"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un roman qui commence par la fin. Une employée de maison nous parle de la mort d’une fillette survenue quelques jours plus tôt. S’en suit l’histoire de cette bonne et de la fillette.
J’ai tout d’abord pensé à un remake de Chanson douce de Leila Slimani, ou à la femme de ménage, le best seller de Freida Mc Fadden. Pas du tout. Ce roman est totalement différent. Il s’attache au portrait d’Estela, cette femme venue de la campagne pour gagner sa vie en ville, qui se retrouve employée de maison et coincée dans une famille qui l’utilise plus qu’elle ne l’emploie.
Ce texte dénonce l’esclavage moderne à travers une femme blessée au cœur immense qui cherche à survivre dans un monde qui n’est pas le sien.
J’ai été subjuguée par ce huis clos étouffant et dérangeant où les différentes couches sociales sont obligées de se côtoyer sous un même toit. Le lecteur verra grandir la fillette triste et étrange, perdue entre ses parents et sa bonne. Une galerie de portraits de personnages qui cachent tous des secrets ou un mal être derrière une façade de circonstance.
Nous sommes à Santiago du Chili; Estela, 40 ans, a quitté le Sud, sa mère et une vie misérable pour trouver du travail; elle est embauchée par un couple aisé (elle est avocate, il est médecin) une semaine avant que naisse leur fille, Julia. Elle travaillera 7 ans à leur service jusqu'au drame, la mort de Julia qui commence et termine ce roman.
Estela livre un monologue (à la police? à des psychiatres? qui sont derrière une vitre sans tain) et remonte la pelote de ses souvenirs de son enfance jusqu'au moment présent. le lecteur se sent pris à parti et rejoint ceux qui sont derrière la vitre pour écouter la colère, la hargne , la rage d'Estela. Même si on attend de savoir si elle a tué Julia ou pas, la tension est ailleurs. Il est dans cette vie de misère et de soumission dont Julia n'a pu s'échapper malgré ses rêves. Les relations entre Estela et ses maîtres ainsi qu'avec Julia, celles entre le mari et la femme, voire entre les parents et l'enfant manquent totalement de chaleur, d'amour, d'empathie. L'amour, celui qui fait chaud au coeur, qui console, qui permet de supporter la vie, n'existe qu'entre Estela et sa mère ainsi qu'entre Estela et la chienne galeuse qui lui rend visite régulièrement. Lorsque les deux disparaissent, Estela se détache de tout, ne parle plus, devient indifférente à tout.
Ce roman nous donne à voir également la réalité sociale du Chili et le fossé qui sépare les classes sociales, ceux qui ont tout et ceux qui n'ont rien, les invisibles, les enfants qui quittent l'école vers 12 ans pour aller travailler dans les champs, les mines. Les patrons d'Estela, certes, la loge, la nourrisse et la paye correctement mais ils ressentent du mépris vis-à-vis de leur bonne. Julia, en grandissant, agira par mimétisme avec ses parents.
J'ai immédiatement pensé à "Chanson douce" de Leïla Slimani; bien sûr les deux romans sont très différents mais ont en commun la mort du ou des enfants, la terrible solitude physique et surtout morale de la bonne. L'atmosphère de ce roman est étouffante, oppressante, due à l'enfermement d'Estela dans un présent sans perspective, dans une maison qui n'est pas la sienne dont elle ne sort que lorsque ses maîtres le lui demandent, dans une vie de soumission dont elle ne sort qu'en brouillant les limites entre réalité et irréalité. L'écriture est extrêmement tendue, nerveuse, parfois violente au plus près du ressenti d'Estela qui, pour la première fois de sa vie, peut verbaliser librement ses ressentis.
Je suis partagée face à ce roman singulier, puissant mais dont je me suis tenue en marge, dont je salue la qualité psychologiques des personnages mais qui a déclenché peu d'émotions en moi sauf lorsque Estela perd les deux seuls êtres qui donnent encore un sens à sa vie.
Estela García est – ou plutôt était – employée de maison dans une « bonne famille » de Santiago au Chili.
« Etait », parce qu’on apprend dès le début de roman qu’elle se trouve enfermée, seule, dans une pièce sans fenêtres, dont un mur est doté d’un miroir, peut-être sans tain, avec peut-être des gens qui l’observent et l’écoutent de l’autre côté. Commissariat, prison, hôpital psychiatrique ? Estela l’ignore, et le lecteur aussi, puisque c’est elle la narratrice et qu’aucun interlocuteur n’interviendra dans le récit.
Si Estela est enfermée, c’est parce que Julia, la fillette du couple qui l’emploie, est morte. Accident, meurtre ?
Tout au long d’un monologue amer et coléreux, Estela raconte son quotidien pendant les sept années passées dans cette famille, bonne à tout faire, mais presque invisible aux yeux de ses employeurs, à peine plus de substance qu’un appareil électroménager dont on se rappelle l’utilité quand il tombe en panne.
Sept années de labeur à tenir la maison propre, à cuisiner et à s’occuper de Julia, peut-être plus et mieux que ses parents, sans pour autant arriver à cerner cette enfant difficile, tourmentée, cruelle, fragile, instable, malheureuse.
Sept ans de solitude dans sa petite chambre humide et sans horizons, à gagner l’argent qu’elle enverra à sa mère là-bas, dans le sud pauvre et rural du Chili.
Les liens entre Estela, ses patrons et Julia sont tissés de rapports de force et de domination, donc d’humiliations et de frustrations, lentement accumulées par tous les personnages, jusqu’au malsain, (à la folie?), et au drame.
Dans un contexte d’inégalités sociales, d’hypocrisie et de faux-semblants, « Propre » est un roman psychologique convaincant, à l’atmosphère trouble et troublante, dont la fin reste ouverte, compte tenu de l’état mental incertain d’Estela…
Isolée, enfermée dans une pièce Estella commence son récit en s'adressant au mur derrière lequel doivent l'écouter qui ? Des policiers ? Des médecins ?
Tout de suite, on sait que « la fillette meurt ».
Et Estella va égrainer les souvenirs des sept années qu'elle a passé au service de Monsieur et Madame.
Nettoyant, astiquant, s'occupant du linge, cuisinant ….... et élevant la petite Julia très intelligents mais très difficile .
Sept années d'abnégation d'elle-même.
Sept années sans repartir dans le Sud, sans revoir sa mère.
Sept années où elle a fait abstraction d'elle-même.
Et au bout de ces sept années, la fillette est morte.
La manière dont Estella raconte est sincère et émouvante.
On se sent un peu de l'autre côté du mur, interpellés par ses dires et sa sincérité.
Les mots sont justes, expliquent bien, frappent où il faut.
Cette autrice chilienne a vraiment un grand talent
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