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Les habits collent à la peau. Ils nous protègent et nous exposent. Le vêtement qui happe le regard social trahit notre part d'ombre. Les hommes et les femmes ne sont pas égaux dans cette course aux apparences. Dans ce livre Lydia Flem raconte les vêtements de ses souvenirs. Sur un mode ludique, elle poursuit sa quête de l'intime en adoptant une forme devenue classique depuis les Je me souviens de Georges Perec dans les années 1970.
Cette forme, Perec l'a métamorphosée après l'avoir empruntée à l'artiste américain Joe Brainard, ami de son ami Harry Mathews. De la petite fille à l'amante, de la séductrice à la militante des droits de la femme et des LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et trans.), Lydia Flem s'amuse à psychanalyser, jouant des associations involontaires de sa mémoire, nos gestes et nos codes vestimentaires.
Cet objet littéraire est comme un album où toutes les photos seraient mélangées. On y trouve côte à côte des souvenirs de la semaine dernière, comme des années 60. Des clichés de famille ou des portraits de gens célèbres. Des anecdotes personnelles ou de la grande Histoire.
Un régal. Léger comme du tulle, mais riche comme un brocard ancien.
Le texte fait écho à notre propre vécu. Remet en lumière des instants qui paraissaient enfouis, englués dans les sous-sol de la mémoire. Parce que les souvenirs, si on ne les convoque pas de temps en temps, ils palissent, à devenir transparents et s'effilochent comme un pull aimé, trop porté.
Alors après lecture on se souvient aussi.
Je me souviens de cette combinaison jaune pale que l'on m'avait achetée chez Marks & Spencer dans les années 80.
Je me souviens de cette tenue beaucoup trop originale que portait ma mère lors d'une réunion parents-profs et pour laquelle je l'avais vertement rabrouée.
Je me souviens de cette robe que j'aimais quand j'avais 5 ans et qui rapetissaient à mon grand désespoir, ne comprenant pas que c'était moi qui grandissait.
Les vêtements sont nous. Certains restent très longtemps et d'autres passent fugaces. Quand leur propriétaire disparait, ils deviennent orphelins.
Portant encore pour quelques temps le parfum de leurs hôtes et le souvenir qu'on en a.
C'est un beau texte où l'on apprécie ce qui est trop souvent considéré comme futile. Où l'on parle de patrons, de surfil, de pattemouille, de ces dames chapeautées et ces messieurs gantés. Mais aussi de cape d'invisibilité, de baskets. Bref, le vêtement est passé, présent. Il se touche, s'enlève, se revêt, se donne, se fait discret ou insolent. A l'image de celui qui le porte.
Je regrette juste que l'on ne parle pas plus de son parfum, de son odeur. Le vêtement neuf, le pull en laine mouillé, l'eau de toilette qui imprègne le foulard maternel ou la cravate paternelle, le tee-shirt en sueur, le bloomer qui sent le lait bébé, le vieux chapeau en feutre de grand-mère qui fleure l'antimite, ou le manteau dont les effluves de friture trahissent le menu du déjeuner.
Alors faut-il le lire ? Oui. Un grand oui. Prenez le temps pour cette frivolité pas si frivole que ça finalement.
Un régal d'humour et de sentiments. Se garde au fond de son sac pour être lu par petites touches avec gourmandise.
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