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En neuf nouvelles, l'écrivain algérien Salah Badis dessine le portrait d'une ville - Alger et ses environs - et d'une galerie de personnages confrontés à la difficulté de vivre et d'aimer au quotidien dans une société sclérosée.
Personne ne veille sur la nuit à Alger. Ici, la nuit est assez grande pour veiller sur elle-même, la nuit est adulte.
Un couple qui rêve d'ouvrir une laverie automatique à Alger ; un musicien amateur et mythomane dont le père meurt soudainement en Turquie ; un étudiant qui s'interroge sur le bonheur potentiel de ses journées ; un éditeur pris entre le manuscrit d'un écrivain tunisien des années 1930 et les affres du terrorisme contemporain ; Madame qui tient un salon de coiffure ; Monsieur Krimou et sa Peugeot 505 ; une jeune femme dans sa ville sinistrée par un tremblement de terre ; une femme qui rêve obstinément d'un appartement ; un preneur de son ballotté entre ses désirs.
Ils et elles s'appellent Kahina, Amin, Maria, Imen, Madjid, Madame Djouzi, Selma... Ils sont plus ou moins jeunes, commerçants, étudiants, salariés, ils cherchent à faire la fête, à s'aimer, ils se remémorent leurs vies et scrutent les stigmates du temps qui passe. Ce sont autant de personnages en butte aux contraintes sociales et politiques qui ont marqué l'Algérie des années 1980 jusqu'à la fin des années 2010 : la sanglante décennie 1990, le règne déclinant du président Bouteflika, les prémices du mouvement de révolte citoyen de 2019.
Dans le décor décati et sublime de la ville d'Alger et de ses banlieues anonymes pleines de vie, Salah Badis exprime les sourdes contradictions de son pays par petites touches sensibles où se conjuguent conflits de générations, mal-être, incompréhensions, amours noires et quête de tendresse. Avec sa prose poétique et son sens du détail, il donne vie à des existences qui tentent d'échapper aux chimères.
Le recueil de Salah Badis est précédé d’une note du traducteur, Lofti Nia, dans laquelle il détaille son attention particulière à conserver la polyphonie des nouvelles. Chaque texte traite d’un fait du quotidien et d’un langage précis. D’une nouvelle à l’autre, les voix ne se confondent pas mais se complètent. Ensemble, elles font entendre des habitants de l’Algérie. Selon la génération et le niveau social, certains aspects du pays resurgissent : la guerre d’indépendance, la guerre civile, la crise politique… Chaque texte nous apporte un autre regard sur ce pays, ce qui le plombe et ce qui le porte. Les personnages parlent depuis leur situation. Ils ont des besoins et des envies très terre-à-terre. C’est leur réalité propre que l’auteur explore, connectant subtilement l’intime à l’Histoire. Cela donne de l’épaisseur au politique, au chaos vécu par l’Algérie.
L’auteur compose un recueil tout en nuances. Ainsi le titre, Des choses qui arrivent, revient régulièrement comme sentence. Selon la nature du point final, la phrase devient un constat amer ou un profond drame. Les personnages nous apparaissent alors comme des êtres balayés par une entité supérieure qui les dépasse. Ils n’ont plus prise sur le réel, sur leur destin. L’Histoire a pris le dessus. Le recueil réussit à capter les fragilités de vies éparses dans un mouvement particulièrement émouvant.
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