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«Fraîchement restauré, le foyer de demandeurs d'asile à Rennes me fait penser à mon lycée. Une grande porte vitrée, d'interminables couloirs, sauf qu'ici au lieu des salles de classe on a des chambres pour les réfugiés. Dans le hall central il y a une carte du monde avec les petits drapeaux du pays des résidents. La misère du monde s'est donné rendez-vous à Rennes en cette fin d'été 1992. Je suis accueilli par une dame aux énormes lunettes. Elle parle doucement en me regardant droit dans les yeux. Je saisis que je vais avoir une chambre simple, pour célibataire, que la salle de bains et la cuisine sont communes et que j'ai droit à un cours de français pour adultes analphabètes trois jours par semaine. Je suis un peu vexé:- I have BAC plus five, I am a writer, novelist... - Aucune importance mon petit, répond la dame. Ici tu commences une nouvelle vie...» Après avoir déserté l'armée bosniaque, le narrateur se retrouve sans argent ni amis, ne parlant pas le français, dans un foyer pour réfugiés. Dans une langue poétique, pleine de fantaisie et d'humour, Velibor ?oli? aborde un sujet d'une grande actualité et décrit sans apitoiement la condition des réfugiés, avec une ironie féroce et tendre.
"J’ai vingt-huit ans et j’arrive à Rennes avec pour tout bagage trois mots de français – Jean, Paul et Sartre." Ainsi commence le récit du narrateur, qui, après avoir déserté l’armée bosniaque et traversé l’Europe, se retrouve dans un foyer de demandeurs d’asile à Rennes à la fin de l’été 1992, sans argent, sans amis, sans parler le français.Dans un récit fragmentaire, avec humour féroce et ironie pudique, le narrateur écrivain raconte ses premières longues semaines à Rennes, puis l’invitation au Parlement des écrivains de Strasbourg, entre souvenirs du pays quitté et de la guerre qui gronde au loin, entre stratégies pour contenir la faim qui tiraille, entre douleurs de l’exil, entre premiers apprentissages de la langue française (à répéter inlassablement "Où est la poste ? "), entre rêve d’un suicide…
Autobiographie d’une humanité vacillante, entre désespoir et élégance, tout le récit est marqué par les références à la littérature qui sauve (de Tintin à Camus) et par l’écriture dans la langue d’adoption qui reconstruit ("Il me faut apprendre le plus rapidement possible le français. Ainsi ma douleur restera à jamais dans ma langue maternelle."). Le parcours d’un exilé, qui erre hors de sa terre natale, hors de sa langue natale, qui cherche à renaître, au point de reprendre le chemin vers l’Est pour mieux revenir…
Entre saynètes et portraits saisis sur le vif, entre désir et sensualité, c’est aussi le regard d’un exilé sur notre Europe, dans une langue poétique, voire lyrique, où l’humour et la tendresse affleurent pour sous-tendre l’indicible et la douleur, où l’ironie, présente dès le sous-titre, est nécessaire et même salvatrice. Roman hybride et mosaïque, ce Manuel d’exil allie voyage d’un exilé et scènes fictives, destin individuel et mémoire collective, où l’on rit plutôt que d’en pleurer. Une superbe réussite !
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