Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
« Et c'est peut-être avec l'un de ces sourires narquois, l'une de ces plaisanteries faciles partagées autour d'un verre pris légèrement trop tôt, qu'un jour Antoine a décrété que sa place était ici. Il a cru, lui aussi, qu'il était fait d'un meilleur bois. »
Une île de la Manche située à vingt kilomètres du continent. Qu'on y vive depuis la naissance ou qu'on y passe pour les vacances, le va-et-vient des vagues reste le même. Pour les points communs, c'est à peu près tout. Car il y a les habitants des casernes, élevés sur l'île et façonnés par la mer. Et il y a les vacanciers des maisons blanches, ceux de la plaine ou de l'anse, qui frottent leurs vareuses contre les cailloux pour en avoir l'air. Parmi eux Antoine, qui n'aspire qu'à passer de l'autre côté. C'est sa trajectoire que raconte son petit frère en retraçant le fil des étés.
Premier roman mélancolique et empreint de poésie, La mer est un mur est une étincelante partition sur la construction d'un garçon, avec son lot de fractures, d'amours et de regrets.
L'île de la désunion
Dans ce premier roman à fleur de peau, Marin Postel raconte comment une famille va se déchirer lorsque l'aîné décide de s'installer à demeure sur la petite île sur laquelle tous passaient l'été. On passe alors du roman initiatique au drame absolu.
L’île de Quiésay, cadre imaginaire de ce premier roman, n’existe sur aucune carte. Baignée par la Manche, cette terre battue par les embruns et rongée par le sel s’étend sur trois cents hectares de granit. Elle se partage entre deux univers distincts : d’un côté, les casernes où résident les habitants permanents ; de l’autre, une zone résidentielle principalement occupée par les estivants. Malgré l’exiguïté des lieux, ces deux mondes se côtoient sans jamais vraiment se rencontrer.
C’est sur cette île que le narrateur passe ses étés en famille, avec ses parents et son frère aîné Antoine. Leurs journées suivent un rituel immuable : une sortie quotidienne sur le voilier paternel, suivie d’occupations variées, des baignades aux promenades avec le chien, des parties de pêche aux visites du seul bar de l’île.
Au fil des ans, Antoine gagne en indépendance, s’éloignant non seulement de son frère, mais aussi de leurs cousins Baptiste et Rémi. Les tensions s’intensifient, notamment avec leur père, de plus en plus désemparé face à cette situation. « S’il fallait situer la première véritable fissure, je dirais que tout a commencé ce jour-là, dans les dernières lueurs d’août, où mon frère, après une altercation, a planté mon père devant la chapelle de Quiésay pour retourner seul à la caserne. » Ce départ marque une rupture, scellant la volonté d’Antoine de s’installer définitivement sur l’île, de se rapprocher de Baptiste.
Le récit explore alors les rites initiatiques auxquels s’adonne Antoine pour prouver sa valeur. « Ce jeu a duré plusieurs étés », marqué par ses « premières cigarettes, les bouteilles de bière brisées à coups de pierre ou de carabine à plomb. » Avant de les fracasser, il les vidait, bien sûr. Chaque soir, après le repas, les jeunes de la caserne se retrouvaient sur les hauteurs de Port-Cheval pour boire. Ce n’était un secret pour personne. Rapidement, mon frère s’est joint à eux, puis il a fini par y aller chaque soir, me laissant seul.
Jusqu’à la rupture finale et au drame qui clôt le récit, le narrateur n’aura cessé d’espérer retrouver son frère.
Dans ce roman de la séparation, Marin Postel traduit avec justesse le désarroi du jeune frère et l’incompréhension des parents. Il dépeint également les illusions d’Antoine, qui cherche à être accepté par une communauté repliée sur elle-même, hostile à toute intégration. À l’image du climat insulaire, les épreuves sont rudes, glaçantes. Le rêve d’enfant du narrateur, celui de trouver sa place au sein de cette communauté, se mue en cauchemar. L’émancipation du milieu d’origine est une épreuve douloureuse.
Ce roman rappelle, par ses thèmes, les œuvres de Nicolas Mathieu (Connemara, Leurs enfants après eux), de Laurent Petitmangin (Ce qu’il faut de nuit) et de Frédéric Ploussard (Mobylette). Dans des styles différents, ces auteurs analysent la lutte des classes et la quête d’un ailleurs illusoire, au risque de se brûler les ailes.
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Un premier roman puissant et poétique, un gros coup de cœur de cette rentrée. La découverte d’un auteur que je vais suivre de près et qui mérite qu’on le découvre. Retenez bien son nom
Une ile de la Manche, Quiésay. Ne la cherchez pas sur la carte, elle a été inventée de toutes pièces. Là, cohabitent des pêcheurs qui y vivent à l’année et les estivants qui profitent de la plage, des rochers, des balades. Parmi eux, Antoine et sa famille.
Joseph, son petit frère, va nous raconter le parcours d’Antoine, de l’adolescence à l’âge adulte, ses rapports conflictuels avec leur père, médecin parisien, son attrait pour l’ile, son amitié et sa fascination pour Baptiste, un adolescent de son âge, petit-fils de pêcheur, et pour Elodie, jeune fille convoitée.
J’ai beaucoup aimé ce roman plein de mélancolie et de poésie, dont le personnage principal est le décor, la mer. J’ai aimé le rythme de narration, la plongée en immersion dans cette famille, l’admiration de Joseph pour son ainé, et le ton mélancolique de ce récit. J’ai aimé cette façon d’analyser le rapport si particulier des habitants à leur île.
Un roman très abouti, qui m’a donné envie de séjourner sur cette île inconnue.
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Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
Chacune des deux demeures dont il sera question est représentée dans le sablier et le lecteur sait d'entrée de jeu qu'il faudra retourner le livre pour découvrir la vérité. Pour comprendre l'enquête menée en 1939, on a besoin de se référer aux indices présents dans la première histoire... un véritable puzzle, d'un incroyable tour de force
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