L'auteur de "L'allègement des vernis" vous dévoile 10 précieux conseils de lecture
A travers une seule image, obsédante, lancinante, celle qui capture l'instant précis où Monet entre dans son atelier, je me suis efforcé de peindre les dernières années de la vie de Monet. C'est dans ce grand atelier de Giverny où il a peint les Nymphéas qu'il se sent à l'abri des menaces du monde extérieur, la guerre qui gronde aux environs de Giverny, la vieillesse qui approche, la vue qui baisse inexorablement. C'est là, dans l'ombre de la mort, qu'il va entamer le dernier face-à-face décisif avec la peinture. C'est là, pendant ces dix années, de 1916 à 1926, que Monet va poursuivre inlassablement l'inachèvement des Nymphéas, qu'il va le polir, qu'il va le parfaire.
J.-Ph.T
L'auteur de "L'allègement des vernis" vous dévoile 10 précieux conseils de lecture
« Je veux saisir Monet là à cet instant précis où il pousse la porte de l’atelier,… où il entre dans l’atelier… »
C’est une lecture par le trou de la serrure de l’atelier de Monet à Giverny à travers les années de création des Nymphéas.
C’est un court texte, d’une pure beauté !
Merci @guillaume_broggio de me l’avoir fait découvrir.
« Pendant la guerre, plus que jamais, c’est dans l’art que Monet va se réfugier pour se tenir à l’écart du boucan du monde. L’atelier des Nymphéas sera le havre de paix qu’il élira pour ne plus penser aux tristesses de l’heure. » page 11
« Ce que Proust avait fait avec les mots… Monet le fera avec des couleurs et des pinceaux. » page 17
Le titre est le leitmotiv de la narration qui introduit chaque nouveau paragraphe décrivant Monet à l’œuvre de ses nymphéas. Ce texte court, brillamment écrit montre bien l’attitude de l’artiste face à son travail colossal qui sent que son achèvement sera également sa finitude d’être humain et qui le corrige, l’amende par petites touches pour faire durer le plaisir de l’accomplir et de repousser la mort. L’auteur nous offre également une remarquable description des souffrances de la vieillesse qui s’installe progressivement, mais dont les effets délétères sont atténués par la création artistique.
Dans ce livre de 20 pages, Jean-Philippe Toussaint dépeint les dernières années de vie de Claude Monet avec pour motif récurrent : l’instant précis où Monet entre dans l’atelier. Cette phrase obsédante est à l’image du travail du peintre qui n’a eu de cesse de peaufiner Les Nymphéas, sans relâche, comme une pulsion lancinante.
Car finalement, l’art anime Monet, il le fait vivre et l’habite… alors, lorsque l'œuvre est achevée, qu'a t-il comme certitude que cela ne le conduira pas également à la mort de son art ?
@lecturesauhasard
Et l'auteur raconte comment le peintre s'attelle à la tâche des Nymphéas, sa dernière œuvre qu'il ne jugera jamais achevée : "Monet met toute son énergie, non pas à terminer les Nymphéas, mais à poursuivre leur inachèvement, à le polir, à le parfaire." (p.20)
JP Toussaint parle de la création artistique, de l'âge qui avance et des œuvres qui survivent à son auteur et qui inoubliables, tellement célèbres, surpassent leur auteur dont on ne retient que le nom, parfois associé au prénom. Sur ces vingt pages, il brosse les dix dernières années de la vie du peintre, uniquement lorsqu'il entre dans son atelier, absorbé par ses toiles, les rituels inchangés malgré l'âge, la maladie.
C'est très beau, très fin, JP Toussaint est parvenu à une épure rare. Malgré tout cela, ce n'est pas le texte de l'auteur que je préfère, il ne me convainc pas totalement, sans doute trop court -un comble pour moi qui n'aime pas les gros livres-, la sensation qu'il reste un peu en surface ; je n'ai pas eu ce moment où je sens que je suis dans un texte qui me touche vraiment, comme c'est souvent le cas avec les autres livres de l'auteur. Mais reste que vingt pages de JP Toussaint sont toujours préférables à 400 pages de certains autres, dont évidemment, je tais les noms pour ne pas faire de peine à ceux qui, inévitablement referont parler d'eux en septembre...
On croyait tout savoir sur Claude Monet et ses « Nymphéas ». Que nenni. Jean-Philippe Toussaint, œil omniscient, saisit l'artiste pénétrant dans son atelier pour réaliser son magnum opus, dont il ne sera pourtant pas totalement satisfait. Dix années seront nécessaires au résident de Giverny pour peindre huit panneaux. Seule sa mort, en 1926, l'arrêtera.
En quelque trente pages, le geste créatif et l'obsession pour une œuvre qui efface les contingences sont captés ici avec une grande intelligence.
L'atelier des Nymphéas devient un havre de solitude qui arrache Monet, presque aveugle, à la fureur de la guerre afin qu'il compose un hymne pictural à la paix.
Ce court texte intense a la grâce.
EXTRAITS
La solitude, chez Monet, n'est pas un retrait ombrageux, c'est une condition de son art.
Il éprouve devant la nature un inattendu apaisement su monde.
Car ce qu'il dépose, […], c'est la vie même, dans ses infimes variations, métamorphosée en peinture.
Ce qui est à l'œuvre, […], c'est la conversion de la substance éphémère et palpitante de la vie en une matière purement picturale.
Peindre, c'est oublier ses tourments intérieurs, c'est tenir à l'écart le passage au néant dont il sent l'imminence.
Peindre les Nymphéas aura été pour lui la plus apaisante des extrêmes-onctions.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-linstant-precis-ou-monet-entre-dans-latelier-jean-philippe-toussaint-minuit/
Ce qui frappe chez Toussaint, c’est toujours la clarté du style, la transparence du propos, la précision du détail. Il tente ici de nommer, de décrire, de dire une traversée, une transition : le passage de la vie à l’art, du commun au sacré, un moment de basculement, hors du temps, de l’espace, de l’Histoire où le créateur s’apprête à créer. L’instant est fugace, éphémère. Il faut être vif « je veux saisir ce moment-là », précis « où il pousse la porte de l’atelier », nuancé « dans le jour naissant encore gris ». Saisir ce moment relève du miracle. Parce qu’il faut dire ce que personne ne voit. Capturer l’instant magique, le passage à l’acte créatif, c’est révéler le sublime, réitérer le miracle. L’auteur « veut ». Rien ne dit qu’il pourra. C’est un pari. Et ce « je veux » a quelque chose de performatif. À ce moment-là, l’écrivain écrivant se situe lui-même à une frontière, à un seuil, à l’aube même de son texte. Rien n’a commencé, rien n’est arrivé. Pour lui aussi. Rien n’est écrit. Il « veut » follement. Fabuleux désir. Énergie en fusion. Et pour saisir l’essence de Monet, il va passer par son « je » de créateur -l’homme à l’aube, dans le silence- à un « nous ». Sans que l’on s’en rende compte, il aura suffi d’une page à l’auteur pour nous entraîner, nous lecteurs, dans l’atelier « de l’autre côté de la porte » et nous faire témoins du miracle de l’art, initiés. Toussaint s’est fait passeur. Il nous porte, nous ouvre les yeux devant « les nuances de bleus », « la lumière déclinante », « l’apaisement du monde ». Nous observons alors quelque chose de sacré. Le prodige se réalise : la vie déposée sur la toile dans une fabuleuse « opération de transsubstantiation », une « conversion de la substance éphémère et palpitante de la vie en une matière purement picturale. » Et du monde, déjà, nous avons glissé dans la toile, de l’autre côté, « paysages d’eau et de lumière, fragments de branches inclinées de saules pleureurs, reflets bleutés, ciels, transparences. » Matière à jamais inachevée, toujours vivante, mouvante, en déplacement.
Par les mots, le miracle a lieu. Et nous en sommes les témoins. Rien ne nous a été totalement dévoilé et pourtant, tout est clair.
Le mystère demeure.
Mais nous avons vu.
LIRE AU LIT le blog
L’extrait de ce livre est court, il est à l’image du texte. Jean-Philippe Toussaint capte un instant en quelques pages. Il veut saisir un geste précis et vif, celui de Monet qui se lève et va travailler. Le peintre est guidé par un mouvement énergique, presque aveugle, naturel. L’auteur parle à la première personne et pose le mystère qu’il tente de poser avec des mots. À la fin de cet opuscule, il remercie Ange Leccia qui lui a donné envie d’écrire sur Monet. Et l’envie est présente dans cette vingtaine de pages. On sent l’importance de ce mouvement de corps, celui d’un homme âgé, qui est toujours animé par le désir de travailler, de chercher. Jean-Philippe Toussaint lance de multiples pistes sensibles sur le peintre sans jamais tomber dans l’interprétation, dans le psychologique. Il tente de cerner l’intuition d’un artiste, ce qui est dans sa tête et n’existe pas encore. On sent l’intensité du geste, la nécessité de créer malgré le drame de la guerre, malgré la mort très proche. Le texte n’est jamais encombré d’éléments historiques mais se concentre sur le voyage d’un être dans le brouillard, dans le flou de sa création, sans jamais avoir peur.
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