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«10 minutes de Schubert = 5 mg d'Oxynorm. Mme Kessler est assise dans son fauteuil toute droite, avec son bras offert aux soins et, tandis que je joue pour elle en boucle le thème de l'andante du Trio op. 100 de Schubert, la lumière sur son visage est si intense qu'elle irradie en un flot étincelant toute la pièce, les infirmières et moi-même. Dehors, le chêne aux larges branches en reçoit lui aussi abondamment.» Lorsqu'elle n'est pas en concert à travers le monde, ou auprès de ses élèves, Claire Oppert joue pour les personnes en fin de vie, les malades douloureux, les autistes ou ceux que l'on nomme les déments. La plume délicate et poétique, la musicienne raconte autant de rencontres uniques. Des hommes et des femmes que le chant du violoncelle apaise, stimule ou réconforte. Le moment musical au chevet des patients est un port abrité dans l'épreuve, temps suspendu propice à l'émergence des souvenirs. Il relie les êtres et témoigne de cette part vivante et intacte en chacun de nous.
Dans un Ehpad d’Ile de France en 2012, le son du violoncelle de Claire Oppert calme miraculeusement une patiente atteinte de démence sénile qui refusait avec violence de se laisser soigner. Une infirmière s’exclame : « Il faudra absolument revenir pour le pansement Schubert. » C’est ainsi que débute pour la concertiste et enseignante un tout nouveau parcours : elle accompagnera une équipe médicale dans une étude clinique sur l’effet de la musique vivante sur la douleur et l’anxiété des malades, elle se formera à l’art-thérapie, et elle jouera désormais régulièrement du violoncelle auprès d’autistes profonds, en gériatrie et en soins palliatifs. Ce livre est le récit de sa bouleversante expérience.
Dès les premières lignes, l’émotion assaille le lecteur. Elle ne va plus le quitter, brouillant bien des pages dans les larmes. Et c’est le coeur chaviré que, tout au long d’une narration tissée de délicate sobriété, d’instants de poésie et, toujours, d’une empathie pleine de respect, l’on accompagne Claire Oppert dans ses rencontres, rendues si singulières et prodigieuses par la musique, au plus profond de la souffrance qui baigne certains services hospitaliers. Qu’il s’agisse de ces jeunes autistes profonds avec qui la musique permet pour la première fois de communiquer, de ces personnes âgées atteintes de démence qu’un air apaise ou relie à elles-mêmes et à leurs souvenirs les plus chers, de ces patients en fin de vie qu’une mélodie distrait de leur douleur et de leur peur, et même de ces mourants dans le coma dont la respiration soudain amplifiée et la chair de poule expriment les dernières émotions palpables quand vibre pour eux le violoncelle, chaque fois l’on est autant ému qu’impressionné par ces instants de grâce, volés, à travers la musique, à la souffrance et à la mort, quand plus rien d’autre ne peut apaiser ni réconforter.
« La musique rejoint l’être humain dans sa dimension vivante et intacte ». « C’est une irruption salvatrice qui convoque le noyau profond en nous, inaltéré et rayonnant, malgré le morcellement de la maladie grave, malgré la démence, la douleur et la mort. » « [Ce noyau qui] est le support de la Vie, [qui] est la Vie », la musique nous y relie, miraculeusement. En tous les cas, les neurosciences ont démontré que, par un phénomène de contre-stimulation sensorielle, elle diminue la perception de la douleur et atténue l’anxiété des malades, répercutant ces bienfaits sur les équipes soignantes et sur les proches.
Traversé par une intense émotion, l’on ne peut qu’applaudir et s’incliner bien bas devant cette admirable expérience musicale et humaine. Coup de coeur.
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