Une flânerie séduisante au cœur d’une ville imaginaire, où va se dérouler une soirée très particulière...
Une flânerie séduisante au cœur d’une ville imaginaire, où va se dérouler une soirée très particulière...
J’ai découvert Isabelle Dangy avec son précédent roman lors du jury du Prix Orange du Livre 2022. J’avais beaucoup aimé sa plume et l’ambiance du roman. C’est donc avec joie que j’ai accueilli cette masse critique proposée par Babelio.
Le roman se place du point de vue de Sidonie, jeune femme qui vient d’être nommée pour son premier poste d’enseignante en remplacement au lycée d’Hersanghem. Une nouvelle qui l’enchante car cela lui permet de mettre de la distance entre son demi-frère, Nestor, et elle. Autres perspectives qui la motivent, elle va pouvoir faire des recherches pour sa thèse de Doctorat en histoire sur la bataille d’Hersanghem et également sur sa grand-mère paternelle qu’elle ne connaît pas.
En préambule, l’autrice nous explique l’enfance de Sidonie Leleu et de Nestor Witold, la rencontre amoureuse de leurs parents, Florence et Jean. Jean Witold est le père de Nestor dont la mère est enfermée dans un hôpital psychiatrique puis décédée. Florence est la mère de Sidonie dont le père s’est suicidé. Elle nous parle ensuite de l’adolescence de Sidonie et Nestor, leurs premiers émois ensemble. Une relation toxique se développe entre eux. Ils ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre mais finissent toujours par se disputer.
Sidonie sait peu de choses sur son père Paul Leleu, dépressif, rejeté par sa mère à la naissance et confié à l’assistance publique. Florence lui a dit que la mère de Paul, Madeleine Leleu, était une personne qu’il valait mieux éviter. Mais vous l’aurez compris, dans cette histoire, Sidonie et Nestor n’en font qu’à leur tête et n’écoutent pas leurs parents.
Ensuite le roman est raconté du point de vue de Sidonie. Les chapitres alternent entre son carnet de bord (ou journal) et ses comptes (ou les dépenses effectuées). Il faut dire que Sidonie est très dépensière, ou plutôt qu’elle a un besoin maladif d’acheter des choses afin d’être plus heureuse. Sa mère lui envoie régulièrement de l’argent. Tout comme Jean subvient aux besoins de Nestor, dilettante, qui ne sait que faire de sa vie.
Installée à Hersanghem, Sidonie rencontre Madeleine, un personnage haut en couleurs, qui change souvent d’humeur, difficile à suivre. Sidonie la soupçonne de ne pas lui dire la vérité. Elle essaye de lui extorquer des souvenirs en échange du financement de travaux pour sa maison en mauvais état. Maison qui reviendra en héritage à Sidonie lorsque Madeleine trépassera. Une drôle de relation naît entre les deux femmes. Elle héritera également d’un instrument, des Ondes Martenot, ayant appartenu à Gilberte Habert, une amie proche de Madeleine. Il est aussi question d’une communauté que Madeleine avait fondée et qui vivait sur la propriété familiale des Leleu, La Tuilerie.
Ce roman est à la fois drôle et plein de rebondissements. On ne sait pas où il nous mène mais j’ai suivi avec plaisir la quête de Sidonie, essayant de démêler le vrai du faux en recoupant les témoignages, les recherches. Elle fait de nombreuses rencontres dont celle avec un assureur qui va lui donner un conseil qui aura quelques conséquences sur sa vie mais que je vous laisse découvrir. C’est absolument cocasse.
L’écriture est fluide. Le style est différent de celui du précédent roman. Il est entrecoupé de lettres. J’ai passé un très bon moment de lecture avec les personnages d’Isabelle Dangy. Je vais continuer à suivre cette autrice assurément.
Crépusculaire, splendide, « Les ondes » est un roman dont on aime d’emblée l’atmosphère. L’annonce d’une déambulation souveraine.
Ce serait l’histoire de deux enfants qui vont grandir dans une même famille. Sidonie Leleu et Nestor Witold avaient cinq ans lorsque le père de Nestor s’est marié avec la mère de Sidonie.
Accord et gamme, la première note de musique. Les Ondes Martenot élèvent les miscellanées.
La trame est plausible. Elle semble le reflet de beaucoup d’êtres. La quête de soi, des traces de la vie. Ce qui façonne un homme ou une femme.
Sidonie et Nestor sont complices et fusionnels. C’est un kaléidoscope qui éclaire les fragments existentiels. Sidonie et Nestor vont s’aimer. Un peu, beaucoup, passionnément.
Isabelle Dangy est douée et déplace les pions judicieusement. Honore cette fusion entre ces deux jeunes gens. Ici, pas d’inceste. Et pourtant, cette relation restera jusqu’au point final floutée par une enfance entre les parents (nommés ainsi) et frère et sœur pour eux. Ils se cacheront, puis non. Oserons le grand écart et le grand jour dans une passion qui restera toxique, manichéenne et possessive.
Sidonie part, fuit, s’échappe, s’émancipe. Elle va devenir enseignante à Hersanghem.
Solitaire, isolée et fragile, elle note l’évènementiel, tient un cahier de comptes. Elle met ainsi à plat sa vulnérabilité. À l’instar d’une vie nouvelle dont elle ne maîtrise pas encore les codes. Une responsabilité de femme seule et indépendante ou presque. Elle est au cœur de la ville même où son père est le point fixe. Car c’était sa ville. Lui, disparu et absent, invisible. L’ombre de sa généalogie est ici, dans les ombres des ruelles. Une ville qui laisse les rémanences s’élever entre le présent, le passé et les ondes labyrinthiques qui sont des métaphores souveraines.
Sidonie est une jeune femme contemporaine, vive et mélancolique. Elle va combler le manque de Nestor en cumulant les rencontres éphémères avec les hommes des hasards. Puisez dans son passé, la pièce manquante pour atteindre son émancipation.
Elle va rassembler l’épars, rencontrer sa grand-mère dont elle ignorait le regard, les rides et la force des vérités qui seront des épiphanies gagnantes.
Madeleine et l’instrument de musique prêt à avouer. Conter ce qui fut. Ce livre est de dentelles et de paroles.
« Madeleine : Je te donne en avance sur héritage, si tu veux, les Ondes Martenot que tu as vues au salon. C’est tout ce qui reste de Gilberte . »
C’est un roman comme du linge frais claquant au vent, signifiant et irradiant. La beauté des confidences comme des cascades chantantes car allouées aux repentances, aux Ondes mythiques. L’arbre de vie comme une larme de soie. Il faut chercher sa voie et ce récit démontre combien la lutte pour renaître est une question de filiation et d’appartenance.
Mais ici, c’est la voix douce d’une autrice qui peint des personnages avec les couleurs de la vie. C’est un parchemin tremblant de secrets, de silences, de non-dits, et la dernière marche est une connivence avec le lecteur (trice).
Maîtrisé à l’extrême, la polyphonie comme une armoire qui s’ouvre sur l’antan. Ce livre est le sacre de ce qui restera à jamais : la vérité au grand jour.
Après « L’atelier du désordre », finaliste du Prix Goncourt du premier roman et des « Nus d’Hersanghem », prix Anna de Noailles de l’Académie française, « Les ondes » est un chant généalogique, initiatique. Magistral et si près de nous. Publié également par les majeures Éditions Le Passage.
Ce roman est l'histoire d'une ville détaillée avec précision. Ses monuments, ses legendes, ses vies qui se croisent dans les rues d'Hersanghem. Un roman original mais dont la longueur des phrases m'a parfois perdue.
Loin des sujets à la mode ( ceux censés faire vendre et montrer combien un auteur est de son temps...donc en ce moment, l'inceste, la violence faite aux femmes, les migrants), il est bon de trouver un roman ambitieux loin de ces terrains par trop labourés. En fait" Les nus d'hersanghem" apparaît comme une vraie pépite originale, ambitieuse, passionnante, que l'on lit d'une traite mais que l'on regrette de quitter.
Isabelle Dangy n'a pas écrit un essai sur Georges Perec pour rien, tant son deuxième roman pourrait tout à fait être un hommage au grand écrivain, évidemment à "La vie mode d'emploi" en plus court et beaucoup facile d'accès. Cette façon de nous faire pénétrer dans une ville par ses bâtiments et les personnes qu'ils renferment y fait fortement pensé.
Hersanghem, ne cherchez pas, n'existe pas. C'est une création de l'auteure et ça pourrait être n'importe quelle ville de France. Sans doute au moins une grosse sous-préfecture ( elle possède un tribunal), la ville nous est présentée par une belle journée d'été, un jour de grande braderie. On la sent assez touristique grâce à un certain patrimoine historique, cerclée de vignes, un peu touristique, essayant de s'ouvrir vers la modernité et renfermant quelques secrets. Nous naviguons au gré des envies de la narratrice, de la piscine municipale à la pharmacie vieillotte tenue pas deux soeurs, de l'imposante bâtisse moderne noire qu'est le tribunal au parking souterrain de la grande place ( noire elle aussi). On y rencontre des habitants dont nous connaîtrons quelques moments cruciaux de leur vie mais aussi leurs pensées. Chacun est un petit roman à lui tout seul et peu importe que l'on saute de l'un à l'autre au gré de la fantaisie d'Isabelle Dangy, tout est parlant, intriguant, passionnant. On pourra les recroiser quelques pages plus loin, car, bien qu'illustrant parfaitement cette ultra moderne solitude actuelle, ils ont quand même quelques interférences sociales.
Ce qui pourrait s'apparenter à une sorte de guide touristique endiablé qui n'oublie pas les habitants de la ville qu'il décrit, se double d'un petit suspens évoqué à la fin de chaque description de lieu mais surtout se triple d'un défi oulipien ( qui donne le titre au roman). En effet, dans chaque chapitre, il y aura au moins un personnage nu, que ce soit un dessin sur un mur, une jeune fille se rhabillant dans un cabine de la piscine municipale, un mort sur sa table de thanatopraxie, une dame attendant ses invités pour fêter son anniversaire de façon libertine, ... Et comme Isabelle Dangy à de l'imagination à revendre, disons que cette nudité va crescendo...
Vous l'aurez compris, il n'y a pas que Houellebecq ou Lemaître en ce moment, il y a ce formidable roman ludique et remarquablement bien écrit, classiquement certes, mais dans une langue, légère, précise et toujours un poil humoristique. Cela aurait pu s'intituler "La ville mode d'emploi", mais tel que titré, " Les nus d'hersanghem" se révèle comme la pépite de cette rentrée qui, espérons-le, trouvera le public qu'il mérite!
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