"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Tu m'écoutes maman ? Je te parle et je sais que tu n'as plus aucun prétexte pour me fuir. Tu es là justement parce que tu n'es plus. Écrire, c'est tordre le cou du temps, pour t'avoir enfin en face de moi, entièrement à moi. ».
Lorsque Laurence Benaïm décide d'écrire à sa mère, celle-ci n'est plus. Pourtant elle n'a jamais été aussi proche. Cardiologue parisienne très occupée, petite fille juive cachée pendant la Seconde Guerre mondiale, Nicole, la mère de la narratrice, n'a pas vraiment su parler à sa fille. Alors qu'elle s'éteint petit à petit dans en unité de soins intensifs puis palliatifs, l'auteure tente avec tendresse et honnêteté de combler les pointillés d'une vie peu racontée.
Du Paris occupé, en passant par la Bourgogne ombrageuse, jusqu'à Oran, la narratrice cherche, inspecte et déplie ses souvenirs avec ses parents. Pourquoi sa mère était aussi dévouée avec ses patients alors qu'elle, sa fille, n'avait même pas la bonne tenue en cours de danse ? Pourquoi est-ce si dur de se laisser soigner lorsqu'on a été soignante toute sa vie ? Pourquoi la grand-mère maternelle ashkénaze avait du mal à comprendre la douleur de son gendre, sépharade exclu du lycée parce que juif ? Tant de souffrances, celle des familles juives déportées et décimées, celle des Algériens massacrés, celle d'une fille accompagnant sa mère à l'hôpital, mais pourquoi si peu de mots et de dialogues, au nom de ce qu'il a fallu taire pour se reconstruire ?
Avec émotion, subtilité et force, Laurence Benaïm décide de conjurer le sort, de les faire parler tous, pour lutter contre le silence.
Un récit autobiographie dans lequel l'Histoire (celle de la Shoah) et l'histoire familiale de l'auteure se mêlent...
A la mort de sa mère, celle-ci lui adresse une longue lettre. Elle cherche dans l'histoire familiale, dans les documents qu'elle retrouve chez ses parents, des clés pour expliquer le comportement de cette mère distante. Cardiologue, très occupée, elle a peu parlé à sa fille qui va alors mener ce travail de recherche et d'introspection.
Plusieurs vies sont évoquées avec justesse et une écriture très fluide que j'ai souvent trouvée poignante, prenant aux tripes. Celle de cette mère, enfant cachée pendant la seconde guerre mondiale. Celle de ce père vieillissant qu'il faut surveiller et pour lequel il faut penser à une maison de retraite, celles des grandes tantes disparues à Auschwtiz mais aussi celle de Laurence Benaim, en creux, de son frère...
Certains passages, comme de longues listes de bonheurs d'enfance (les savoureux plats de la grand-mère Rachel par exemple), m'ont fait penser aux Années d'Annie Ernaux que j'avais beaucoup aimé.
J'ai enfin été très touchée par les réflexions très justes sur la vieillesse, la fin de vie et la déchéance des corps.
Un livre que je recommande donc absolument!
Merci à #Netgalleyfrance et aux Editions Stock pour cette lecture passionnante!
C’est à sa mère, que la maladie a emportée, que Laurence, la narratrice, s’adresse. Les questions restées dans l’ombre et les confidences, construisent une histoire familiale marquée par les émigrations successives et les départs douloureux, ceux qui ont fait la honte de l’Histoire du 20è siècle. Nicole était cardiologue, et dans l’appartement qui abritait sa famille et le cabinet médical, régnait un flou certain entre privé et professionnel. Avec le sentiment, pour la narratrice d’une priorité accordée aux patients.
De l’enfance avec passage obligé en Bourgogne, seule alternative au risque majeur de faire partie des convois vers la Pologne, la fille du chapelier devra se défendre pour être légitime, juive et femme, dans un milieu à l’époque encore très masculin et très machiste.
S’y ajoute l’histoire du père, Paul, juif oranais, concerné aussi par les drames du départ et les massacres odieux, et qui après avoir mené sa carrière de cardiologue, devient peu à peu dépendant. C’est tout le drame de cette génération, en étau entre les enfants à éduquer let les parents vieillissants.
C’est un récit lucide, ponctué par de nombreux drames, mais sans pathos, et sans plainte. Les lacunes ressenties ne sont pas des reproches, envers des parents qui n’ont pas démérité, mais ont dû faire des choix difficiles. Et l’amour n’a pas manqué malgré tout.
Ce type de récit qui offre en raccourci des destinées quelles qu’elles soient et dont ne subsistent que des objets dérisoires m’émeuvent profondément.
L’impact de l’Histoire sur les destins individuels, la question de l’identité, des racines, la complexité des liens familiaux que l’évolution de la société bouscule, tout cela est abordé avec beaucoup de sensibilité.
Merci à Netgalley et aux Editions Stock
A la mort de sa mère en 2018, l'autrice vacille, elle est sidérée par cet évènement douloureux
et écrit une longue lettre à celle qui lui a donné la vie.
Elle se souvient de son enfance ; les repas étaient ponctués de conversations relatives à la cardiologie, père et mère étant d'éminents représentants de cette spécialité.
Les enfants et leurs petits tourments étaient à peine écoutés et pas entendus :des patients les attendaient à l'hôpital. L.Benaïm se souvient de cela avec un peu d'humour et beaucoup de mélancolie.
Elle revient sur l'enfance de cette mère tant aimée, née d'une famille juive qui a connu les grands tourments du siècle dernier, la famille exterminée, cette tristesse intérieure toujours à fleur de peau. Elle relate sa longue agonie et le transfert de responsabilité enfants-parents maintenant.
Elle raconte la lente déchéance de son père , qui , médecin reconnu , ne trouve pas sa place en EPHAD.
Quelques réflexions sur la jeune génération, et sur le temps présent.Quel décalage en si peu de temps. Elle dénonce les slogans de tribunal populaire qui remettent en cause l'idée même de tout ce qui nous a construit.
Beaucoup de pudeur et de lucidité dans cet ouvrage écrit avec le coeur.
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