Je ne serais probablement pas allée vers ce livre de moi-même mais il m'a été proposé dans le cadre du club de lecture dont je suis membre, parrainé par les éditions "J'ai lu". Bonne pioche!!!!
Il s'agit de la biographie romancée de Pauline Geuble (1799-1876) au destin incroyable et romanesque....
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Je ne serais probablement pas allée vers ce livre de moi-même mais il m'a été proposé dans le cadre du club de lecture dont je suis membre, parrainé par les éditions "J'ai lu". Bonne pioche!!!!
Il s'agit de la biographie romancée de Pauline Geuble (1799-1876) au destin incroyable et romanesque. Elle est née en Lorraine dans une famille de la petite noblesse désargentée; son père, au service de Napoléon, meurt assassiné en Espagne alors qu'elle a 12 ans; sa mère sombre dans la dépression, les crises nerveuses ou fait semblant; mais le résultat est le même, tout repose sur les épaules de Pauline, l'aîné des 4 enfants sans aucune reconnaissance de sa mère qui lui préfère ses frères. Sa mère l'envoie à Paris pour devenir grisette pour un salaire de misère dont elle s'accapare la plus grosse partie.
Décidée à se sortir de cet état, elle part en Russie en 1823, nantie d'un contrat de travail comme chef d'équipe de vendeuses dans un magasin de mode de Moscou. Elle y rencontre Ivan Annenkov, jeune aristocrate russe, qui en tombe amoureux immédiatement.
Le 14 décembre 1825, le mouvement d'insurrection contre le tsar Nicolas 1er, le servage, ses abus, dont faisait partie Ivan, est maté dans le sang. Parmi ceux qu'on appellera désormais les décembristes, 5 meneurs sont exécutés et 121 autres, dont Ivan, sont condamnés au bagne en Sibérie.
8 femmes dont une maîtresse, Pauline, décidèrent de suivre leur mari et amant et de s'installer au plus près de la prison.
Pauline a laissé sa première fille de 18 mois, née hors mariage, à Moscou; c'était une des conditions fixées par le tsar pour la laisser partir. Une autre était qu'elle devait se marier sur place avec Ivan (ce qui fut fait le 4 avril 1828). Commence alors un périple incroyable à travers la Russie suivi de l'installation en Sibérie, à Tchita, où il n'y a rien, si ce n'est la prison et le froid.
Les femmes vont s'entraider et faire montre d'une résilience incroyable malgré les très nombreux obstacles; elles permettent à leur mari de relever la tête, de se battre, de croire en l'avenir; elles aident également les autres détenus en écrivant des lettres à leur famille pour eux, en leur amenant des livres, de la nourriture. Les prisonniers fondèrent même une mini-république avec mise en commun de l'argent, décisions prises au vote, chacun avait une fonction à remplir. Le tsar ayant entendu parler de cette organisation voulut les mater en les envoyant, en 1830, dans une autre prison, à 500 km de la première, toujours en Sibérie, en les isolant dans des cellules sans fenêtre. Les femmes les suivirent, recommencèrent tout à zéro et réussirent à nouveau à redonner espoir à leur mari. En 1836, Ivan et Pauline sont transférés en résidence surveillée; il faudra attendre 20 ans supplémentaires pour qu'ils puissent rentrer en Russie d'Europe à Nijni Novgorod, et qu'ils soient graciés par le fils de Nicolas 1er, Alexandre alors qu'il vient de monter sur le trône en 1856.
Pauline aura eu 7 autres enfants pendant cet exil dont 3 décèderont.
Avant de toucher Irène Frain, son incroyable destin a inspiré Alexandre Dumas qui en a fait un portrait peu flatteur dans "Le Maître d'armes" (il la dépeint en gourgandine, chasseuse de fortune qui s'oppose au tsar si bienveillant) et Dostoïevski qui la croisa avant d'être emmené au bagne et qui en fut très ému.
Irène Frain a fait des recherches très approfondies en s'appuyant à la fois sur les mémoires de Pauline qui ont été recueillies par Olga, sa fille mais qui étaient parcellaires, touffues et sur les archives. Elle a, en outre, mis ses pas dans ceux de Pauline, de Lorraine en Russie où elle a refait son périple, dans des conditions de confort que Pauline n'a jamais connues. Elle s'est imprégnée des lieux, des atmosphères, des paysages pour nous livrer cette biographie romancée dans laquelle on ressent toute l'admiration de l'auteure pour son personnage.
Elle nous livre le portrait d'une femme amoureuse, courageuse, que les obstacles semblent galvaniser; une femme féministe avant l'heure, maîtresse, fille-mère, étrangère, dans un pays orthodoxe où la place de la femme était à la maison et à l'église. Un vrai personnage romanesque qui a vraiment existé.
Ce qui m'a plu dans ce roman, hormis la vie incroyable de Pauline, c'est la découverte de la Russie du tsar Nicolas 1er, de l'intérieur, l'insurrection des décembristes que je ne connaissais pas, l'influence française, les conditions de vie dans les bagnes (qui seront probablement aussi celles, quelques années plus tard, des goulags sous un autre régime tout aussi autoritaire et privatif de libertés que le régime tsariste).
J'ai eu grand plaisir à retrouver Irène Frain que j'avais beaucoup lue dans le passé et avec laquelle j'avais renoué l'année dernière avec "Un crime sans importance". J'ai à nouveau apprécié sa manière très imagée de raconter, sa plume alerte, ses descriptions qui donnent l'impression d'y être même si quelques longueurs auraient pu être évitées.
En effet, Irène Frain nous fait voyager et ressentir admiration et empathie pour Pauline. Belle journée.