Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Le 9 novembre 1943, la résistance belge vient de réussir le coup le plus audacieux de l'histoire de la presse clandestine en diffusant, au nez et à la barbe de l'occupant nazi, un pastiche du « Soir volé », le quotidien belge confisqué à ses propriétaires par la Propaganda Abteilung qui avait aussi substitué à ses journalistes d'avant-guerre une rédaction composée de zélateurs de l'ordre nouveau.
50 000 exemplaires seront distribués soit dans le circuit normal, soit par les circuits clandestins à 10 francs pièce afin de financer le Front d'Indépendance. Le 9 novembre 1943, le grand éclat de rire qui parcourt la Belgique occupée est entendu jusque dans les capitales alliées, Londres et Washington.
Si le Faux Soir fut une illustration de la zwanze bruxelloise, il fut surtout un acte de bravoure et de résistance qui valut la mort ou la prison à ses auteurs. Ce passionnant récit interroge le pouvoir des mots et de la satire comme arme de résistance contre toutes les oppressions.
Un fac-similé du journal sera inséré dans l'ouvrage !
Devine qui a zwanzé Le Soir … Faire sourire, provoquer l’hilarité de leurs compatriotes au détriment de l’occupant, des rexistes et autres collabos, l’humour, telle est l’arme utilisée par une poignée de résistants bruxellois en cet automne 43. Comment ? Ni plus ni moins qu’en éditant et diffusant un faux exemplaire du Soir, un des plus célèbres quotidiens de l’époque pour célébrer le 11 novembre en pastichant l’original et maniant avec dextérité la zwanze, cet humour typiquement bruxellois afin de tourner en dérision occupants et autres consorts. C’est cet exploit entré dans la légende outre-Quiévrain mais peu voire pas connu chez nous qui est relaté dans l’album au titre évocateur Le Faux soir paru - fort judicieusement - en novembre dernier chez Futuropolis. Denis Lapière et Daniel Couvreur sont au scénario, Christian Durieux au dessin et Sébastien Gnaedig à l’édition.
Du Soir volé au faux Soir
Bruxelles, 9 novembre 1943. Mais qu’est-ce qui fait sourire et rend si joyeux les Bruxellois plongés dans la lecture du journal Le Soir qu’ils viennent d’acquérir à l’aubette du coin ? Le Soir, c’est ce grand quotidien qui tirait à plus de 250 000 exemplaires, que les Allemands se sont empressés de mettre sous leur coupe dès 1940, entraînant la démission et le passage dans la clandestinité de son propriétaire la famille Rossel ainsi que des plumes de la rédaction qui, refusant de travailler pour l’occupant, seront remplacées par d’autres plus accommodantes … Le journal sera dès lors qualifié par la population de Soir « volé » ou encore Soir « emboché », épithète on ne peut plus évocateur.
Cette date du 9 novembre n’a pas été choisie par hasard : Il s’agissait, suivant les préconisations du F.I (Front de l’Indépendance, mouvement de résistance belge), de mener une action afin de commémorer le 25ème anniversaire de l’armistice, symbole de la défaite allemande. Pourquoi le 9 et pas le 11, me direz-vous ? Affaire résolue dans l’album ! Et qui a eu cette idée folle ? C’est Marc Aubrion, alias Yvon, responsable de la presse clandestine « un grand échalas nerveux et enthousiaste » dixit Jean (René Noël de son vrai nom), le responsable du F.I pour le Brabant et le Hainaut. Le projet validé par Jean, d’autres vont rejoindre cette aventure hors du commun. Alors bien sûr, cela va demander une sacrée organisation. Il va falloir trouver en moins de 20 jours un imprimeur, du papier, un moyen de distribuer le journal et bien évidemment de l’argent. Ce 9 novembre donc, mission accomplie ! Les Allemands, à la recherche des coupables, vont pendant longtemps faire chou blanc jusqu’à ce qu’un jour ... un petit détail …
Lapière, Couvreur, Durieux, Gnaedig, les mousquetaires de l’investigation
La couverture est l’illustration parfaite de la structure du récit. Tout au long de l’album, 2 fils narratifs, vont s’entrelacer pour non seulement nous raconter l’histoire de ce fameux faux Soir mais également nous faire partager les recherches des quatre hommes à l’origine de l’ouvrage. Tagada, tagada, les voilà en haut de la couverture devant l’immeuble du journal. Prenons-les dans l’ordre: Denis Lapière, le scénariste avec lequel le dessinateur avait déjà collaboré lors de son incursion dans l’univers jeunesse avec la série Oscar, le journaliste Daniel Couvreur, chef du service culture du quotidien Le Soir, le dessinateur Christian Durieux et enfin Sébastien Gnaedig, l’éditeur de Futuropolis. Nous allons donc assister à leurs réunions de travail enthousiastes et les retrouver dans divers épisodes au Musée de la Résistance, à la rédaction du journal Le Soir, devant les locaux de l’imprimerie aujourd’hui disparue, sur l’emblématique place de la Bourse … Ce procédé d’inclusion du présent dans le récit historique rompant la distanciation qu’on pourrait avoir avec une approche purement documentaire, rend le récit plus vivant, introduit du suspense et fait jaillir l’émotion. Un autre élément vient renforcer ce choix scénaristique : le traitement graphique.
Christian Durieux, le troisième homme
Rappelons tout d’abord que Christian Durieux, Bruxellois installé dans le Bordelais depuis 2008 est un véritable caméléon de l’illustration qui a toujours eu à cœur d’adapter son style à son propos. Le ton où plus exactement les tons sont donnés dès la couverture qui prend en compte les 2 temporalités de l’album et le traitement graphique dédié à chacun. Le dessinateur a fait le choix de la couleur, de bichromies pour être exacte, et d’un trait simplifié pour illustrer les différents épisodes des recherches menées par nos quatre enquêteurs. Quant à la partie relatant l’épopée du faux soir, elle est réalisée dans un somptueux noir et blanc qui rappelle la technique utilisée dans le magnifique dyptique « Geisha ou le jeu du shamisen » scénarisé par Christian Perrissin, technique que le dessinateur affectionne particulièrement et dans laquelle il excelle à mettre en valeur les ambiances nocturnes notamment grâce au réalisme des décors, l’accentuation de l’effet des ombres et de la lumière et un aspect charbonneux qui font ressortir la tension et retranscrivent parfaitement l’atmosphère oppressante de l’époque. Il y a quelque chose de Carol Reed dans Christian Durieux d’autant plus que le découpage cinémascope en trois bandes confère au récit une fluidité et une continuité spatio-temporelle très 7ème art.
Zwanze contre les loups
Le fac-similé de cette édition mythique joint à l’album est non seulement une façon de renforcer l’hommage rendu aux auteurs de ce canular héroïque mais nous permet également de découvrir et savourer la zwanze ainsi que les qualités littéraires des rubriques truffées d’allusions non voilées à d’anciens membres du gouvernement belge et collaborateurs connus. Je ne peux résister à l’envie de vous en citer deux : « Le mystère de la chambre brune », feuilleton de G. Stapo dans lequel on apprend que le code du coffre d’Hitler qui contient ses plans d’attaque secrets n’est autre que Z.O.O.T (qui signifie fou en Bruxellois) et une petite annonce : « PEAU DE L’U.R.S.S, vendue trop tôt , toujours disponible chez A. Hitler, Blietzkriegsallee, Berchtesgaden ». Parcourir ce feuillet légendaire à la suite de l’album est un véritable régal !
Bravo à Yvon, Jean, Charles et les autres pour leur courage et leur détermination ! L’humour comme arme de résistance, quelle merveilleuse idée ! Malheureusement, la facture fut lourde et les conséquences terribles car ceux d’en face ne l’avaient pas, eux, le sens de l’humour. Merci à Denis, Daniel, Christian et Sébastien d’avoir conjugué leurs talents afin de diffuser leur histoire, leur donnant ainsi une seconde vie et la place qu’ils méritent dans nos mémoires.
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