"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le 1er mai 1891, malgré les interdictions patronales, les ouvriers grévistes ont décidé de défiler dans la cité textile de Fourmies (Nord), pour réclamer la journée de huit heures. La veille, affolés, les industriels des filatures ont sommé le maire de la ville, Auguste Bernier - lui-même directeur d'une usine - d'exiger du préfet l'envoi de la troupe.
Deux régiments d'infanterie de ligne, les 84e et 145e, cantonnés tout près à Avesnes-sur-Helpe et à Maubeuge, se mettent en position sur la place centrale de Fourmies, bordée par l'église, la mairie et la maison d'arrêt.
En fin de journée, une foule revendicative déboule sur la place, un officier ordonne aux soldats de tirer... Neuf personnes meurent. Elles deviendront les martyrs de la cause socialiste naissante.
En virtuose, Alex W. Inker, entraîne le lecteur au plus près des personnages, le plongeant en apnée au coeur des événements aux côtés de :
Maria, la jeune et belle ouvrière aux cheveux de feu, Kléber, le jeune porte-drapeau amoureux de Louise, Louise, l'ouvrière gouailleuse, Émile, le gamin innocent pêcheur de grenouilles, Gavroche bravache et frondeur, Un soldat, l'idéaliste qui ne tirera pas et n'épaulera même pas son fusil Lebel, Un vieux soldat, le salaud qui achèvera les blessés à la baïonnette.
4h00, Maria se lève comme tous les matins pour aller à l’usine…. Mais ce 1er mai 1891, elle l’annonce à sa mère « Je n’retoucherai nin une machine avant qu’ils nous donnent nos huit heures ! ».
Alex W. Inker nous livre une chronique sincère et humaine d’un drame qui a eu lieu il y a 130 ans… Des lieux qu’il connait comme sa poche, un drame qui a fait des 9 décédés les symboles d’une lutte naissante.
Il nous place au cœur des évènements, sans manichéisme, en nous permettant de suivre Maria donc mais aussi Kléber, Louise, le gamin Emile, et 2 soldats de la République et leur nouveau fusil Lebel, renforts d’infanterie envoyés défendre les filatures face aux ouvriers chantant la Révolution. On ne repose le livre qu’une fois la dernière page tournée, anéanti par sa brutalité, sa violence et son injustice.
Ce récit puissant est servi par le trait rapide de Alex W. Inker, un trait vif et enlevé, un noir charbon teinté de rouge sang. Tu penseras à Tardi en tournant les pages et tu auras raison…
Au final, un album poignant, un récit fort et universel qui permet de se replonger dans les luttes ouvrières passées et qui n’aura de cesse de résonner avec le présent…
C’est au milieu de trois couleurs (rouge, noir et blanc) que nous découvrons cet événement marquant de l’histoire de la condition ouvrière et de la place des travailleurs en France. L’auteur Alex W Hinter a choisi de concentrer son récit sur la journée du 1er mai et sa palette graphique à des couleurs symboliques (le noir liée à la fumée des fourneaux, au conservatisme des patrons, le rouge pour le soleil et cette bonne parole libertaire qui veut se faire entendre). Toute la narration repose sur la confrontation des forces en présence mais aussi celle des sentiments. La peur des patrons s’oppose au désespoir, au raz le bol des ouvriers. Les uns veulent écraser la parole des autres.
L’auteur, conservant la patois et certaines formules de l’époque, explore les différents points de vue de cette journée. On suit beaucoup Louise, jeune ouvrière gréviste, portant un bouquet d’aubépines, symbole d’espoir et de protection contre l’orage. Mais nous nous rapprochons des ouvriers dans l’atelier, de ceux échappant aux soldats et des renforts arrivant par le train. C’est ainsi une foule de personnages qui prend vie dans cette bande dessinée. Cette accumulation ajoute en intensité, apportant au rouge, couleur de révolution, une teinte dramatique voire tragique.
Les deux camps n’arrivent pas à se parler, ne vont pas dans la même direction. Les grévistes veulent s’exprimer. La bande dessinée commence dans les champs, dans des rues désertes où seul l’espoir existe. Progressivement, les mots deviennent graphiquement plus forts, les personnages plus violents et le décor envahi par cette foule de corps. La journée est alors traversée par de nombreuses foules, de diverses émotions.
Il y a quelques années, dans l’une des salles de classe du lycée public de Fourmies, j’observais une longue frise chronologique plastifiée courir sur tout un pan de mur. Entre le baptême de Clovis, le couronnement de Louis XIV et l’avènement de l’Euro, un point immortalisait la manifestation du 1er mai 1891 à Fourmies.
La petite ville que tout bons adolescents que nous étions rêvions de fuir, espérant laisser derrière nous les cheminées stériles, les usines désaffectées et les vestiges d’un passé industriel glorieux qui peine à se reconvertir. Fourmies, ou le bout du monde, apparaissait sur cette frise. Quelques clics sur Wikipedia m’avait permise de plonger dans cette manifestation d’ouvriers et d’ouvrières, qui réclamaient le passage aux huit heures de travail. Quelqu’un a ordonné de tirer. Neuf d’entre eux sont morts. Une blessure dont les pavés face à l’église portent encore la plaque.
Dans cette BD, Alex W. Inker donne des visages à ce drame, que nombre de Fourmisiens ont oublié, bien qu’à l’autre bout de la France, les amateurs d’Histoire réagissent, comme par réflexe, à l’évocation de ce nom. Je suis retournée dans ma salle de lycée un instant, réalisant une seconde fois, que c’est une multitude de fourmis venant d’un des endroits les plus éloignés des villes lumières qui ont marqué l’Histoire et déterminé certains de nos droits, en refusant de rester à la place qu’on avait tenté de leur imposer.
Après un précédent album en bleu et orange, Alex W Inker revient, cette fois, en noir et rouge, sur les tragiques événements qui eurent lieu le 1er mai 1891 à Fourmies et dont l’origine est très souvent méconnue.
Dès le début du 19e siècle, l’industrie lainière s’installe dans cette petite ville du Nord. Les besoins en main-d’œuvre sont importants dans ces grandes filatures détenues par de riches familles d’industriels. Hommes, femmes et enfants travailleront dans ces usines comme tisseurs ou bobineurs, soigneuses ou peigneuses.
À cette époque, les enfants travaillent entre 8 et 12 heures par jour. La journée de travail d’un adulte peut atteindre 15 heures. C’est pour revendiquer des journées de travail de 8 heures que les ouvriers décident de manifester le 1er mai 1891, lors de cette première Journée internationale des travailleurs.
Mais à Fourmies, la célébration voulue pacifiste tourne au bain de sang après la charge d’un peloton de militaires : neuf morts, dont un enfant et quatre femmes.
En ce 1er mai 1891, Maria se prépare mais elle n’ira pas au "bagne" aujourd’hui, elle ira manifester et distribuer des tracts aux ouvriers qui sont allés travailler. La manifestation étant interdite, les gendarmes vont s’interposer et emprisonner certains manifestants. Les évènements vont prendre de l’ampleur avec l’arrivée de troupes miliaires réquisitionnées pour l’occasion…
Pourquoi un album en rouge et noir ? La couleur écarlate était bien évidemment la mieux adaptée pour dépeindre la couleur du sang mais également celle de la brique emblématique des constructions du Nord.
La noirceur des conditions de travail, des fumées recrachées par les filatures, la dureté de la vie et la saleté ne pouvaient qu’être représentées par une couleur des plus sombres. Sombre comme l’était la vie de ces ouvriers !
Avec "Fourmies la rouge", l’auteur de "Servir le peuple" et "Un travail comme un autre" rend un très bel hommage à sa région d’origine et aux ouvriers morts lors de cette manifestation, il y a tout juste 130 ans.
Un grand coup de coeur pour ce très bel album !
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