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Un climat crépusculaire domine la vie intellectuelle hexagonale. Catégorie centrale de notre histoire politique, l'intellectuel ne suscite plus la foi dont il fut l'objet durant plus d'un siècle. De nos jours, la modestie de celui ou celle qui exerce le métier de penser s'impose, sans que cette modestie ne soit pour autant un renoncement à faire oeuvre d'originalité. Mais la forme de l'adresse, qui fut longtemps la marque distinctive de l'intellectuel français, s'est métamorphosée, passant d'une invocation prophétique à une suggestion plus discrète et timide.
S'ils sont une figure du passé, les intellectuels continuent pourtant à former une communauté, à la fois concrète et imaginaire, à donner le sentiment d'exister en tant que catégorie sociale. Bien que dispersés dans la confusion d'un paysage de la pensée fragmenté, les intellectuels résistent à la prophétie de leur trépas. Ils prolongent les gestes de leurs aînés, sur d'autres types de scènes, avec des moyens renouvelés, dans un autre moment historique, où ils n'occupent simplement plus le premier rang.
Tout a changé dans l'exercice de leur fonction : le nombre des acteurs qui peuplent leur famille, élargie sous l'effet de la massification universitaire ; la précarisation de leur statut et de leurs conditions de vie, liées aux politiques publiques de plus en plus contraignantes à leur égard ; la perte de prestige symbolique, causée par les bouleversements de l'espace public. À défaut d'être complètement vivants, c'est-à-dire maîtres de leur destin, ils sont aujourd'hui des survivants, tenus de trouver des parades à la marginalisation qu'ils subissent.
Impossible à réduire à une seule identité, l'intellectuel se conjugue plus que jamais au pluriel, tant son modèle abrite une multitude de visages et de positions hétérogènes, tant surtout son modèle invite à des regroupements disséminés, dans un souci d'hybridation créative, brisant le monopole supposé de l'intellectualité. Autant que chez les intellectuels eux-mêmes, l'intellectualité se déploie aujourd'hui chez tous ceux qui, à sa périphérie, s'agitent pour penser le présent.
C'est dans ce double déplacement, perceptible autant dans la manière dont les intellectuels se repensent eux-mêmes que dans l'art d'imaginer de nouvelles alliances avec des publics périphériques au monde académique, que s'esquisse un modèle inédit de l'intellectuel au XXIe siècle. Dépassé, survivant, mais ressuscité. L'intellectuel est mort, vive l'intellectuel.
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