Entrons dans "La Valise", petit bijou de Sergueï Dovlatov, méconnu en France, jamais publié en URSS
Huit objets sortis de la valise de Dovlatov lors de son exil sont autant de prétextes à des récits autobiographiques:
- Les chaussettes finlandaises - Les chaussures du maire - Un costume croisé convenable - Le ceinturon d'officier - La veste de Fernand Léger - La chemise en popeline - La chapka - Les gants d'automobiliste Chacun de ces objets lui rappellera une histoire particulière de sa vie en URSS; des histoires qu'il racontera avec concision dans des textes haletants, drôles et au rythme nerveux.
La Valise a une composition particulière («cubique» dira le critique Elisseïev) qui lui donne un cadre très intime où affleurent plus que jamais nostalgie et tristesse face à l'absurde. Mais, comme toujours chez Dovlatov, c'est la dérision et l'ironie tendre qui l'emportent.
Entrons dans "La Valise", petit bijou de Sergueï Dovlatov, méconnu en France, jamais publié en URSS
Belle découverte !
Sergueï Dovlatov est un journaliste et écrivain russe qui quitte l’ex-URSS en août 1978, ce, pour une seule raison : il sait qu’il ne sera jamais reconnu en tant qu’écrivain dans ce pays où il subit le carcan de la censure et de la répression.
Il aurait voulu emporter avec lui des livres et bien des effets personnels mais il lui fut autorisé à ne prendre que trois valises maximum. Pour finir, il quittera son pays auquel il restera toujours sentimentalement attaché, avec qu’une seule et unique valise.
Arrivé en Europe, il s’achète de nouveaux vêtements puis après trois mois en Italie, il s’envole aux États-Unis où il s’installera en reconstituant sa famille.
En plus de sa fille, il eut un fils qui, enfant turbulent, fut un jour puni et demandé d’aller dans le placard pour se calmer. Quelques minutes plus tard, quand il va le rechercher, il le trouve assis sur la valise restée fermée depuis plus de quatre ans.
« J’empoignais alors la valise et l’ouvris. »
Il en vida son contenu.
« J’examinai la valise vide. Karl Marx au fond. Brodsky sur le couvercle. Et entre les deux, une vie foutue, inestimable, unique… »
« Mes affaires formaient un tas bariolé sur la table de la cuisine. (…) C’est alors que les souvenirs, comme on dit, refirent surface. Ils étaient probablement restés enfouis dans les plis de ces pauvres hardes. Et voilà que brusquement ils émergeaient. »
Chaque vêtement va correspondre à une histoire alimentée par les souvenirs de l’auteur dans la Russie des Bolcheviks avec son quota d’absurdités entre milices, dénonciations, corruption, antisémitisme, suicides, arrestations, bureaucratie, le tout fortement arrosé de vodka, d’aventures et de littérature.
L’écrivain narrateur est un personnage haut en couleur qui croque la vie à pleines dents, n’hésitant pas à suivre des copains de beuverie marginaux dans des combines plus ou moins louches pour compléter ses revenus insuffisants de journaliste un peu raté.
Son goût pour une vie dissolue et anticonformiste, l’entraîne parfois dans des situations burlesques qui forcent à rire tout en dévoilant une galerie de portraits de gens ordinaires et originaux face au quotidien difficile de l’époque.
Bien que les souvenirs soient tantôt joyeux, tantôt tristes, tantôt dramatiques, le ton reste fataliste et gentiment ironique.
Au-delà des chaussettes finlandaises en crêpe, des chaussures du maire, du costume croisé tout à fait convenable, du ceinturon d’officier, de la veste de Fernand Léger, de la chemise en popeline, de la chapka et des gants d’automobiliste, c’est toute l’âme russe complexe et énigmatique que contient cette valise.
Une écriture talentueuse et un esprit vif pour un livre pétillant zébré d’un sarcasme bienveillant qui m'a beaucoup plu.
En fin de livre, on peut lire un entretien intéressant paru dans la revue Slovo en 1988 qui nous fait découvrir cet auteur édité post-mortem en France ainsi qu’une chronologie de sa vie et de son œuvre.
« Je suis parti pour devenir écrivain et je le suis devenu après avoir réalisé un choix difficile entre la prison et New-York. L’unique but de mon émigration était la liberté créative. (…) Je n’avais pas même de griefs contre le pouvoir : j’étais habillé, chaussé et jusqu’au bout, dans les magasins soviétiques, ils vendaient des pâtes, je n’avais pas besoin de penser à la subsistance. Si j’avais été édité en Russie, je ne serais pas parti. »
« Cette profession ne se choisit pas. C’est elle qui vous choisit. »
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