"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le 8 février 1807, Napoléon a failli tout perdre. À Eylau, en Prusse-Orientale, l'Empereur livre l'une des batailles les plus périlleuses de son règne. Une victoire à la Pyrrhus dont Napoléon n'aimait pas évoquer le souvenir quand il fut exilé à Sainte-Hélène. Le site se trouve aujourd'hui dans l'enclave russe de Kaliningrad, pays étrange annexé par Staline. Jean-Paul Kauffmann voyage sur les traces du colonel Chabert, le héros de Balzac, donné pour mort lors de la grande charge de Murat.
Outre-Terre est un livre sur le désastre, les revenants et le bonheur d'être vivant.
Deux cents ans après la bataille d'Eylau lors de laquelle Napoléon a failli tout perdre, Jean-Paul Kauffmann se rend sur les lieux désormais appelés Kaliningrad, en territoire russe. Accompagné de son épouse, de ses deux fils et de Julia, leur guide-interprète, qui ont quelques difficultés à comprendre sa fascination pour ce champ de bataille et ne se privent pas de le lui dire, il arpente la petite ville et les alentours, prenant pour guides le tableau peint par le Baron Gros mais aussi les romans de Balzac et de Hugo.
Ce voyage dans le temps et dans l'espace a quelque chose de profondément émouvant et de fondamentalement humain. Les tonalités de l'écriture varient imperceptiblement selon ce qui est évoqué : humour léger des tribulations de cet improbable "club des cinq" ; épopée tragique de la narration d'une épouvantable bataille ; mélancolie qui semble planer sur ces lieux énigmatiques... L'écriture coule comme une source et s'empare des paysages et des histoires pour nourrir notre imaginaire. Sensations, réflexions, émotions passent par le filtre de ce style souple et doux pour nous raconter ce que fut la bataille d'Eylau, mais aussi ce que sont toutes les guerres, ce qu'il reste des vivants et des morts lorsqu'elles sont passées sur les existences. Les liens avec le propre vécu de l'auteur apparaît nécessairement en léger filigrane, donnant encre pus de profondeur à cette réflexion sur la mémoire de la terre et des hommes.
Ces jours de voyage en famille tissent le réel à la fiction, à la littérature, à l'art et le présent au passé et cet outre-terre qui est aussi un entre-deux, un entre-temps, sollicite tous nos sens, nous tient la mémoire en éveil et les yeux grands ouverts, prêts à l'émerveillement, prêts au questionnement du monde, attentifs aux mystères de l'Histoire et des hommes. L'écriture de Jean-Paul Kauffmann, ses choix narratifs, nous font partager ce vagabondage où la curiosité est éveillée à chaque pas, cette curiosité stimulante qui va au-devant des autres et qui signe notre humanité.
Un livre superbe qui s'ancre dans la mémoire et y laisse une profonde empreinte.
Talentueux !
En 1997, l’auteur se rend à Königsberg, autrefois capitale de la Prusse-Orientale, annexée par Staline après la seconde guerre mondiale et rebaptisée Kaliningrad, capitale d’Outre-Terre une enclave (‘exclave’) russe. « Königsberg me faisait rêver. Kant y était né, Hannah Arendt …, y avait passé une partie de sa jeunesse. »
Il y retourne en 2007, accompagné de son épouse et de ses deux fils, et ils vont assister à la commémoration du bicentenaire de la bataille d’Eylau.
Pour nous faire revivre la bataille d’Eylau, qui a eu lieu le 8 février 1807, l’auteur nous livre un travail de recherche monumental, absolument exceptionnel. Entre autres références, Le Colonel Chabert de Balzac et le tableau « Napoléon sur le champ de bataille d’Eylau, 9 février 1807 peint par Antoine-Jean Gros. Cette bataille ne fut pas perdue mais elle ne fut pas gagnée non plus. Ni les Français ni les Russes ne parleront de défaite. Toujours est-il que ce fut une boucherie. « ‘Trois cents bouches à feu ont vomi la mort de part et d’autre pendant douze heures’ souligne le 58eme Bulletin de la Grande Armée rédigée par Napoléon en personne. » Ce sera l’aube du déclin de l’Empereur. « Eylau signifie pour toujours idées noires, inquiétude, déboires, déveine. Dans l’épopée napoléonienne, c’est l’ombre portée par l’enthousiasme des débuts. »
Entre présent et passé, l’auteur tend à la recherche de soi-même aussi. « …nous avons parfois l’illusion de sauter sur la rive interdite du passé… L’essence des êtres et des choses révolus nous faussera toujours compagnie. Tant que nous serons vivants, nous serons condamnés à chevaucher le présent et le passé, à errer dans cet éternel entre-deux. J’aime cet état, il donne tant de choix et de disponibilités. »
Comme à son habitude, Jean-Paul Kauffmann nous livre un texte au vocabulaire recherché, à la grammaire impeccable, au style vivant. Il fait partie de mes auteurs préférés et, si les batailles napoléoniennes m’intéressent peu, j’ai dévoré ce livre avec passion.
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