Les conseils des écrivains pour vos lectures de l'été.
Delphine a rendez-vous avec un amoureux. Quand elle l'aperçoit de l'autre côté du carrefour, elle se précipite vers lui et se fait renverser par une voiture. Transportée à l'hôpital dans un état grave, elle se retrouve immobilisée. Mesurer sa douleur sur une échelle de 1 à 10 et la communiquer aux médecins est le principal lien qui l'unit au monde extérieur. Elle décide alors d'observer scientifiquement son corps, tentant une sorte de journal mental pour suivre l'évolution de son état.
Mais son emprise sur le réel est biaisée par l'effet de la morphine qu'on lui administre pour lutter contre la douleur. Aux hallucinations provoquées par la drogue se mêlent les bruits de la vie " normale " , tels que les éclats de voix de la famille de sa voisine de chambre, les dialogues de téléfilms, les cris angoissés d'une malade. Dans les délires de Delphine, où les nombres et les formules pharmaceutiques s'imposent, s'immiscent des extraits de la célèbre émission des Chiffres et des Lettres.
Au-delà de l'effet comique que provoque ce mélange, le lecteur est happé dans la spirale hallucinatoire de la narratrice. Le monde sensible n'est pas seulement le récit d'une reconquête de soi, c'est aussi celui d'un extraordinaire voyage intérieur d'où la narratrice n'est pas certaine de vouloir revenir. Nathalie Gendrot parvient à nous faire partager une expérience sensorielle d'une rare intensité, qui devient sous sa plume une sorte de performance artistique.
Les conseils des écrivains pour vos lectures de l'été.
Delphine est géographe, et rencontre trois jours plus tôt Elvin. Les regards échangés puis une danse plus tard, ils décident de se revoir. Ce soir-là, elle le voit sur le trottoir d'en face, elle court, traverse, et ce fut le choc : Delphine se fait renverser par une voiture. Elle voulait arpenter la planète, la connaître dans ses moindres recoins malgré sa peur.
Le réveil se fait dans un entre deux, un moment où le corps est une masse inerte que nous ne savons plus faire bouger. Elle se reconnecte à la réalité avec lenteur. Elle connaît le flou, les bruits perçus sans les reconnaître, et ce jeu de deviner ce qui se passe plus loin. Fermer les yeux et les ouvrir. Être trop faible pour rester éveiller, trop faible pour dormir. Elle découvre cette échelle verbale de la douleur, de 0 à 10, et ces chiffres qui la suivront tout au long de son séjour à l'hôpital.
Le résumé de ce livre résonnait en moi. L'envie de découvrir ce qui se cachait derrière cette hospitalisation. J'ai été surprise, choquée, interloquée, triste de lire entre ces pages des moments que j'ai vécus. M'y replonger a été chargé d'émotion.
L'hospitalisation et cette blouse qui infantilise, ce "on" impersonnel qui nous enlève notre identité. Ces fils entrants et sortants de notre corps, causant honte, brulure, gène. Et cette douleur, qu'une échelle jusqu'à 10 ne suffit pas à décrire. Pourtant, la description de ce milieu est neutre : elle explique et décrit les événements qui rythment une journée. Elle explique les passages, les regards, ce qu'on dit aux patients, ce qu'on garde pour la famille. Ce non-dit permanent. Cette douleur qui accompagne le corps. Elle donne de la vie à sa plaie, lui donne un souffle, lui donne la parole. Celle-ci s'exprime et se rappelle à sa mémoire.
Il y a également ce rapport à la Morphine et Morphée. Celui-ci chez qui elle plonge volontiers pour reposer le corps et la tête. Cette douleur qu'elle essaye de feindre, de ne pas lui donner de l'importance pour l'empêcher de l'atteindre.
L'écriture de l'auteur est marquée, fait de phrases courtes, de chapitres courts donnant un rythme. On suit une ligne chronologique, de l'accident, à l'hôpital et ainsi de suite. Le premier roman de Nathalie Gendrot m'a émue pour la proximité avec mon vécu. Mais j'y aurais souhaité plus de rage : beaucoup de tristesse, mais aussi de l'espoir.
En bref :
Un premier livre qui m'a émue, exposant avec neutralité les moments rythmant une hospitalisation. Une écriture fluide permettant au lecteur de suivre les ressentis du personnage.
Delphine est géographe, elle voyage dans sa tête, les yeux rivés sur des cartes. Ce jour-là, elle avait un rendez-vous avec un amoureux, un quasi inconnu rencontré peu de jours avant, lorsqu’elle a été renversée par une voiture. Accident grave qui la laisse comateuse à l’hôpital, sans nouvelle de cet Elvin dont elle ne connaissait ni le nom ni l’adresse…
Voilà Delphine seule avec ses souffrances et ses plaies. Seule avec ses nouveaux rêves, ceux d’un voyage intérieur. Délire morphinique hospitalier d’une malade qui s’enferme provisoirement dans son corps et dans ses douleurs de classe 0 à 10… Les bruits les voix, les sons, prennent une toute autre importance lorsqu’on est enfermé dans un corps immobile. Tous les moments d’une journée hospitalière sont décrits avec férocité et réalisme, même s’ils sont imprégnés de ce délire dû à la morphine, seule à même de soulager les douleurs. Et dans une chambre d’hôpital, la vie est vite routinière. Il y a le chirurgien qu’on attend pendant des heures et des jours ; les infirmières et les médecins, qui font leur travail, mais disent rarement les mots que le malade attend, pas le temps, pas à eux de le faire. Il y a aussi les voisins de chambre, leurs familles, visiteurs bruyants ou éplorés. Les séries télé, minables mais réconfortantes. Et les médicaments, les nombres, les doses, l’intensité de la douleur, la chimie qui soigne, le mystère des délires, la victoire sur le monde sensible, celui de la douleur, des nerfs endormis, des jambes qui ne sentent plus rien.
Voilà un roman quelque peu déroutant, mais c’est une incursion intéressante dans la tête du malade, le délire est présent mais réduit au minimum, rendant assez crédibles les élucubrations hallucinées de la narratrice.
L’histoire que Nathalie Gendrot raconte est intéressante à suivre d’un point de vue humain, elle nous met dans l’esprit d’une personne qui vient d’avoir un accident et qui est clouée sur un lit d’hôpital à moitié drogué, mais elle n'est cependant pas pour autant inoubliable.
Ici nous suivons donc la vie de Delphine après un accident ; de cette situation, où elle évolue dans un univers médical où beaucoup de choses lui semblent incompréhensibles et surnaturelles, né un autre état d’esprit. Un état d’esprit lié à la morphine que l'auteure va nous faire partager, où on découvrira notre personnage en train de divaguer, s’inventer des chimères, se questionner, et se demander qu’elle place pourra-telle tenir dans ce monde, qui lui faisait déjà peur.
Voilà pour le gros de l'histoire, et comme je le disais, elle est intéressante mais sans plus, le sujet manquant un peu d'originalité. Néanmoins cela ne veut pas dire qu'il est à passer, car rien que pour l'écriture, je conseille vivement ce livre. En effet cette dernière est tout ce qui a de plus magnifique ; musicale et psychédélique, elle fait ressortir le monde drogué du personnage, en jouant sur les sons et les images. Elle nous emporte dans un monde fantasmagorique, nous faisant ainsi partager au plus près les délires de Delphine.
Cependant, n'allez pas croire que il n'y a que l'écriture à sauver. Cet ouvrage chrysalide, à cheval sur une ancienne et une nouvelle vie, fait ressortir beaucoup de sensibilité. Il nous met à la place d'une personne qui souffre et qui a beaucoup de mal à retrouver une vie paisible après un choc.
En résumé, même s’il ne fait pas parti des livres inoubliables, ça reste un livre agréable à lire, même si l'écriture fait l'histoire plus que le personnage.
http://voyagelivresque.canalblog.com/archives/2016/03/31/33579141.html
Delphine est géographe ; Elle étudie mers et océans, s’imagine les infinis, est fascinée par l’élément liquide.
Un hasard ? C’est sous la pluie qu’elle est victime d’un accident de la circulation, à la rencontre de celui qui la fascine.
Hospitalisée, Delphine oscille sur son lit à marées entre coma et brefs éclairs de lucidité traversant son corps de douleurs. Elle doit s’abandonner aux usages, abandonner son intimité, ressentir l’humilité…
L’état vaporeux qu’offrent Morphée et sa sœur Morphine à ce corps douloureux amènera Delphine à se sentir protégée dans sa bulle. Vivre comme avant, elle veut en avoir la certitude, mais ce sera certainement un autre combat…
Pour décrire aussi précisément le vécu d’un séjour hospitalier, la douleur, les traitements, les rapports patients/soignants, la narratrice a sans doute été confrontée à ce type de séjour. Les mots sont justes, précis. En revanche, les formules chimiques morphiniques qui s’entremêlent avec les chiffres de mesure de la douleur et les lettres inspirés d’un célèbre jeu télévisé, ont le désagréable pouvoir de scinder le texte, le reléguant presque au second plan.
Avec Nathalie Gendrot, on répare aussi les vivants ; la méthode de Maylis de Kérangal est encore bien présente en moi et elle opère encore. Est-ce pour cette raison que je n’ai pas été sensible à ce roman ?
Dans la catégorie des romans qui ont pour cadre le monde hospitalier et nous parlent du corps lorsque celui-ci nous lâche, passer derrière le magnifique "Réparer les vivants" de Maylis de Kerangal, même dans un registre sensiblement différent, me paraît une gageure, du moins pour un sacré bout de temps... Je n'ai malheureusement guère été sensible au... "Monde sensible" de Nathalie Gendrot. Certes, l'auteure rapporte avec justesse (c'est pour moi l'atout principal de ce texte) les rapports souvent ambigus qui s'instaurent entre le personnel hospitalier et leurs patients, entre compassion et commisération, vraie tendresse et condescendance affichée. L'idée de donner corps et âme à Morphée apporte une touche d'originalité. Mais cette autopsie de la douleur se double d'une dimension mathématico-chimico-cosmique qui, s'il est vrai que les chiffres permettent souvent - hélas ! - de dire l'indicible, phagocyte le propos, l'étouffe, noircit bien des pages de chiffres tout aussi abscons pour le lecteur que pour la malade, et distille de l'ennui au goutte-à-goutte. Et pour ce qui est de la rubrique des trucs sans importance mais néanmoins agaçants : l'auteure a-t-elle jamais vu une seule émission des "Chiffres et des lettres" pour ignorer ainsi les règles qui régissent les tirages de nombres ?
Un roman étrange et vaporeux, audacieux puisqu'il raconte en trois scènes un voyage intérieur, avant, pendant et après l'accident qui mène à l'hospitalisation et à la morphine. Regarder ailleurs et se permettre de dire ce qui ne peut s'exprimer autrement. On délire paisiblement avec Nathalie Gendrot, on dérive vers une douleur insoutenable et on se pose les questions essentielles du corps en souffrance qui refuse de se battre puis se révolte pour la survie.
Belle surprise pour ce premier roman de Nathalie Gendrot qui avec un sujet simple - suite à un accident Delphine, la narratrice, va explorer un univers fait de douleur et de morphine - arrive à nous faire sentir, ressentir cette plongée au coeur de la souffrance.
On se laisse rapidement bercer par la voix intérieure qui déroule l'indescriptible, la douleur, l'angoisse, les nuits d'hôpital, le malaise du bassin, les odeurs, les plateaux repas, la voisine de chambre . . . Ce tout et ce rien, ce quotidien de la vie du malade, sauf qu'ici le malade souffre et voit son existence réduite à des chiffres et une perfusion. Les chiffres pour quantifier la douleur de 1 à 10 et la perfusion pour la morphine salvatrice.
L'écriture navigue, comme la narratrice prise dans la vapeur du traitement, entre description hyper réaliste (on se surprend à froncer le nez aux odeurs des corps et de la maladie), et envolées poétiques, limite surréaliste (visions hallucinées de Morphée).
Construit en trois chapitres, le premier du temps avant l'hospitalisation, le second du temps médicalisé, et le dernier du temps du retour à la vie, on regrette que seul le temps intermédiaire soit si important au regard des deux autres. . . En fait, non, c'est le contraire, le temps médical est si puissant que l'on regrette que l'avant et l'après ne soient pas aussi forts.
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Je n'ai pas encore terminé ce roman, mais mes premières remarques sont conformes à celles de Florian., et la première : comment parler de la réparation des vivants après Maylis de Kérangal? Pas maintenant me semble-t-il!