Et si on sortait des sentiers battus de la rentrée littéraire ?
Prix Femina - Roman Etranger 2024
Sélection Prix Femina étranger *** Sélection Prix Médicis étranger *** Sélection Grand Prix des Lectrices ELLE
Le monologue d'une domestique qui retrace, dans un récit lucide, impitoyable et brutal, les étapes menant au drame qui fera s'effondrer le décor d'une vie " propre ".
" Je m'appelle Estela, vous m'entendez ? Es-te-la Gar-ci-a. "
La fillette meurt. Voici le fait par lequel Estela commence son récit. Estela, qui a quitté sa famille dans le sud du Chili pour la capitale où elle travaille comme employée de maison. Estela, qui s'est occupée pendant sept ans de la jeune victime, l'a bercée, nourrie, rassurée, grondée aussi. Qui connaît chaque étape ayant mené au drame : la chienne, les rats, les aveux, le poison, le pistolet. Chaque étape jusqu'à l'inéluctable.
Un roman psychologique haletant, angoissant et addictif, à travers lequel notre époque se dessine - une société fracturée par les rapports de domination et d'argent, où les uns vivent dans l'ombre des autres.
Et si on sortait des sentiers battus de la rentrée littéraire ?
Un roman qui commence par la fin. Une employée de maison nous parle de la mort d’une fillette survenue quelques jours plus tôt. S’en suit l’histoire de cette bonne et de la fillette.
J’ai tout d’abord pensé à un remake de Chanson douce de Leila Slimani, ou à la femme de ménage, le best seller de Freida Mc Fadden. Pas du tout. Ce roman est totalement différent. Il s’attache au portrait d’Estela, cette femme venue de la campagne pour gagner sa vie en ville, qui se retrouve employée de maison et coincée dans une famille qui l’utilise plus qu’elle ne l’emploie.
Ce texte dénonce l’esclavage moderne à travers une femme blessée au cœur immense qui cherche à survivre dans un monde qui n’est pas le sien.
J’ai été subjuguée par ce huis clos étouffant et dérangeant où les différentes couches sociales sont obligées de se côtoyer sous un même toit. Le lecteur verra grandir la fillette triste et étrange, perdue entre ses parents et sa bonne. Une galerie de portraits de personnages qui cachent tous des secrets ou un mal être derrière une façade de circonstance.
Nous sommes à Santiago du Chili; Estela, 40 ans, a quitté le Sud, sa mère et une vie misérable pour trouver du travail; elle est embauchée par un couple aisé (elle est avocate, il est médecin) une semaine avant que naisse leur fille, Julia. Elle travaillera 7 ans à leur service jusqu'au drame, la mort de Julia qui commence et termine ce roman.
Estela livre un monologue (à la police? à des psychiatres? qui sont derrière une vitre sans tain) et remonte la pelote de ses souvenirs de son enfance jusqu'au moment présent. le lecteur se sent pris à parti et rejoint ceux qui sont derrière la vitre pour écouter la colère, la hargne , la rage d'Estela. Même si on attend de savoir si elle a tué Julia ou pas, la tension est ailleurs. Il est dans cette vie de misère et de soumission dont Julia n'a pu s'échapper malgré ses rêves. Les relations entre Estela et ses maîtres ainsi qu'avec Julia, celles entre le mari et la femme, voire entre les parents et l'enfant manquent totalement de chaleur, d'amour, d'empathie. L'amour, celui qui fait chaud au coeur, qui console, qui permet de supporter la vie, n'existe qu'entre Estela et sa mère ainsi qu'entre Estela et la chienne galeuse qui lui rend visite régulièrement. Lorsque les deux disparaissent, Estela se détache de tout, ne parle plus, devient indifférente à tout.
Ce roman nous donne à voir également la réalité sociale du Chili et le fossé qui sépare les classes sociales, ceux qui ont tout et ceux qui n'ont rien, les invisibles, les enfants qui quittent l'école vers 12 ans pour aller travailler dans les champs, les mines. Les patrons d'Estela, certes, la loge, la nourrisse et la paye correctement mais ils ressentent du mépris vis-à-vis de leur bonne. Julia, en grandissant, agira par mimétisme avec ses parents.
J'ai immédiatement pensé à "Chanson douce" de Leïla Slimani; bien sûr les deux romans sont très différents mais ont en commun la mort du ou des enfants, la terrible solitude physique et surtout morale de la bonne. L'atmosphère de ce roman est étouffante, oppressante, due à l'enfermement d'Estela dans un présent sans perspective, dans une maison qui n'est pas la sienne dont elle ne sort que lorsque ses maîtres le lui demandent, dans une vie de soumission dont elle ne sort qu'en brouillant les limites entre réalité et irréalité. L'écriture est extrêmement tendue, nerveuse, parfois violente au plus près du ressenti d'Estela qui, pour la première fois de sa vie, peut verbaliser librement ses ressentis.
Je suis partagée face à ce roman singulier, puissant mais dont je me suis tenue en marge, dont je salue la qualité psychologiques des personnages mais qui a déclenché peu d'émotions en moi sauf lorsque Estela perd les deux seuls êtres qui donnent encore un sens à sa vie.
Estela García est – ou plutôt était – employée de maison dans une « bonne famille » de Santiago au Chili.
« Etait », parce qu’on apprend dès le début de roman qu’elle se trouve enfermée, seule, dans une pièce sans fenêtres, dont un mur est doté d’un miroir, peut-être sans tain, avec peut-être des gens qui l’observent et l’écoutent de l’autre côté. Commissariat, prison, hôpital psychiatrique ? Estela l’ignore, et le lecteur aussi, puisque c’est elle la narratrice et qu’aucun interlocuteur n’interviendra dans le récit.
Si Estela est enfermée, c’est parce que Julia, la fillette du couple qui l’emploie, est morte. Accident, meurtre ?
Tout au long d’un monologue amer et coléreux, Estela raconte son quotidien pendant les sept années passées dans cette famille, bonne à tout faire, mais presque invisible aux yeux de ses employeurs, à peine plus de substance qu’un appareil électroménager dont on se rappelle l’utilité quand il tombe en panne.
Sept années de labeur à tenir la maison propre, à cuisiner et à s’occuper de Julia, peut-être plus et mieux que ses parents, sans pour autant arriver à cerner cette enfant difficile, tourmentée, cruelle, fragile, instable, malheureuse.
Sept ans de solitude dans sa petite chambre humide et sans horizons, à gagner l’argent qu’elle enverra à sa mère là-bas, dans le sud pauvre et rural du Chili.
Les liens entre Estela, ses patrons et Julia sont tissés de rapports de force et de domination, donc d’humiliations et de frustrations, lentement accumulées par tous les personnages, jusqu’au malsain, (à la folie?), et au drame.
Dans un contexte d’inégalités sociales, d’hypocrisie et de faux-semblants, « Propre » est un roman psychologique convaincant, à l’atmosphère trouble et troublante, dont la fin reste ouverte, compte tenu de l’état mental incertain d’Estela…
Isolée, enfermée dans une pièce Estella commence son récit en s'adressant au mur derrière lequel doivent l'écouter qui ? Des policiers ? Des médecins ?
Tout de suite, on sait que « la fillette meurt ».
Et Estella va égrainer les souvenirs des sept années qu'elle a passé au service de Monsieur et Madame.
Nettoyant, astiquant, s'occupant du linge, cuisinant ….... et élevant la petite Julia très intelligents mais très difficile .
Sept années d'abnégation d'elle-même.
Sept années sans repartir dans le Sud, sans revoir sa mère.
Sept années où elle a fait abstraction d'elle-même.
Et au bout de ces sept années, la fillette est morte.
La manière dont Estella raconte est sincère et émouvante.
On se sent un peu de l'autre côté du mur, interpellés par ses dires et sa sincérité.
Les mots sont justes, expliquent bien, frappent où il faut.
Cette autrice chilienne a vraiment un grand talent
Roman psychologique addictif, il est porté par la voix d’Estela, une domestique à demeure d’un riche couple chilien depuis 7 ans. Interrogée dans une salle mystérieuse, munie d’un miroir sans tain peut-être dans un poste de police, face à des individus qu’on ne connaît pas, elle nous conte son histoire afin de comprendre la terrible phrase : « La fillette meurt ». Est-elle la responsable ? Que s’est-il vraiment passé ? Ça y est la trame est lancée.
De son enfance dans le Sud du Chili aux conditions économiques difficiles, de son travail auprès de Madame et Monsieur dont leur condescendance en fait une violence quotidienne insidieuse, de l’« invisibilité » de cette employée de maison, de la naissance de Julia à son enfance, chacun des épisodes constitue un des rouages inhérents du drame.
Logée dans une pièce humide en prolongement de la cuisine, le quotidien d’Estela est rythmé par une solitude grandissante au fil des jours, malgré la présence de ses patrons avec qui la communication ne se limite qu’au strict nécessaire.
Evidemment, le lecteur est vite happé par l’histoire et veut comprendre où l’autrice, Alia Trabucco Zerán a décidé de l’emmener. Estela ne manque pas d’interpeller son auditoire et ainsi, le lecteur lui-même, ce qui est parfois déstabilisant. Pouvons-nous se fier à sa seule parole ? Est-elle saine d’esprit ? Tout cela fait monter crescendo le suspens.
J’ai beaucoup aimé la plume de l’autrice, bien que j’aie trouvé la façon de s’exprimer d’Estela un brin trop « parfaite » pour une domestique, qui est à la limite illettrée. Cela ne m’a pas gâché le plaisir de lecture : ce n’est qu’en me rappelant le livre que j’ai fait ce constat.
Ce monologue m’a fait penser à un livre français (dont je tairai le titre, afin de ne pas divulguer certains éléments) paru en 2017, qui remporta plusieurs prix et qui fut adapté au cinéma, dont l’épilogue est révélé dès les premières pages mais également dans la quatrième de couverture.
Dénonçant les inégalités sociales et les rapports de classes ainsi que les parents pressant leur enfant vers l’excellence dans tous les domaines, bien souvent au détriment des petits bonheurs offerts par la vie, ce monologue haletant en fait un roman intense, suffocant et puissant. Cela m’a donné envie de découvrir l’autre roman de cette autrice chilienne, « La soustraction », paru en 2021 aux Editions Actes Sud.
Lu dans le cadre du Grand Prix de Elle
Ce livre est atypique car c’est un long monologue avec des pauses mais sans interactions extérieures. On suppose qu’Estela est interrogée, seule dans une pièce avec une glace sans tain. Elle interpelle parfois ceux qu’elle pense être de l’autre côté.
Estela a quitté sa mère, le sud du Chili et ses conditions de vie difficiles pour venir à Santiago. Elle a trouvé une place de domestique chez un couple aisé dont l’enfant est né huit jours plus tard. Elle est logée dans un réduit au strict minimum donnant sur la cuisine et travaille six jours sur sept. Celà fait maintenant sept ans et malgré ses envies, elle n’est jamais partie ni retournée voir sa mère.
Dès le début, on sait que Julia, la petite comme elle l’appelle, est morte. Pourquoi ? Comment ? C’est ce qu’Estela promet de raconter. Mais en prenant son temps, en relatant sa vie d’avant, les débuts de son travail dans cette famille, elle qui ne s’était jamais occupée d’enfants. Elle s’attache malgré tout à cette enfant douée, dont les parents exigent trop et qui se montre capricieuse, difficile, tyrannique, qui refuse de manger, se ronge les ongles au sang. Une forme de solidarité semble naître entre elles autour d’un chien auquel s’est attachée Estela, mais Julia n’hésitera pas à la trahir.
Ce roman monte en intensité. Petit à petit les choses s’accumulent de part et d’autre formant les étapes qui mèneront au drame.
En dehors de ce cas particulier, on peut se poser la question : Combien d’Estela de part le monde ? Combien de familles ayant la richesse profitent du besoin de travailler des autres, les exploitant sans vergogne.
En lice pour le le Grand Prix des Lectrices Elle 2025 et pour le Prix Femina 2024 et Médicis du roman étranger et Prix du Roman Fnac.
Un roman psychologique, social, domestique et politique. Un récit sous la forme d'un monologue où la narratrice s'adresse à des interlocuteurs avec une grande lucidité, les étapes menant au drame qui bouscula sa vie.
Alia Trabucco Zeran dresse le portrait incisif d'une famille en apparence parfaite, l'autrice nous mènera sur des fausses pistes, Estela raconte son histoire jusqu'au décès de cette petite fille et son arrestation, culpabilité, colère, famille, travail, justice, solitude, mais avec cette intrigue on aborde aussi l'histoire d'une nation et sa société le Chili, luttes des droits du travails. Une narration fluide, on ne peut pas lâcher ce livre qui est fascinant.
"Les enfants choisissent toujours de ressembler à un de leurs parents. Réfléchissez à cela, à la décision lointaine que vous avez prise un jour."
Estela nous apostrophe dès les premières lignes du roman : « La fillette meurt. Allô ? Aucune réaction ? »
Cette narratrice sans pitié invective le lecteur, le malmène tout au long du roman, l’agresse presque, et il devient malgré lui juge de sa confession.
Ce monologue nous amène à remonter aux multiples sources de cette mort. La fillette, c’est la fille de ses patrons chez qui elle loge et fait le ménage depuis sept ans. Les journées sont rythmées par les corvées, les repas et les soins à la petite, une routine de soumission implacable qui la dépossède peu à peu de son propre corps. Dans cette maison bourgeoise qui devient le huis clos du roman, le malaise s’insinue, sans échappatoire, avec une violence sociale tue visible uniquement par condescendance des patrons d’Estela.
Je découvre la littérature chilienne avec cette jeune autrice, Alia Trabucco Zerán. Son analyse des rapports sociaux est percutante. Elle décrit avec psychologie la montée progressive de la rancoeur de son personnage, à l’aide d’un cheminement narratif qui nous amène jusqu’à sa propre enfance, aux racines de la soumission. A la lecture de ce roman on est dérouté, chamboulé, angoissé, et on se met à douter de la narratrice, qui nous entraine dans ses zones d’ombres et de doute. Ce sentiment d’inconfort, voulu par l’autrice, est une réussite.
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