Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Trente ans après le meurtre de sa petite soeur, Cristina Rivera Garza retourne au Mexique pour tenter de faire rouvrir l'enquête et retrouver l'assassin qui n'a jamais été condamné. Avec une douleur ancienne et une rage froide, elle rassemble des archives - articles, témoignages, brouillons de lettres, journaux intimes, plans d'architecte - pour comprendre l'engrenage qui a mené au crime mais aussi et surtout pour redonner voix à Liliana au-delà de son statut de victime.
Écrit dans une prose lumineuse et acérée, L'Invincible Été de Liliana est un livre d'amour, de révolte et de deuil. C'est aussi une excavation dans la vie d'une jeune femme qui n'avait pas le langage pour identifier, dénoncer et lutter contre la violence sexiste qui caractérise tant de relations patriarcales. Grâce à Cristina Rivera Garza, sa soeur, la voix de Liliana traverse le temps et rend ainsi justice aux nombreuses femmes qui, chaque année, sont victimes de violences conjugales.
L'autrice rend hommage dans ce livre à sa jeune sœur Liliana qui est décédée suite à un féminicide. On le sait dès le départ et Cristina Rivera Garza tente de reprendre l'affaire pour que le meurtre de sa sœur ne reste pas impuni. Face à un système judiciaire mexicain sclérosé et aux années passées, elle tente de faire justice pour que soit condamné celui qui a pris une vie et brisé par extension celle de ses proches. Son combat est plus global aussi, elle veut faire bouger les choses pour obtenir justice pour un fait qui avait lieu avant que le féminicide soit reconnu au Mexique.
Le récit revient sur la vie de l'autrice et surtout sur celle de Liliana. La jeune fille qu'elle était et ensuite la femme qu'elle était en train de devenir avant que tout s'arrête. Surtout, son meurtrier est quelqu'un qu'elle a connu dès le lycée, qui a été son compagnon et qui flotte sur le récit car on ne parle jamais frontalement de lui. De manière pernicieuse et sans évoquer son nom pour le désigner, il est présent tel un danger prêt à s'abattre. Le lecteur sait qui c'est mais ne sait pas comment ni pourquoi il a pu se comporter de cette manière. Cette violence insidieuse est présente en toile de fond tout au long de la lecture.
Mais cet écrit est surtout une manière pour Cristina Rivera Garza de montrer qui était sa sœur. On la découvre dans toutes ses facettes et surtout on sent que c'est une personne qui vivait sa vie pleinement et qui avait des rêves comme tous les jeunes gens peuvent en avoir. On a aussi les témoignages de ses amis, ce qu'ils pensaient de cette jeune fille rêveuse mais qui avait tout de même les pieds sur terre. C'est cette partie qu'il faut conserver, celle d'une jeune femme dont la vie s'est arrêtée brutalement mais qui a vécu sans se soucier du lendemain.
La soeur de l'autrice s'appelait Liliana Rivera Garza. Elle a été assassinée le 16 juillet 1990 par son ex petit ami. Elle n'avait que vingt ans et commençait à gagner en autonomie à mesure que l'expérience universitaire lui ouvrait de nouveaux horizons, il n'avait pas supporté. Ángel Tomás González toujours en liberté, n'a jamais eu à affronter la loi ni à payer pour son crime car il a fui.
« Et nous nous sommes tus. Et nous t'avons enveloppée dans notre silence, résignés face à l'impunité, face à la corruption, face à l'absence de justice. Seuls, et vaincus. Seuls, et brisés. Hachés menu. Aussi morts que toi. A court d'oxygène, comme toi. Et, pendant ce temps, pendant que nous nous traînions sous l'ombre des jours, les mortes se sont multipliées, le sang d'innombrables femmes a submergé tout le Mexique, les rêves et les cellules d'innombrables femmes, leurs rires, leurs dents, et les assassins ont continué à fuir. »
Cristina Rivera Garza s'est tue trente ans avant de raconter l'histoire de sa petite soeur. Ce n'était pas un silence calculé mais dicté par la douleur de la perte, la culpabilité de n'avoir rien vu et la honte du survivant, à une époque où ce type d'assassinat était considéré comme un crime passionnel ainsi qu'une affaire de famille, privée donc.
Elle est désormais prête à affronter la tragédie même si la douleur est intacte, portée par les changements sociétaux en cours au Mexique. Même si dix femmes sont à l'heure actuelle tuées chaque jour dans ce pays, la société mexicaine a évolué : la notion de féminicide a été inscrite dans la loi comme un crime, et les familles des victimes ne se taisent plus et réclament justice. Cristina se sent portée par les voix de celles qui réclament justice et ne se taisent plus.
On commence par suivre Cristina dans son périple au tribunal de Mexico pour récupérer le dossier judiciaire de Liliana et le sauver de l'oubli bureaucratique. L'autrice a la volonté d'honorer la mémoire de sa soeur et plus largement de toutes les Mexicaines victimes de féminicide. Pour cela, elle choisit un dispositif formel très particulier, très loin du récit linéaire.
Dans sa volonté de faire archive, elle a inventé un texte construit à partir de fragments de plusieurs voix ( Liliana, les parents, les amis ), de plusieurs supports ( lettres, journaux intimes, témoignages oraux retranscrits, coupures de presse ), procédé polyphonique qui développe une voix communautaire à la fois juste et puissante qui parvient à désédimenter les différentes couches de ce passé mis de côté pendant plus de trente ans.
Ainsi le récit se fait lumineux portrait de Liliana qui semble revivre sous nos yeux avec sa personnalité et un ressenti rendus très palpables pour le lecteur. Et en même temps, il se fait reconstitution du crime et plus largement, analyse fine des mécaniques du féminicide, révélant le caractère structurel et systématique de ces crimes qui connaissent tous les mêmes étapes ( jalousie, harcèlement, invasion de l'espace intime, menaces, chantage, isolement ) conduisant à la mort.
Un livre d'amour, de deuil et de révolte, d'une grande sobriété, appelant l'émotion juste par un détail notamment dans son dernier chapitre, vraiment superbe.
Liliana était jeune, belle et libre. Elle aimait l'architecture, ses amis et rire. Elle avait une famille, plaisait aux garçons et avait un avenir radieux devant elle. Elle avait découvert, comme l'a si bien écrit Albert Camus, qu'au milieu de l'hiver, elle avait en elle un été invincible.
Mais Liliana a été assassinée le 16 juillet 1990 par son ex-petit ami. Un féminicide, mot qui revient malheureusement beaucoup trop fréquemment dans les conversations ou les médias, encore aujourd'hui, surtout aujourd'hui. Et quand on sait que le Mexique, pays de Liliana, compte dix féminicides par jour, on se dit que ce mot horrible a encore de longs jours devant lui.
Ce récit hybride, mêlant enquête, souvenirs, collection, biographie ou mémoire, porté par Cristina Rivera Garza, soeur de Liliana, avait tout pour me plaire.
Il est difficile de dire que l'on n'a pas aimé un livre qui parle d'un sujet aussi grave, aussi bouleversant. Et pourtant, c'est mon cas, je n'ai pas accroché à ce récit.
Je n'ai pas apprécié ma lecture car j'ai trouvé le tout beaucoup trop confus, diffus, désordonné, comme quelqu'un qui parlerait en logorrhées, d'une seule traite, par crainte d'oublier quelque chose. J'ai beaucoup ressenti la colère, la peur, la tristesse de l'autrice, et en cela je ne peux être que d'accord. Mais le récit en lui-même, coupé de manière étrange, maladroite, presque sans ordre, m'a beaucoup dérangée. J'ai trouvé certains passages beaucoup trop longs ; d'autres, au contraire, pas assez développés. Les parties où on laisse la parole à Liliana, par le biais de son journal intime, auraient pu être intéressantes si elles ne tombaient pas quelque peu comme un cheveu sur la soupe. J'ai trouvé en plus cela assez malaisant au final et je n'ai pas trouvé que cela apportait grand chose au livre. Ou alors il aurait fallu les mettre en annexe.
Je pense que je m'attendais à un manifeste plus engagé sur la cause féminine en général, plus particulièrement au Mexique. Je savais que l'autrice parlerait de sa soeur mais j'aurais cru qu'elle aurait ouvert davantage son écrit. Il y a quelques passages de cet acabit dans le livre mais beaucoup trop peu à mon goût. Et le décalage entre le récit et mes attentes a fait que je me suis tenue à distance de l'histoire, sans rentrer particulièrement en empathie avec les protagonistes, ce qui est profondément gênant pour moi. Par contre, j'ai beaucoup beaucoup aimé la fin, lorsque l'autrice donne la parole à ses parents, et lorsqu'elle exprime elle aussi son ressenti sur comment vivre malgré l'absence. L'intime m'a plu mais est arrivé trop tard.
En bref, une lecture très en demi-teinte pour moi. Un récit qui n'a pas correspondu à mes attentes et qui souffre de pas mal de longueurs selon moi. Cela peut être dû aussi à la traduction ou à la disposition des chapitres (j'ai eu une épreuve non corrigée). Je connais les éditions du Globe, je sais que leur catalogue est qualitatif. Ce récit ne m'a pas particulièrement touchée, il en sera peut-être différemment pour vous. le livre sortira le 31 août, je ne peux que vous encourager à vous faire votre propre avis.
« Nous sommes sous un arbre peuplé d’oiseaux invisibles ».
L’incipit est une fenêtre sur le monde de Liliana. Cristina Rivera Garza, mexicaine, écrit pour sa sœur Liliana. Un hommage d’une sœur pour celle disparue, et un plaidoyer pour la réhabilitation de la justice.
Trente ans après le meurtre, le mot féminicide n’existait alors pas.
Elle quête une réponse, somme le pourquoi. La grande vague de ce qui n’est pas le deuil. La littérature seule, jugera. Ce livre est d’ombre et de lumière, sans pathos, avec un arc-en-ciel pour seuil.
Le meurtrier n’a jamais été condamné. Il a disparu. Les années ont passé. Mais pas la douleur, ni les articulations de l’incompréhension. Elle peint le passage de son enquête. Elle met du bois dans la cheminée. Attise les flammes jusqu’à se brûler. Comprendre.
Cristina va remonter la source. Franchir les diktats ubuesques de la justice mexicaine. Pousser les portes, vaincre les courants d’air et les réponses trop éloignées d’elle.
« Mais la juge Martha Patricia Zaragoza Villaruel n’est pas là. Nous sommes sur le point de pleurer ».
Sa requête est une noria d’espérance. Elle veut la vérité. Que l’assassin soit enfin jugé. Elle va rassembler l’épars, jour après jour, rencontre après rencontre. L’éphéméride de la courte vie de Liliana, sa petite sœur. Celle qui écrivait des carnets entiers. Semait des couleurs, des points et des virgules, du baume à lèvres, et des petits cœurs d’Hello Kitty. Les échanges épistolaires comme une galette des rois en partage.
Le 14 juin 2012, enfin , le féminicide est inscrit dans la loi comme un crime au Mexique. « Article 325 : Commet le crime de féminicide toute personne qui ôte la vie à une femme en raison de son sexe ». « Et le coupable ce n’est pas moi, ni mes fringues, ni l’endroit ». Le violeur, c’est toi ».
Le récit est un tourbillon de tendresse pour Liliana. Elle, si vive, enjouée, magnanime, liante, et vénérable. Liliana, qui taisait à ses camarades et à son cercle d’amis (es), sa relation toxique avec Àngel Gonzalez Ramos. Jaloux, intrusif, possessif, il était pour elle le danger suprême. Le loup prêt à attaquer. Insultes, coups et brimades, elle taisait ses bleus et inventait des chutes. Liliana a rompu. Mais la bête traquait la biche, à l’angle du mur violence, jusqu’au jour fatal, où Liliana n’est pas allée en cours. Où Liliana a été tuée à la veille de prendre son envol en tant qu’architecte. Cristina recueille les témoignages. Cherche le moindre indice. Tous répondent à sa quête. Le livre devient Liliana. « Une jeune fille désorientée, soumise aux maltraitances quotidiennes. Une enfant gentille et douce. Une étudiante exemplaire. Une innocente. Une imprudente. Avec un passé. Une femme pleine d’amour ».
Violence domestique, l’homicide sur conjoint. Scènes de jalousie. Liliana est prise au piège et va mourir. Elle, qui adorait écrire, plier le papier avec noblesse. Choisir la couleur selon la confidente (ou le). Le 15 juillet 1990, Liliana est décédée. Ce récit-enquête, ce livre des filiations, cet hymne pour elle, Liliana, est une barque qui glisse sur les eaux sombres. Écrire l’exutoire, le combat pour la justice, enfin.
La trame est un soupir infini. Une ode pour une sœur aimée. « Liliana est le nom que j’ai donné à ma liberté. Elle avait un langage unique. Et moi je rêvais sans arrêt de cet endroit ».
« Au milieu de l’hiver, j’apprendrais enfin qu’il y avait en moi un été invincible ». Albert Camus.
« Il y avait aussi la Liliana qui fouillait en vain le monde pour nommer la violence à ses trousses ».
Le deuil comme une écharpe autour du cou. Trente ans de patience avant d’affronter le rocher de Sisyphe. Cristina Rivera Garza est notre force. On arpente son témoignage avec une douleur infinie, et une furieuse envie de lui tenir la main. Ce livre à une capacité d’amour géante. Un élan de lumière invincible comme le titre si beau. Dédié à elles, et eux, mais pas lui, Liliana comme point fixe.
Le féminisme est une lutte de chaque instant. L’inexorabilité.
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Lise Belperron. Publié par les majeures Éditions Globe. À noter : L’invincible été de liliana a reçu cinq prix prestigieux, dont le prix Rodolfo Walsh et le prix Xavier Villaurrutia.
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