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Les presque soeurs

Couverture du livre « Les presque soeurs » de Cloe Korman aux éditions Seuil
  • Date de parution :
  • Editeur : Seuil
  • EAN : 9782021427639
  • Série : (-)
  • Support : Papier
Résumé:

Entre 1942 et 1944, des milliers d'enfants juifs, rendus orphelins par la déportation de leurs parents, ont été séquestrés par le gouvernement de Vichy. Maintenus dans un sort indécis, leurs noms transmis aux préfectures, ils étaient à la merci des prochaines rafles.

Parmi eux, un groupe de... Voir plus

Entre 1942 et 1944, des milliers d'enfants juifs, rendus orphelins par la déportation de leurs parents, ont été séquestrés par le gouvernement de Vichy. Maintenus dans un sort indécis, leurs noms transmis aux préfectures, ils étaient à la merci des prochaines rafles.

Parmi eux, un groupe de petites filles. Mireille, Jacqueline, Henriette, Andrée, Jeanne et Rose sont menées de camps d'internement en foyers d'accueil, de Beaune-la-Rolande à Paris. Cloé Korman cherche à savoir qui étaient ces enfants, ces trois cousines de son père qu'elle aurait dû connaître si elles n'avaient été assassinées, et leurs amies.

C'est le récit des traces concrètes de Vichy dans la France d'aujourd'hui. Mais aussi celui du génie de l'enfance, du tremblement des possibles. Des formes de la révolte.

Cloé Korman est née en 1983 à Paris. Son premier roman, Les Hommes-couleurs (Seuil, 2010), a été récompensé par le prix du Livre Inter et le prix Valery-Larbaud. En 2013, elle a publié, toujours au Seuil, Les Saisons de Louveplaine, puis Midi en 2018, et Tu ressembles à une juive en 2020.

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Avis (10)

  • Entre 1942 et 1944 en France, des milliers d’enfants juifs de tous âges se sont retrouvés seuls après la déportation de leurs parents. Des enfants qui embarrassent le régime de Vichy qui les internera dans différents lieux (Pithiviers, Beaune-la-Rolande, Paris) avant de prendre une décision bien...
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    Entre 1942 et 1944 en France, des milliers d’enfants juifs de tous âges se sont retrouvés seuls après la déportation de leurs parents. Des enfants qui embarrassent le régime de Vichy qui les internera dans différents lieux (Pithiviers, Beaune-la-Rolande, Paris) avant de prendre une décision bien plus radicale. Parmi ces enfants se trouvaient les petites cousines de l’auteure ainsi que trois de leurs petites camarades. Si ces trois petites filles ont survécu, ce n’est malheureusement pas le cas de Mireille, Jacqueline et Henriette Korman, âgées de 10 à 3 ans au moment de leur arrestation en 1942 et qui seront assassinées à Auschwitz en 1944. C’est leur itinéraire que retrace Cloé Korman dans ce livre.

    Cloé Korman a mené un véritable travail d’enquêtrice pour remonter la piste familiale, car ce n’est pas un sujet qui est abordé chez les Korman. C’est d’ailleurs le défrichage mené par sa sœur, Esther, et les documents que celle-ci a réussi à regrouper, qui va lancer Cloé dans cette recherche qui va la mener de Montargis à Beaune-la-Rolande et à la rue Lamarck à Paris. Elle va aussi puiser dans les souvenirs d’Andrée Kaminsky, l’une des petites filles qui a survécu avec ses sœurs, Jeanne et Rose ainsi que Madeleine pour retracer les deux ans durant lesquelles les fillettes seront ainsi ballotées d’un lieu à l’autre.

    Cloé Korman réussit ici à nous faire ressentir ce qu’ont pu éprouver les enfants. Elle parvient à nous faire comprendre l’intensité des relations qui se nouent, encouragées par l’urgence de les vivre. Mais elle nous décrit aussi les petits moments qui font l’enfance et qui demeurent même au plus noir des épreuves.

    Elle déroule ainsi le fil, avec sensibilité et douceur, faisant parfois des pauses pour raconter des épisodes de sa vie personnelle tels que sa grossesse et la naissance de son petit garçon. Elle redonne une voix à tous ces enfants disparus mais aussi une place aux survivants et à ceux qui les ont aidés, soutenus, cachés. Son écriture, toute en retenue et sobriété met encore plus en exergue la barbarie d’un état qui a livré des enfants à la mort sans aucun état d’âme.

    Un livre puissant qui procure énormément d’émotion.

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  • Lu, il y a plusieurs années "si c'est un homme " de Primo Levi retraçant l'insoutenable survie à Auschwitz, "presque sœurs" de Cloé Korman est ce miroir à hauteur d'enfants en France. Sans patho, l'auteur grave cette période en fouillant avec quelques indications. Pour les nouvelles générations,...
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    Lu, il y a plusieurs années "si c'est un homme " de Primo Levi retraçant l'insoutenable survie à Auschwitz, "presque sœurs" de Cloé Korman est ce miroir à hauteur d'enfants en France. Sans patho, l'auteur grave cette période en fouillant avec quelques indications. Pour les nouvelles générations, cette réalité hors de la leur est un témoignage poignant. Malgré tout le foin fait autour de cette restitution, les passages chipés, ne manquent pas de respect. Est-ce si important ?

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  • Ah comme j'aurais aimé lire le contenu de ce livre comme étant une fiction ! Hélas c'est tragiquement vrai et authentique et surtout le reflet d'un pan de l'histoire qui donne envie de crier honte à tous ceux qui ont participé de près ou de loin à ces horribles rafles qui ont conduit tant...
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    Ah comme j'aurais aimé lire le contenu de ce livre comme étant une fiction ! Hélas c'est tragiquement vrai et authentique et surtout le reflet d'un pan de l'histoire qui donne envie de crier honte à tous ceux qui ont participé de près ou de loin à ces horribles rafles qui ont conduit tant d'innocents à la mort ....

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  • Dans ce livre,Cloe Korman part sur les traces de trois cousines de son père, ballottées entre 1942 et 1944 de centre d’accueil en centre d’accueil d’enfants orphelins juifs, leurs parent ayants été déportés. Elles ont côtoyé pendant longtemps trois sœurs d’une autre famille avec lesquelles elles...
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    Dans ce livre,Cloe Korman part sur les traces de trois cousines de son père, ballottées entre 1942 et 1944 de centre d’accueil en centre d’accueil d’enfants orphelins juifs, leurs parent ayants été déportés. Elles ont côtoyé pendant longtemps trois sœurs d’une autre famille avec lesquelles elles se sont liées d’amitié, mais leur destin final a été différent. Cette quête décrit bien la fragilité des situations de ces enfants, en fonction du centre d’accueil et l’arbitraire des rafles qui y sont effectuées. L’enquête détaillée de l’auteure nous fait revoir ou découvrir les centres de pithiviers, de Beaune la Rolande et du Vel d’Hiv et les drames qu’ils ont abrité, mais le grand nombre de lieux, de situations et de personnages sont un peu difficiles à suivre et nuisent à la clarté du propos.

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  • Ce roman puise sa vérité dans deux temporalités, celle de l’autrice et de son présent (entre découverte des archives, exploration de villes françaises, confinement, grossesse) et celle des Presque Sœurs, 6 petites filles ballotées dans la France collaboratrice de Vichy. En revenant sur les lieux...
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    Ce roman puise sa vérité dans deux temporalités, celle de l’autrice et de son présent (entre découverte des archives, exploration de villes françaises, confinement, grossesse) et celle des Presque Sœurs, 6 petites filles ballotées dans la France collaboratrice de Vichy. En revenant sur les lieux mêmes du drame, en réunissant les mots des survivantes et des témoins, Cloé Korman reprend le fil de l’histoire vécue tout en rappelant sa présence. Elle raconte son propre ressenti, sa nécessité toute personnelle de faire entendre ses émotions. Ses mots viennent en écho aux paroles des survivants. Elle ne comble pas le passé mais avec ce nouveau filtre, nourrie des nouvelles rencontres, observe son présent autrement.

    Le roman, construit en plusieurs parties selon les lieux visités (Montargis, Orléans pour le Cercil, Beaune-la-Rolande, Paris), est un parcours qui se rapproche de la chronologie des vies évoquées. Face aux vestiges du temps, elle laisse parler sa sensibilité, son émoi, sa détermination. Compte tenu du sujet, il est bien sûr question de transmission, de devoir de mémoire. Les années de guerre marquent encore et toujours la chair des survivants, qu’ils aient été observateurs malgré eux ou victimes, encore plus injustement. Quelle place avoir quand on écrit et que les mots choisis ne peuvent se rattacher au vécu directement ? L’imaginaire ne doit rien étouffer, la mièvrerie non plus. La douceur des images, la tendresse des évocations ne tombent jamais dans le larmoyant ou le spectaculaire. Son roman parle autant des absents que des présents, de celles et ceux qui ont survécu, de celles et ceux qui sont nés tout de même, de celles et ceux qu’il ne faut pas oublier. Avec une écriture très cinématographique, Cloé Korman accompagne le lecteur dans sa découverte de cette période historique sans jamais se perdre dans le surplus d’émotions.

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  • Octobre 1942 Mireille, Jacqueline et Henriette Korman sont arrêtées chez madame Mourgue, qui s'occupe d'elles depuis que leurs parents ont été déportés. Elles ont dix, cinq et trois ans, les policiers les conduisent vers les cellules où elles sont enfermées avec des prisonnières de droit commun....
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    Octobre 1942 Mireille, Jacqueline et Henriette Korman sont arrêtées chez madame Mourgue, qui s'occupe d'elles depuis que leurs parents ont été déportés. Elles ont dix, cinq et trois ans, les policiers les conduisent vers les cellules où elles sont enfermées avec des prisonnières de droit commun. Les soeurs Korman vont retrouver Andrée, Rose et Jeanne Kaminsky arrêtées dans la cour de leur école. Désormais les six filles se désignent comme presque soeurs.

    À partir de photographies, de lettres, d'actes de naissance, de registres d'incarcération, Cloé Korman suit les traces de ses trois petites cousines et de leurs amies. Elle se rend sur les différents lieux où les fillettes ont été trimballées ; la gare de déportation de Pithiviers, le camp de Beaune-la-Rolande, les différents foyers à Paris. Avec pudeur et sensibilité, elle nous raconte le destin de ces six filles qu'on déplace, qu'on enferme, qui se perdent, se retrouvent, pendant sept mois de l'arrestation à Montargis jusqu'à la séparation irréversible à Paris. Sans aucun doute ce livre est le fruit d'un formidable travail de recherches pour mettre en lumière le rôle l'État français dans le sort qui a été réservé aux enfants juifs, heureusement certains au péril de leur vie organisent l'exfiltration des orphelins en zone libre.

    Sans remettre en cause la profondeur de ce récit, j'ai été énormément gêné par sa construction, en alternant passé et présent, en glissant souvent sur un style presque journalistique, Cloé Korman dilue beaucoup trop l'émotion et rend parfois certains passages ennuyeux. Je quitte ce livre qui n'est pas pour moi un roman, mais presque un documentaire avec une impression de frustration.

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  • « Certaines histoires sont comme des forêts, le but est d'en sortir. D'autres peuvent servir à atteindre des îles, des ailleurs. Qu'elles soient barques ou forêts, elles sont faites du même bois. Je ne sais pas de quelle sorte est celle qui commence ici. Un jour, ma soeur a sonné à la porte d'un...
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    « Certaines histoires sont comme des forêts, le but est d'en sortir. D'autres peuvent servir à atteindre des îles, des ailleurs. Qu'elles soient barques ou forêts, elles sont faites du même bois. Je ne sais pas de quelle sorte est celle qui commence ici. Un jour, ma soeur a sonné à la porte d'un immeuble qui se trouve juste en face de chez elle, à Paris. Une voix de femme lui a répondu. Ma soeur a prononcé son nom dans l'interphone et, sans rien demander de plus, la femme lui a dit : Montez. »

    Cette femme, c'est Madeleine Kaminsky, benjamine de trois soeurs, toutes rescapées de la Shoah, témoin des dernières années de trois soeurs Korman, cousines du père de l'auteure, assassinées elles à Auschwitz. Andrée, Jeanne, Rose Kaminsky + Mireille, Jacqueline, Henriette Korman, six enfants juives que la tragédie a rapproché au point d'en faire des « presque soeurs » au bout de la nuit génocidaire.

    Cloé Korman reconstitue les différentes étapes de leurs arrestations, incarcération et internements dans la France de Pétain, interrogeant sur le legs, immense et invisible, que constituent ces enfants morts, héritage douloureux pour la France, pour les Juifs de France et pour sa famille d'origine juive polonaise, elle dont le père a été avocat des parties civiles durant les procès Klaus Barbie et Alois Brunner, elle dont les grands-parents paternels se sont exilés en Suisse pour éviter les rafles.

    Pour faire revivre cette généalogie sous Vichy, Cloé Kormann mène l'enquête en rencontrant les derniers témoins et en partant sur les lieux où ont été commis ces crimes : Montargis où les presque soeurs sont raflées le 9 octobre 1942 après leurs parents en juillet, puis le camp de Beaune-la-Rolande, toujours dans le Loiret ; les différents foyers franciliens pour enfants juifs gérés par l'UGIF ( Union générale des Israélites de France ) où elles sont séparées, ballottées ; puis le camp de transit de Drancy d'où les soeurs Korman sont déportées le 31 juillet 1944 avec 1314 autres Juifs français dont 300 enfants.

    A l'heure où certains manipulent l'histoire en soutenant que Pétain à protéger et sauver les Juifs français, ce récit complète pertinemment le travail salutaire de l'historien Laurent Joly ( La rafle du Vel d'Hiv', paru en juin 2022 ), rappelant l'implication et le zèle du gouvernement Laval à déporter les enfants juifs, bien avant que l'ordre allemand n'ait été donné. Cloé Korman met également en lumière les Justes parmi les nations qu'ont côtoyés les enfants, comme la médecin Adelaïde Hautval déportée à Birkenau en tant qu'amie des Juifs.

    Du point de vue factuel, les chapitres qui m'ont le plus frappée sont ceux consacrés à la vie des enfants dans les foyers parisiens une fois que leurs parents ont été déportés, en attendant leur tour. Tout au long de leur internement, les soeurs Kaminsky et Korman sont autorisées à aller et venir chez des proches ou des amis de la famille, sans aucun obstacle du moment que ces derniers promettent leur retour en fin de journée … occasion pour certains d'organiser une fugue définitive.

    Je ne suis pas particulièrement férue du procédé narratif, de plus en plus utilisé dans les documentaires et enquête journalistiques, consistant à mettre en scène l'écrivain-narrateur avec un « je » égocentré très présent, dans un parallèle présent / passé parfois un peu artificiel. Certains passages sur la vie intime de l'auteure, ainsi insérés, ne m'ont pas totalement convaincue dans les résonances du passé sur son présent de jeune mère ; bien que la sincérité de l'auteure ne fasse aucun doute, je les ai trouvés quelque peu maladroits, en tout cas nettement moins intéressants que les captivants passages sur les années 40.


    Malgré cette réserve, le récit m'a happée, notamment par sa capacité à faire naitre des émotions très fortes, comme lorsque Cloé Kormann étudie les ravages psychologiques générés par le parcours génocidaire. de façon très modianesque, la déambulation dans un lieu fait émerger des sensations que l'auteur transforme en mots et réflexions :

    « Je me demande ce qu'elles éprouvent à former ce groupe d'enfants qui se perdent et qui se quittent sans arrêt, alors que leurs parents ont disparu. On dirait des poupées gigognes auxquelles on enlèverait successivement toutes leurs enveloppes, qui flottent dans un espace sans arrière-plan. Enlevées à des familles qui n'existent plus, elles se recomposent en groupes successifs qui s'égarent et disposent à nouveau, dans ces lieux vidés de leur usage normal, et dont on peut les retirer d'un jour à l'autre. »

    La qualité d'écriture de l'auteure excelle à ressusciter l'enfance volée juste par la force des mots. Elle redonne vie aux fillettes en offrant à chacune un visage, un corps, une tenue vestimentaire, une sensibilité. Certaines sont ainsi terrorisés à l'idée de grandir loin de leurs parents et que ces derniers ne les reconnaissent plus, le traumatisme psychologique allant jusqu'à bloquer la croissance physiologique des corps. C'est dans ces scènes du quotidien que Cloé Korman bouleverse, comme lorsqu'elle évoque la montre aux bras de Mickey offerte par ses parents horlogers à la petite Jacqueline, repère à laquelle se raccroche la fillette pour supporter l'angoisse de la séparation dans un contexte d'une rare précarité.

    Ou lorsqu'une des soeurs, venant d'arrivée dans le village fantôme de Beaune-la-Rolande ( les 19 baraquements ayant été « vidés » ), se demande à qui appartenait cette poupée abandonnée ou qui a dormi dans un des châlits. le lecteur est ainsi totalement propulsé dans le récit qui oscille entre factuel incontestable sur les traces concrètes de Vichy dans la France d'aujourd'hui et émotions qui assaillent le lecteur par vague.

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  • « Certaines histoires sont comme des forêts, le but est d’en sortir. D’autres peuvent servir à atteindre des îles, des ailleurs. Qu’elles soient barques ou forêts, elles sont faites du même bois. »

    Si l’auteur est entrée dans la forêt obscure, sur les traces des enfants morts de la Shoah,...
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    « Certaines histoires sont comme des forêts, le but est d’en sortir. D’autres peuvent servir à atteindre des îles, des ailleurs. Qu’elles soient barques ou forêts, elles sont faites du même bois. »

    Si l’auteur est entrée dans la forêt obscure, sur les traces des enfants morts de la Shoah, c’est sur l’invitation de sa sœur Esther, qui, s’étant découverte voisine d’un témoin des faits, avait commencé à reconstituer l’histoire de leurs trois petites cousines, mortes en déportation à la toute fin de la guerre. Cloé Korman s’est alors lancée dans une enquête qui, du Loiret à Paris, l’a menée pas à pas là où la France de Vichy a fait passé les sœurs Korman – Mireille, Jacqueline et Henriette – et leurs « presque soeurs » – Andrée, Jeanne et Rose Kaminsky –, toutes les six raflées à Montargis en 1942, internées dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, puis plusieurs fois séparées et réunies au hasard de leurs affectations dans différents foyers d’accueil parisiens où, recensées sur les listes juives des préfectures, elles attendirent que leur sort, apparemment encore indécis, se scellât au bon vouloir des autorités.

    Aussi chaotique que le parcours de ces fillettes ballottées de lieux en lieux puissent paraître, le récit mène pourtant à un constat implacable : en fait de tergiversation quant à leur destin, il n’y eut jamais qu’une question d’organisation et de logistique. Si les enfants ne furent pas déportés dès le début avec leurs parents, restant orphelins à la charge d’un Etat français impatient de s’en débarrasser, ce fut uniquement pour ne pas encombrer les camps de travail en attendant que la machinerie d’extermination nazie eût atteint le niveau capacitaire requis. Alors, dans l’intervalle, on les casa, peu importe comment, dans des lieux d’attente, puisant dans leurs listes pour optimiser les convois d’adultes lorsqu’ils étaient incomplets… Pour les sœurs Korman, l’heure du départ fatal sonna en 1944, dénotant, de la part des responsables français, un « acharnement à faire des victimes alors que la défaite nazie était acquise ».

    Nous faisant « prendre la mesure des mensonges putrides dont est capable un État jusqu’à assassiner ceux dont il a la protection avec la bonne conscience qui s’autorise des tampons de commissaires, et la respectabilité des signatures de sous-préfets ayant l’honneur de s’adresser à leur préfet, ou de préfets déférant à leur ministre avec des listes de noms d’enfants », établissant tristement le rôle « de mise à feu du génocide » joué par la France, la narration s’éclaire aussi fugitivement des actes individuels de révolte, des coups de pouce rencontrés ça et là qui ont pu renverser la fatalité et sauver des vies, comme celles des sœurs Kaminsky, enfuies après six tentatives manquées. Ainsi, sur les « presque soeurs » promises au même destin par la barbarie des hommes, trois auront pu emprunter une traverse vers la vie...

    Moins introspectif et, du coup, peut-être moins chargé émotionnellement que la bouleversante Carte postale d’Anne Berest, le livre de Cloé Korman n’en frappe pas moins l’esprit en abordant la Shoah sous un angle demeuré méconnu : le sort très hypocritement réservé par la France de Vichy aux orphelins laissés par les adultes juifs déportés. Aussi soigneusement documenté qu’admirablement écrit, le récit très concret a de quoi ébranler profondément le lecteur, aussi averti soit-il déjà de la part de responsabilité de l’administration française dans le génocide. Et puis, déjà horrifié par le sujet dans son ensemble, comment ne pas rester songeur face aux bifurcations du destin, qui d’une pichenette condamne ou sauve, à partir de situations strictement identiques… Coup de coeur.

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