"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Emma Fulconis : on ne voit qu'elle à L'Escarène, dans cet arrière-pays niçois où elle est née. Prompte, virevoltante, rebelle à tout, sauf au vent, elle a toujours galopé dans les collines. Enfant déjà, on la surnommait « l'athlète ». Se moquant bien des compétitions, Emma « ne court pas relativement, mais absolument ».
Mais un jour, sa vie bascule : son ami Stéphane Goiran, avec qui parfois elle écoute un peu de musique lors d'une halte, l'invite chez lui. Là, à peine la porte franchie, un chien énorme se jette sur elle, et lui lacère la jambe, ou plus exactement le péroné, également appelé « l'agrafe ». S'ensuivent des mois d'hôpital et de rééducation, à l'issue desquels il est clair qu'Emma ne détalera plus jamais à toute allure.
Mais l'accident ne l'arrête pas dans son élan. Hantée par la phrase du père Goiran expliquant pourquoi il n'a pas retenu son molosse - « Mon chien n'aime pas les Arabes -, elle tente de comprendre ce qu'elle sait déjà, mais dont on ne parle pas. Tenace, elle va surtout trouver en elle la ressource d'un nouveau mouvement, un tremblement d'abord, une oscillation, presque une danse immobile.
L’Agrafe, roman de Maryline Desbiolles que je découvre, raconte l’ancrage d’une adolescente dans son identité malgré un corps entravé.
Emma Fulconis court dans la pierraille niçoise, la région de l’écrivaine. Elle ne voit rien et ne pense qu’à filer, son corps au vent.
Un jour, la morsure d’un chien va l’immobilier pour de long mois de reconstruction. Seulement, une phrase l’obsède, celle du propriétaire du chien qui a dit au moment de l’agression Mon chien n’aime pas les Arabes. À partir de cette alerte, la jeune fille recherche le passé de sa famille.
C’est l’occasion pour Maryline Desbiolles d’évoquer le sort des harkis en Provence Côte d’Azur. Accompagnée par son oncle rebaptisé Jean-Pierre, alors que son prénom était Akim, elle part à la découverte de ses grands-parents accueillis à leur retour d’Algérie dans un hameau de forestiers.
Maryline Desbiolles fait revivre cette partie de l’histoire oubliée. Passant du camp militaire de Rivesaltes, de sinistre mémoire, à cet habitat précaire et à ces emplois forestiers, ces anciens supplétifs, parqués ainsi loin des bourgs où ils auraient pu croiser des immigrés algériens.
Seulement, les anciens harkis ont été accueillis sous statut réfugié et ce ne sera pas une cérémonie bâclée à laquelle seront conviés Akim et Emma qui viendra donner une nouvelle lumière à ce passé encore trop ignoré.
Le style de Maryline Desbiolles, sans aucun pareil, transforme cette découverte en aventure littéraire. Les phrases longues mais déliées forment des airs où le chant murmuré des mots ressemble aux chansons que s’invente Emma pour se reconstruire.
En bref, une rencontre qui marque pour moi une écrivaine discrète à suivre assurément !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/12/09/maryline-desbiolles-lagraphe/
Emma était une petite fille vivante, galopante et gaie, une vraie gazelle. Un jour de son adolescence, où l'un de ses copains l'invite chez elle, un énorme chien se jette sur elle , la rendant infirme à vie. C'est le chien du père de son ami qui n'a pas l'air d'éprouver de remord devant le désastre: il ne dira qu'une seule phrase, abjecte. Pas de consolation, pas d'attendrissement. Le chien sera abattu, mais la douleur physique et psychique d'Emma reste...
Elle va alors se battre pour pouvoir marcher puis pour moins boiter. Elle va aussi se battre pour rendre un peu de dignité aux Harkis de son quartier. Ces Harkis, "traîtres" à leur pays qui n'ont jamais eu la reconnaissance de la France. Et qui sont maltraités ici comme là-bas.
Un très beau roman, qui, comme chaque roman édité par Sabine Wespieser défend des valeurs et a pour héroïne, une femme forte.
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