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Je ne savais pas si j'espérais que Tjaden sortirait bientôt de la baraque pour que nous rentrions à bord nous coucher, ou bien si je souhaitais rester encore avec le garçon, même sans nous parler. Car j'avais un peu peur. A nos pieds, sous les détritus qui flottaient, je devinais l'eau noire, et les ténèbres profondes et insondables, là où peut-être la tristesse et la mélancolie se cachaient. Mais il me semblait que l'odeur du garçon et sa fragile silhouette avaient le pouvoir, comme si je les connaissais depuis longtemps, de les tenir à distance.
Un bateau fait escale à Haïti. Tous les marins s'apprêtent à profiter des plaisirs qu'offre la terre ferme. Tous, sauf le narrateur et son ami Tjaden, consignés à bord.
Dans cette histoire d'amitié fragile, suspendue entre deux temps, Hubert Mingarelli excelle à faire parler les silences et les non-dits.
Ce livre, illustré (vu par) Barthélémy Toguo, est un objet de collection qu’on achète pour avoir tout d’un auteur admiré. Mais c’est aussi et surtout un texte dont la puissance et l’atmosphère d’une vague sur un océan inquiétant ne sera pas sans conséquences.
Le bateau va être obligé d’accoster. A son bord deux marins liés d’amitié dont l’un va être consigné par leur lieutenant, vont rester à quai alors que le reste de l’équipage part faire la fête dans les bordels de Port-au-Prince. Le projet des deux soldats est de quitter la Marine et de s’installer dans une ferme avec un élevage de poulets. Ils en parlent entre eux dans la nuit, sur le pont déserté jusqu’à ce qu’un jeune noir les interpelle et leur propose sa sœur pour les divertir en cachette.
Ce sera alors une vague humaine intérieure qui grandira, grondera silencieuse et bruyante, douce et rugueuse, sans mot dire, inquiétante et troublante avec ce danger scélérat d’une destruction programmée de l’âme sous la puissance ravageuse des non-dits.
Les belles esquisses ondulantes de Toguo par ses représentations couleur noire et corail, consolident l’image inquiétante de l’eau et celle de la perdition des personnages aux chevelures tentaculaires.
« Une nuit, nous lui avions parlé de notre intention de quitter l’armée, de nous construire une maison en bois et d’élever des poulets. Il nous avait dit « Pourquoi, vous n’êtes pas bien là ? » Tjaden avait dit : « Non, on n’est pas bien. »
« Dans le golfe de la Gonâve, la mer se calma. Avec le soir, le ciel se coucha sur la mer et devint noir comme elle. On accosta dans la nuit. »
« Nous entendîmes d’abord Tjaden. Il grogna et rit sauvagement. La grosse fille poussa une longue plainte, incompréhensible au début, puis de plus en plus pleine de frayeur. »
« Je retournai dans la passerelle, m’assis derrière la radio, jetai un regard à Tjaden, et commençai à lutter contre le sommeil. Le lendemain on vit l’océan Atlantique. La houle était longue, le ciel courait au-dessus, nous dépassant sans cesse. Les quarts monotones nous bercèrent. Un jour succéda à un autre, comme s’il s’était toujours agi du même. Des oiseaux de mer, on n’en voyait plus.
Le silence et la gêne nous avaient enveloppés, Tjaden et moi, comme un manteau. »
En ce qui me concerne, Hubert Mingarelli, un des artistes écrivains voyageurs contemporains majeurs évoluant dans le domaine des romans d’ambiance, est synonyme de talent. Avec une écriture sobre et juste, ses histoires campent toujours une atmosphère humaine particulière qui s’enroule et s’élève puissamment au fil des lignes dans des milieux étrangers aux notes voyageuses singulières.
Toutes les étoiles d’une nuit haïtienne ne suffiraient pas à le noter. Fan absolue !
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