Choisir et encore choisir, pour ne pas mourir complètement.
Pour un polar réussi, clairement ça l’est. Mais c’est aussi un beau roman plein d’humanité.
Les vieux routards du polar vont se fichent de moi si j’avoue que c’est mon premier Karine Giebel, mais ça l’est.
D’emblée j’ai aimé le...
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Choisir et encore choisir, pour ne pas mourir complètement.
Pour un polar réussi, clairement ça l’est. Mais c’est aussi un beau roman plein d’humanité.
Les vieux routards du polar vont se fichent de moi si j’avoue que c’est mon premier Karine Giebel, mais ça l’est.
D’emblée j’ai aimé le ton de son écriture. Une écriture qui prouve ce qui est affirmé ces dernières années ; leur écriture peut très largement se mesurer à celle du romancier. Karine Giebel écrit de manière fluide, profonde, observatrice et sans qu’on ne ressente un manque structurel ou qualitatif quant à l’histoire proprement dite.
Au tout début du thriller, elle nous dépose dans à Lokichokio dans le Nord du Kenya. Puis elle nous immerge très vite dans le quotidien des gens de l’humanitaire exerçant dans un hôpital du CICR frontalier du Soudan. Nous sommes en 1993, en pleine guerre lorsque Grégory, infirmier, démarre une mission de soins auprès victimes de guerre, aussi bien des civils, que des militaires ou des miliciens. En France, dans les Alpes de Haute-Provence il a laissé son épouse Séverine -elle aussi infirmière - et sa fille Charlène.
Nous le suivrons ensuite à Sarajevo en Bosnie-Herzégovine.
Que l’autrice démarre par un récit de guerre m’est apparu comme une évidence. Nous plonger ainsi, dès les premières pages, dans les souffrances humaines, dans le quotidien des soignants comme des patients, dans la dure réalité qui en découle, ne m’a absolument pas refroidit. Les blessures de guerre ne sont ni minimisées, ni surexposées. Les descriptions des lieux, sachant que les trois quarts des bâtiments de l’époque ottomane et austro-hongroise sont déjà détruits, est magistrale. Tout est poignant et ce mot est juste.
Ensuite nous retournons en France, à Nice, et sommes en avril 1994 lorsque Gregory repart pour ce qu’il décide être sa dernière mission. Il ne veut plus faire autant de peine à sa fille, laisser aussi longtemps son épouse seule à gérer le quotidien.
Tout va ensuite très vite.
Pour moi, Karine Giebel a réussi à faire de ce livre autant un roman, qu’un thriller, qu’un polar. Pas de pathos mais beaucoup de réalisme et de scènes très dures.
Elle raconte à merveille ce que l’homme a de meilleur en lui mais surtout de pire. Et c’est là que j’ai trouvé ce livre d’une extrême finesse, sensibilité.
Citations :
«Il est né dans cette vallée, y a grandi, y a forgé sa personnalité, découvert un cortège de sentiments, chacun étant une petite pierre à l’édifice intime qu’on bâtit tout au long de sa vie. Ses rêves, ses joies, ses doutes et ses peines se sont imprimés sur les falaises marneuses ou les roches calcaires. Ses certitudes se sont gravées dans l’écorce des mélèzes, avant de se dissoudre au coeur de l’eau glacée des torrents. Ses colères ont raisonnés jusqu’aux sommets, avant de s’évanouir dans les combes.
Ici dans cette vallée, Grégory a beaucoup souffert. »
« Pourquoi certains hommes ont-ils perdu toute trace d'humanité ?
Si on creusait en eux comme on creuse la terre à la recherche d'une civilisation engloutie, trouverait-on quelque reste d'altruisme ou de bonté ? Trouverait-on l'innocence d'un enfant ou l'amour d'une mère ? Et il ne peut s’empêcher de songer au million de morts du Rwanda qui n’ont pas eu le même retentissement médiatique que les trois mille de New York. Il ne peut s’empêcher de constater que la vie humaine n’a pas la même valeur partout. »
« Ça ne finira jamais. La pourriture est à l’intérieur de l’humain, comme le ver dans le fruit. »