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C’est mon tout premier Doris Lessing et j’avais hâte de découvrir la plume de cette prolifique auteure.
Dans « Filles impertinentes » – dont le titre est assez trompeur finalement, ne serait qu’à cause de l’usage du pluriel -, elle raconte ses parents, son enfance et ses débuts d’écrivain et de femme libre.
Née en Perse, dans une traditionnelle famille anglaise, elle a grandi auprès d’un père épris de grands espaces et de vie sauvage, irrémédiablement marqué par son expérience de soldat durant la 1ere guerre mondiale, et d’une mère attachée aux conventions et à la vie citadine. Elle et son frère se sont construis et épanouis lors du déménagement de la famille en Afrique, en Rhodésie du Sud ( actuel Zimbabwe ), où tous ont appris à vivre de peu, dans une ferme de fortune aux confins du territoire, loin de toute civilisation. Ce fut pour eux deux, et pour leur père, une expériences enrichissante, au contraire de leur mère pour qui ce séjour prolongé a constitué une véritable épreuve.
Doris a mûri, a observé ses parents, le fonctionnement de leur couple et de la famille, et, prenant son envol à la fin de ses études, s’est forgée une solide personnalité au contact de jeunes communistes engagés ( au grand dam de sa mère ). D’abord mariée à un fonctionnaire sans envergure, de qui elle a deux enfants, elle épouse finalement en secondes noces un allemand exilé qui partage ses idées, et assiste de loin au délitement du couple parental et de la santé, déjà fragile, de son père.
Au travers de ce court récit, très personnel, Doris Lessing analyse son enfance, la relation de ses parents, sa propre relation avec sa mère, la personnalité de celle-ci ( si différente de la sienne ), son besoin de liberté, de modernité, et sa volonté d’être et d’agir différemment, loin des vieilles traditions bourgeoises et des conventions anglaises ( si chères à sa mère ).
Au fil de ses souvenirs – qu’elle livre avec beaucoup de distance ( parlant même d’elle à la troisième personne )-, émergent les sentiments contradictoires, mais affirmés, qu’elle ressent pour celle qui lui a donné la vie et qui a, dés le départ, nourri de grandes espérances pour son avenir. Pur produit de la vieille école anglaise, sa mère a en effet toujours souhaité pour elle un beau mariage et une vie rangée, faite d’enfants et de réceptions mondaines. Tout ce qu’elle-même aimait tant dans son ancienne vie, celle d’avant l’Afrique, et dont la perte lui a été si douloureuse. Tout ce qui la séparait finalement de son mari pour qui l’essentiel tenait dans un quotidien loin de la civilisation, en prise directe avec la nature, déchargé de toutes les responsabilités et devoirs incombant à son origine sociale. Et tout ce que Doris a elle même rejeté pour s’ouvrir au monde moderne et aux idées nouvelles, également poussée en cela par son observation des inégalités flagrantes entre colons et natifs assujettis, résultat d’un système vieillissant se refusant à tout changement.
On comprend en effet que l’auteure s’est construite en opposition au modèle, bancal et rétrograde, du mariage de ses parents et, plus largement, de la société anglaise bourgeoise de l’époque. Elle a rejeté en bloc les idées de sa mère et a plongé tête baissée dans celles, d’abord marxistes, des intellectuels qu’elle s’est mise à fréquenter une fois le nid familial quitté. Elle est devenue mère, mais a farouchement refusé de se sacrifier pour ses enfants et de n’avoir pour seul intérêt que son foyer, n’hésitant pas à mettre rapidement fin à son premier mariage et à laisser derrière elle ses enfants pour s’engager auprès de celui dont elle a adopté le nom: Gottfried Lessing.
« Filles impertinentes », de par sa brièveté, n’est qu’une évocation de ce qu’a été la vie de Doris Lessing et on peut ressentir une certaine frustration à n’avoir fait que survoler un destin si riche.
Mais ce livre est un bon moyen de découvrir l’univers et la personnalité de l’auteure et permet sûrement de mieux appréhender le reste de son œuvre. Le style est simple et fluide, le ton personnel tout en n’étant pas trop intrusif, les thèmes amorcés intéressants… on aurait tort de s’en priver!
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