"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
À Barbizon, dans les années 1860, alors que le Second Empire s'achemine sans le savoir vers le désastre, René Dolomieu, un jeune peintre mélancolique remarqué pour quelques portraits sensibles, côtoie les maîtres du paysage et leurs disciples qui arpentent la forêt de Fontainebleau, s'exercent à peindre sur le motif et boivent du vin râpeux à l'auberge Ganne. René n'est ni un séducteur ni un libertin, et pourtant il plaît aux femmes. Il prend ce qu'elles ont à donner, parfois sans trop savoir qu'en faire. Lorsque enfin il se marie, le hasard lui met entre les mains une fabrique de porcelaine qui l'initie à la chimie d'une matière précieuse et fragile. Mais le désordre l'intéresse au moins autant que les principes subtils du kaolin et de la composition des motifs. Aussi, dans l'intimité de son atelier, il continue à peindre sans relâche des toiles ?qu'il ne montre à personne, ou presque...
Son destin lui échappe sans cesse. Et comme le Japon s'ouvre à l'Occident, il ira jusqu'à cette extrémité orientale du monde lui chercher un sens, un sens que peut-être il ne pourra rapporter dans ses bagages, car il est semblable à la poussière impalpable qui danse dans la lumière de son atelier avant de se déposer ?en chaos minuscules sur la toile.
Il y a des livres délicieux dont on entend très peu parler sans que l'on sache vraiment pourquoi… Petite maison d'édition ? Premier roman ? Je ne sais au fond ce qui explique qu'ils échappent aux radars de la critique… « L'atelier du désordre » d'Isabelle Dangy est l'un d'eux : un pur bonheur de lecture, un vrai coup de coeur littéraire dont il n'y a pas eu, à mon avis, assez d'échos ici ou là. Alors, avant de vous ruer sur les nouveautés de septembre, autorisez-vous une petite séance de rattrapage et dégustez sans plus tarder ce très bon roman publié à la rentrée de janvier !
Nous sommes dans les années 1860 à Barbizon, dans ce petit village qui depuis une vingtaine d'années attire les peintres paysagistes ; nous suivons les pas d'un certain René Dolomieu qui vient de se faire larguer par sa maîtresse, une habilleuse de l'Opéra-Comique. Triste, abattu, esseulé, il décide, sur les conseil de ses amis, d'aller traîner son âme en peine loin de la capitale, dans un petit village entouré de plaines et de forêts où il trouvera à coup sûr de nombreux sujets à peindre et certainement, sillonnant la campagne le chevalet à la main, quelques collègues avec lesquels il finira la soirée à l'auberge Ganne...
Si ce premier séjour le rétablit un tant soit peu, notre artiste se voit dans l'obligation de reprendre le train pour Paris où la famille Eulembaum lui propose de faire un portrait des trois jeunes filles de la maison. Le travail accompli, René est vite rattrapé par une profonde mélancolie dont il a bien de la peine à se départir. Il décide donc de regagner ce village dont l'atmosphère lui a permis de soulager un peu sa peine. Il retrouve des condisciples avec lesquels il discute de ce qu'il aime peindre, notamment des tas, oui des tas : farine, poussière, cendre, sable et tout autre objet pourvu qu'il apparaisse sous forme d'accumulation, d'agglomération, d'amoncellement. René aime les tas, ils attirent son œil de peintre et les reproduire lui procure une grande jouissance qui, il faut bien le dire, tourne parfois à l'obsession !
Un jour, alors qu'il s'est laissé entraîner par des connaissances de connaissances (lui qui déteste les mondanités!), il est présenté à un porcelainier de Melun, Monsieur Dauxonne, fier de son entreprise et passionné par son art, qui va, par personnes interposées, lui proposer de faire un portrait de sa fille Valentine. Alors qu'il n'a pas le souvenir d'avoir accepté un tel travail, il se voit contraint d'honorer la demande : encore une fois, il doit renoncer pour un temps à sa passion pour les tas, ce qui l'ennuie profondément : « Il aurait aimé poursuivre, à sa manière capricieuse et lente, une destinée un peu informe. Il aurait aimé fréquenter les chantiers et les carrières, peindre des monticules de terre quand le vent leur arrachait une écharpe de poussière, des pyramides de gravillons, des amoncellements de nuages, ou bien comme il y songeait vaguement dans la salle de restaurant de la Galère, des piles d'assiettes et même des montagnes d'épluchures. »
En attendant, il doit loger chez le porcelainier, au Mée-sur-Seine, jusqu'à ce qu'il mette la touche finale à ce portrait et qu'il tente, par la même occasion, de comprendre qui est Valentine, l'étrange fille de Monsieur Dauxonne.
Lire « L'atelier du désordre », c'est véritablement plonger au coeur du XIXe siècle (j'en connais que cela va ravir…), fréquenter les peintres de Barbizon, le monde de la Capitale : les bourgeois mais aussi les petites gens, sentir le Second Empire avancer vers la guerre. C'est aussi découvrir l'histoire intime d'un peintre, René Dolomieu, dont on suit l'évolution psychologique décrite avec beaucoup de nuances, personnage qui semble davantage subir son destin plutôt que de le choisir vraiment. Le pauvre homme devra vivre moult péripéties et l'on se passionne pour tous les rebondissements qui nous tiennent chevillés au texte !
Très vite, ce roman m'a happée parce que l'on s'attache immédiatement aux personnages qui rappellent parfois, je trouve, ceux de Maupassant…
Quant à l'écriture, elle m'a comblée, oui, comblée par tant de délicatesse et d'élégance avec, il faut le dire, quelques accents flaubertiens, qui ont fini de me ravir !
Je ne veux pas en dire plus pour laisser intact, au futur lecteur, tout le bonheur de lire un texte aussi délicieux.
Un magnifique premier roman…
A lire absolument ! (évidemment!)
LIRE AU LIT le blog
https://dubonheurdelire.wordpress.com/2019/05/23/latelier-du-desordre-disabelle-dangy/
Voici ma deuxième lecture dans le cadre du prix des lecteurs Privat 2020. Il s’agit de L’atelier du désordre d’Isabelle Dangy aux éditions le Passage.
A travers ce roman, on découvre le monde de la peinture et de l’art du milieu du XIXème siècle entre Barbizon et le Japon en passant par Paris. Le personnage principal est René Dolomieu, un peintre mélancolique, séducteur malgré lui , qui après un mariage malheureux part découvrir l’art japonais.
« À Barbizon, dans les années 1860, alors que le Second Empire s'achemine sans le savoir vers le désastre, René Dolomieu, un jeune peintre mélancolique remarqué pour quelques portraits sensibles, côtoie les maîtres du paysage et leurs disciples qui arpentent la forêt de Fontainebleau, s'exercent à peindre sur le motif et boivent du vin râpeux à l'auberge Ganne. René n'est ni un séducteur ni un libertin, et pourtant il plaît aux femmes. Il prend ce qu'elles ont à donner, parfois sans trop savoir qu'en faire. Lorsqu’enfin il se marie, le hasard lui met entre les mains une fabrique de porcelaine qui l'initie à la chimie d'une matière précieuse et fragile. Mais le désordre l'intéresse au moins autant que les principes subtils du kaolin et de la composition des motifs. Aussi, dans l'intimité de son atelier, il continue à peindre sans relâche des toiles qu'il ne montre à personne, ou presque...
Son destin lui échappe sans cesse. Et comme le Japon s'ouvre à l'Occident, il ira jusqu'à cette extrémité orientale du monde lui chercher un sens, un sens que peut-être il ne pourra rapporter dans ses bagages, car il est semblable à la poussière impalpable qui danse dans la lumière de son atelier avant de se déposer en chaos minuscules sur la toile. »
Je ne saurais l’expliquer mais en lisant l’Atelier du désordre j’ai eu l’impression de ralentir mon rythme comme si je plongeais dans ce roman et devenait une spectatrice des moments de peinture et de réflexion du personnage de René. Et pourtant, la lecture n’a pas été fastidieuse pour autant, bien au contraire !
J’ai apprécié ce cheminement artistique au fil des pages et le voyage de l’Europe au Japon. J’ai également trouvé intéressante la construction du personnage, futur maître des tas, qui parallèlement à la découverte de l’art asiatique découvre le désir et le sentiment amoureux. L’écriture d’Isabelle Dangy a la force de la peinture, elle recrée au fil de la plume les paysages qu’elle évoque et transforme les mots en tableaux.
En résumé : un beau roman sur l’art
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