"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Au cours de la première nuit du ramadan à Bangalore, la cosmopolite Silicon Valley de l'Inde, un jeune prostitué est attaqué et brûlé vif dans le quartier musulman de Shivaji Nagar. D'autres meurtres suivent rapidement. L'inspecteur Borei Gowda tente de trouver un point commun entre les différentes victimes. Une femme d'une grande beauté a été aperçue par les témoins...
Je continue mon tour du monde des polars avec une auteure indienne: Anita Nair, écrivaine, poétesse et nouvelliste originaire du Kerala. Une poétesse qui se tourne vers le roman policier , c’était surprenant.
Dés le début de l’intrigue , les chapitres faisant parler l’assassin puis l’enquêteur alternent. Toutefois parmi tous les personnages évoqués on ne connaît pas véritablement l’identité de l’assassin. On se pique au jeu de deviner de qui il s’agit.
Le second attrait de ce polar réside dans la description de la société indienne contemporaine avec ses castes, officiellement disparues ... ses non-dits, ses tabous.
Ce polar m’a beaucoup touchée et Anita Nair est une véritable découverte pour moi.
Petites précisions géographiques avant d'entamer mon billet : Bangalore est une ville du sud de l'Inde, d'environ 8.5 millions d'habitants, capitale de l'État du Karnataka, considérée comme la Silicon Valley indienne (source : Wikipédia et l'éditeur).
Revenons maintenant au roman d'Anita Nair qui m'a fort agréablement surpris. J'avoue, à ma grande honte (ouh, ouh, ouh), avoir une idée dépassée de l'Inde, des habitants réservés, un rien compassés, des us et coutumes très ancrés. Il me faut dire également que ce n'est pas un pays pour lequel j'ai un intérêt particulier et que je ne suis jamais allé chercher d'information sur la vie moderne indienne. Tous mes préjugés volent en éclat et c'est tant mieux. Ce polar met en scène à la fois des coutumes et des scènes ou des moeurs beaucoup plus modernes : il y est beaucoup question de sexualité, de trans-sexualité, des rapports qu'entretiennent entre eux les gens d'une grande ville, de la corruption, des accointances entre politiques et chefs de la police, de prostitué(e)s, de sans-papiers, de faux-monnayeurs, d'eunuques et de travestis. L'auteure réussit le tour de force de donner beaucoup de modernisme tout en gardant les traditions de son pays très présentes. Son personnage principal Borei Gowda n'est pas un mec éminemment sympathique, ni antipathique d'ailleurs, il est mal embouché, bourru, néanmoins, il a des côtés touchants et attachants, mais s'emporte très vite, ne supporte pas beaucoup les autres : "Gajendra pâlit. C'était toujours comme ça quand la tendance de Gowda à la méchanceté remontait à la surface. Il parlait sur un ton suave qui, au lieu de désamorcer la violence intérieure, l'amplifiait. Le brigadier éprouvait une grande sympathie pour Santosh. On avait vu des hommes plus endurcis retenir leur souffle quand Gowda optait pour la douceur." (p.39)
Il a des raisons pour être comme cela, c'est un excellent flic, doté d'un sixième sens, mais qui se heurte à la hiérarchie souvent plus occupée à s'occuper d'elle-même que des meurtres commis dans les rues, fussent-ils perpétrés par un tueur en série : "Il se passe beaucoup de choses dans votre juridiction. Des Africains en ont fait leur quartier général. Certains sont impliqués dans un trafic de drogue. Occupez-vous de ça. Il y a aussi un consortium de propriétaires de carrières en quête de bons filons qui voudrait qu'on regarde ailleurs. Mettez-y bon ordre. Ça nous fera le plus grand bien, à vous comme à moi. Laissez ces absurdités de tueur en série à la Criminelle." (p.217)
D'aucuns pourront dire qu'il n'y a là rien de nouveau. Certes, je ne crois pas qu'Anita Nair veuille révolutionner le roman policier, mais elle y ajoute un contexte géographique, politique assez différent de ce que je peux lire habituellement. Ça suffit pour me plaire, surtout si dès lors qu'on tente de comprendre qui peut être le ou la coupable, on patauge un peu, A. Nair nous embrouillant avec des termes indiens tels "Anna" (=frère aîné), "Akka" (=soeur aînée)", certes expliqués en un bienvenu glossaire de fin de volume, mais qui, s'ils peuvent désigner une personne particulière -celle que l'on pense être un coupable parfait- sont aussi des termes génériques qui peuvent s'adresser à plusieurs personnes -donc d'autant plus de suspects.
Voilà donc pour ce polar indien qui devrait plaire à un grand nombre de lecteurs, peut-être pas aux plus exigeants des amateurs de romans policiers qui en verront les ficelles, sauf s'ils se laissent prendre par l'ambiance mi-moderne mi-traditionnelle qu'a su créer Anita Nair.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !