"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une femme d'origine nordique s'installe à Florence où tout lui semble étranger, beau en même temps que repoussant, jusqu'à l'homme qu'elle a rencontré. Lui saura réchauffer la terre gelée en elle, se dit-elle.
La prise du diable est l'histoire de ces deux-là, de leurs corps et de leurs esprits, de l'emprise qu'ils exercent l'un sur l'autre.
Figure irrévérencieuse de la littérature scandinave, Lina Wolff nous offre un récit féministe aussi loufoque que d'une véracité limpide. En enfermant le lecteur dans la perspective d'une victime qui sombre dans le gouffre d'une relation dangereuse, elle dépeint la folie déguisée en normalité de notre société.
Un roman plein d'autodérision sur la misogynie profonde de notre époque - si intelligent, imprévisible, et surtout si vertigineusement drôle.
Avec la prise du diable l'autrice retrace le fil d'une relation toxique à Florence entre une suédoise et son amant, au départ une relation idyllique puis la domination masculine ou féminine car chacun pensé changer l'autre mais très vite l'un prendra l'avantage sur l'autre, Lina Wolff décortique les comportements dominateurs, les manipulations, la folie, les soumissions et violences. Les méandres de l'enfer d'un couple.
Une lecture fluide dont on ne sort pas indemnes.
Adrénaline fois mille !
L’emprise dans toute sa noirceur.
Psychologique, dans une langue sans distance, « La prise du diable » est l’empreinte même d’une relation toxique entre un homme et une femme. Une lutte quotidienne, sournoise et risquée.
Un roman au scalpel, subtil et d’une lucidité indépassable.
Un page-turner frénétique et envoûtant.
Fascinant, habile, c’est le tissage véritable des dominations.
Une jeune femme scandinave, lunaire, lasse de l’atmosphère glacée et du décorum figé de son bureau, où elle travaille, décide sur un coup de tête de démissionner.
Traductrice de formation, dans un pays nordique où les rais de lumière ne s’infiltrent que trop peu. Elle prend alors un billet aller simple, en direction de Florence la sensuelle, en Italie.
L’opposée, « une ville du deuxième chakra, celui du bas-ventre. »
Elle ressent l’apaisement d’une destination dont elle pense maîtriser les codes. Assoiffée de désir et d’aventure. Sauf que.
Elle va rencontrer un homme quelque peu négligé. Sale, les cheveux longs, indésirable, une proie parfaite. Elle va subrepticement bâtir un plan. Se glisser chez lui, lui refaire une garde-robe et surtout passer son temps à ne rien faire, ne plus travailler, vivre sur ses réserves financières. Elle ressent l’exigence de son insertion. Prouver sa nouvelle présence au monde. Soumettre le Propre-sur-Lui, à ses volontés secrètes. Névrosée, elle est le balancier entre la chaleur et le froid d’avant. Tomber amoureuse de cet homme. Elle tire l’as de pique, prise à son propre piège. Elle ne le sait pas, pas encore. Le Propre-sur-Lui va inverser les rôles insidieusement. « la prise se resserre encore un peu, il a la main un peu plus dure sur elle, mais reste à peu près correct : - Ne me dis pas ce que je dois faire ou non. Tu n’as aucun pouvoir sur moi. Tout ce que tu as besoin de savoir, c’est que tu dois t’en remettre à moi. »
Les fondations tremblent. Les draps sont trempés de méprise et de doute. Surnommée Minnie, elle devient, « une pouffiasse patentée, une pure dingue délirante du Nord. Minnie qui espère que Mickey la croit mourante, qui veut que Mickey s’occupe d’elle. »
D’une fureur destructrice, le mental de le Propre-sur-Lui devient et vite la prise du diable.
Le récit est une porte qui grince. La démonstration minutieuse des carcans d’oppressions. Elle se soumet : elle l’aime. Dans cette autorité virile, la domination prégnante et l’influence sur elle, qui ne quête que le désir, l’attrait et le regard, elle devient un feu orange clignotant, le langage du corps qui se retourne à contre-sens. Le huis-clos est une cage qui vrille. Le summum d’une violence sourde. Le Propre-sur-Lui, est puissant, misogyne, une bombe à retardement. On ressent un étau qui enserre cette jeune femme. Faible, soumise, elle ne veut encore que le bonheur de ce monstre glaçant, machiavélique. Un bourreau pervers et sadique.
« Que fera-t-elle alors, quand il ne voudra plus d’elle ? Elle se dit qu’elle pourra toujours se suicider. À cette idée, un grand soulagement l’envahit. »
Vulnérable, une porcelaine brisée, les gestes étouffés, bâillonnée, Minnie perd ses plumes. Son esprit s’égare, elle perd pied, elle se noie. Elle devient mutique, apeurée. Le paroxysme de l’influence est l’amour qu’elle ressent encore pour le Propre-sur-Lui. Nous sommes en plongée dans un drame acide, implacable, vertigineusement vrai. Un grand tourbillon, le trou noir, d’angoisse, de peur et de colère. L’estime de soi est un parfum qui s’évapore. Florence, ville mythique, perd son aura. L’odeur de la mort règne. Le néant et l’hostilité aux abois. La chute de Minnie dans l’ultime tragédie. Les coups comme des éclairs. La griffe du diable qui défigure le symbole des passions faussées. Le Propre-sur-Lui est un pervers narcissique. Comment Minnie pourra-t-elle s’évader de cet enfer ? La trame est un tsunami. Superbement dressée, elle démonte les mécanismes implacables. On ne quitte pas des yeux le Propre-sur-Lui. Sardonique, paranoïaque, l’emblème même du non retour pour Minnie. Lina Wolff est surdouée. Elle pousse ses protagonistes dans les extrêmes entendements. L’exploration minutieuse des comportements dominateurs. Le macrocosme d’une folie dont l’arborescence fait froid dans le dos. « La prise du diable » dans son idiosyncrasie la plus réelle. Ce livre qui excelle de contemporanéité, clairvoyant, intuitif, efficace. Il est l’injonction de la prudence. « Apprendre à toujours se méfier », à l’instar de Prosper Mérimée. Caustique, acide, implacable, stupéfiant, il devient un outil précieux, sociétal sur les embrigadements, et ce qui peut, et très vite, mettre en danger une femme ou un homme. Crissant, superbe de maîtrise, ce livre est le piédestal d’une littérature engagée. Un livre qui ne laisse pas indemne et c’est tant mieux. Traduit à merveille du suédois par Anna Gibson. Publié par les majeures Éditions Les Argonautes éditeur.
«L'amour, ce pauvre mot, si galvaudé, si maltraité»
Lina Wolff, en retraçant l'histoire d'une relation toxique entre une Suédoise et son amant florentin, réussit un roman puissant sur l'emprise. Construit comme une mécanique implacable, il est aussi troublant que révoltant, fascinant que dérangeant.
Lorsqu'elle arrive à Florence, la jeune femme scandinave voit partout des amants. La grande ville toscane respire l'amour. Aussi n'a-t-elle pris qu'un billet aller pour rejoindre l'homme qu'elle aime. Il a beau être laid, au point où les gens qui les croisent se demandent ce qu'ils font ensemble, leur relation s'installe dans la durée. Elle change sa garde-robe, le rase, l'entraîne au club de sport. Désormais, il a dû sex-appeal et commence à attirer les femmes. Et à mentir. La vidéo qu'il lui présente en train de soulever de la fonte ne peut qu'avoir été tournés par une femme. Son intuition le la trompe pas, il n’y a qu’à regarder la façon dont il jette son regard sur la personne qui le filme.
«Tout s'accélère maintenant. Ça commence par des inflexions ou des insinuations qui dégénèrent en disputes, qui dégénèrent à leur tour en querelles spectaculaires. À quelques reprises, les voisins cognent au mur en criant Ho, vous allez vous calmer, oui?, Ce n'est pas possible, pense-t-elle. Ceci n’est pas la réalité. Je ne suis pas quelqu'un dont le comportement pousse les voisins à cogner aux murs. Je suis une personne réfléchie, calme, qui se maîtrise. Mais quand elle s'entend hurler, elle comprend qu’elle se trompe. Son image d'elle-même est déformée, pas besoin d’être anorexique pour se voir autrement qu'on n'est.»
Alors la jalousie s'installe. Et va tourner à la paranoïa. Minnie, comme la surnomme cet homme qui la veut aussi silencieuse et discrète que la souris, va bien tenter d'oublier son Mickey, d'abord en se jetant dans d'autres bras puis en prenant la fuite jusqu'à la Nouvelle-Orléans, mais là-bas aussi les choses ne se passent pas comme prévu et la Louisiane d'après Katrina devient un enfer.
Ce qu'il y a de fascinant dans ce roman, c'est sa mécanique. Comme une montre mécanique de haute précision, Lina Wolff insère un rouage après l'autre. Entraîné par le précédent, il forme un ensemble inextricable dont il impossible de sortir. La chronologie des faits semble inéluctable, l'issue programmée. Jamais peut-être n'a-t-on mieux décrit l'emprise, cette dépendance dans laquelle on s'enfonce comme dans un marais puant.
La prise du diable est tellement forte qu'il est impossible de fuir. À moins d'entrer à son tour dans la danse, de se rapprocher du démon et de son manège plutôt que fuir. C'est à la fois palpitant et révoltant, comme si la domination masculine était inscrite dans la relation. L'ironie, voire la poésie, venant en contrepoint de la violence, de l'horreur des situations.
Comme dans ses précédents romans parus chez Gallimard – Les Amants polyglottes (2018) et Bret Easton Ellis et les autres chiens (2019) – Lina Wolff explore la force magnétique du désir face à la et rationalité des faits. Quand on voit le piège se refermer, mais qu'on se laisse quand même prendre.
Non, il n'y a pas d'amour heureux.
((Babelio – Lecteurs.com – Livraddict))
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. En vous y abonnant, vous serez par ailleurs informé de la parution de toutes mes chroniques.
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