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Désimpérialiser la science et l'habiter poétiquement : tel est le projet esquissé dans de ce petit livre au style inclassable. Face à la catastrophe civilisationnelle qui s'annonce, face au cancer technologique, tenter d'orienter les savoirs vers la recherche de solutions « ingéniériques » relèverait du pire choix possible. Si les sciences peuvent jouer un rôle salvateur c'est, tout au contraire, en contribuant à un renouveau radical des symboles et des valeurs. En réinventant le sens du monde. Ni apologique ni critique, cet essai plaide pour une science nomade, tzigane ou touareg. Bohémienne de la vérité. Une science poétique, humble et intransigeante. Une science déviante et fière de l'être. Autrement dit : profondément révolutionnaire.
À sa façon singulière, délibérément subversive mais sans volonté de heurter, Aurélien Barrau invite ses confrères à développer un autre rapport à la science, profondément poétique, qui ambitionne véritablement de « revisiter les fondements du réel ». Marc Belpois, Télérama.
La fiche indique la publication en livre de poche à venir en octobre 2024 mais la publication en grand format (en 2023) est accessible.
Aurélien Barrau (AB) reprend et développe des thématiques notamment déjà abordées dans son précédent texte « Il faut une révolution politique, poétique et philosophique » chez Zulma qui n’était pas d’un accès très aisé (densité et formulations).
Ce nouvel essai de l’astrophysicien grenoblois reste dense et court, mais plus accessible.
Si on condense on pourrait dire que ce qu’AB appelle « l’hypothèse K » est en fait une forme de laisser faire se soldant par des développements techniques non maitrisés et exponentiels (le K renvoyant au grec ancien karkinos qui désigne le crabe … et donc au cancer et ces cellules malignes qui « ont évidemment besoin de l'hôte pour exister mais elles n'en dépendent plus que marginalement, jusqu'à son trépas ».
En dénonçant les croyances dans les solutions techniques sans vision du monde et les pertes de sens et en diagnostiquant les limites actuelles des sciences, il propose de réouvrir la pensée scientifique particulièrement dans les fondamentaux et références en prenant notamment en compte le vivant.
Il frappe fort pour à la fois alerter, mais aussi proposer des pistes, des pas de côté, pour éviter la « catastrophe civilisationnelle », ouvrir les sciences vers d’autres paradigmes (en toute lucidité) et redonner leurs places et leurs sens aux mots :
« Ni un drame écologique, ni une crise climatique, ni un délitement social : une catastrophe civilisationnelle. Voilà où nous en sommes. Un effondrement de la vie et une perte de sens. Le premier étant, en partie, une conséquence de la seconde.
Le rôle que la science peut et doit jouer dans cette situation sans précédent est immense. A la démesure de sa responsabilité. … » p 15
Et … « quand on est la science à la recherche de « solutions », c'est manquer à la fois d'imagination et d'ambition. C'est non seulement rater sa véritable singularité mais aussi oublier que le prétendu « problème » auquel nous faisons face n'est à ce jour ni compris ni pensé. Sans questionner les implicites, les valeurs, les désirs et les symboles, aucun espoir sérieux n'est évidemment permis. » p 17
« … la science permet aussi de découvrir que le réchauffement climatique n'est qu'une (petite) partie du problème. … d'autres processus, tout aussi inquiétant, se dévoilent simultanément : acidification des océans, pollution, interruption des cycles biogéochimiques, stérilisation des sols, atrophie des espaces de vie, introduction d'espèces invasives … ce sur focaliser sur le réchauffement n'est qu'une manière de se rassurer en choisissant le problème le plus simple à contrecarrer. » p 22
…
« il serait bien trop simple d'opposer la « bonne science », fondamentale, pure, désintéressée, à la « mauvaise science », appliquée, ingénériérique, technologique. … la ligne de démarcation n'est pas à chercher ici. Elle se dessinerait plutôt entre la science qui sur-affirme le déjà su ou le déjà cru et celle qui fait vaciller les construits et les édifiés. L'essentiel est ici. » p 104
« … l'attitude dont il est maintenant question ne relève pas des conditions pratiques de l'exercice mais de l'intentionnalité ou de la visée. De la vision. De la représentation de la perspective. En science la modalité est une finalité.
Pour être parfaitement clair : la proposition de cet essai ne concerne ni exclusivement les objectifs ni seulement les moyens. Réinventer les seuls buts de la recherche scientifique …, ou ses seules modalités ... n'aurait aucun intérêt… cela se révélerait même largement nuisible.
Poétiser la science pour la refonder consiste plutôt à déplacer nos expectatives pour infléchir la pratique, renouveler la réception et potentiellement transformer la direction. Il faut d'abord travailler les attentes. Apprendre à aimer l’onto-poéto-logie oubliée ou effacée. Tout en découlera, suivant une contre mécanique imprévisible. » pp 105-106
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