroir charnel.
Le lecteur se laisse porter et emporter par ce décor somptueux, et cette quête jusqu’au boutiste.
Hommes et animaux vont à la rencontre de leur destin, au bout de leur course la découverte du mystère de la mort ?
C’est somptueux par la forme et le fond.
Je vais continuer par La forêt perdue et La dernière harde, cette trilogie sur la vie sauvage.
Je vais y retrouver la nature où chaque chose fait sens, à sa place, sa fonction, où j’entendrai le bruissement des feuilles, le chant des rivières, le brame du cerf et je serai enveloppée du parfum de la terre profonde.
©Chantal Lafon
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