Vous les attendiez ? Ils sont enfin arrivés chez Pocket
Nous sommes dans la zone côtière de l'Afrique subsaharienne, peut-être au Cameroun. Quatre voix de femmes, s'adressant au même homme, Dio, se succèdent pour composer les quatre parties de ce roman choral: celle de sa mère, Madame ; celle de la femme à laquelle il a tourné le dos parce qu'il l'aimait trop et mal, Amandla ; celle la femme avec laquelle il avait choisi de vivre parce qu'il ne l'aimait pas, Ixora ; celle de sa soeur, Tiki.
A partir de leur adresse à ce destinataire unique, ces femmes nous racontent leur vie et relatent parfois les mêmes épisodes d'un point de vue différent, dans une langue différente, avec un arrière-monde culturel, une personnalité et une sensibilité différentes.
Ce qu'elles ont toutes néanmoins en commun : une part amputée, un secret refoulé, une enfance douloureuse, un désir sacrifié, une ascendance inavouable... et confusément, pesant sur leurs épaules depuis la nuit des temps, le double fardeau de la colonisation et d'une féminité asservie.
Madame, épouse d'Amos Mususedi, fils du célèbre administrateur colonial Angus Mususedi, n'a pas toujours été cette patricienne corsetée dans la bienséance bourgeoise, qui désavoue le choix qu'a fait son fils de ramener au pays Ixora, jeune veuve mère de famille, et qui fera tout, absolument tout, pour que cette femme « sans généalogie », descendante d'esclaves, n'épouse pas son fils Dio.
Amandla, la première femme de la vie de Dio, qui venait elle aussi « du Nord » (l'Europe) et qui fut elle aussi en butte à l'ostracisme racial et social de Madame, est une femme sensuelle qui découvre le plaisir avec son amant Misipo, se passionne pour le vitalisme kémite et devient une activiste afrocentrique.
Ixora, Européenne née de parents caribéens, n'est pas la personne que nous a présentée Madame au premier chapitre : elle saura découvrir l'amour et la liberté dans les bras d'une femme.
Tiki n'est pas que cette jeune fille nantie élevée dans le confort et vivant en Europe : les scènes primitives de son enfance déterminent en partie la sexualité peu conventionnelle qu'elle s'est choisie...
Vous les attendiez ? Ils sont enfin arrivés chez Pocket
La critique de Gilles pour "Crépuscule du tourment" de Léonora Miano (Grasset)
Les chroniques sont en ligne ! A découvrir pour avoir des idées de lecture...
Plus que quelques jours avant les premières chroniques de nos #explolecteurs, venez découvrir les avis de la page 100 !
Très beau roman écrit sous le prisme de la quatre femmes gravitant autour du personnage de Dio, l'homme qui n'arrive pas à vivre avec son passé; sa mère, la femme qu'il a aimée, la femme avec qui il est en couple et sa sœur. J'ai eu du mal à progresser dans l'histoire mais la plume de l'auteur est tellement dense et magnifique que je me suis laissée emporter par le récit. C'est un roman très charnel qui laisse la part belle aux tourments des femmes, leur intimité et leur courage.
Ce livre est un véritable paradoxe pour moi.
Je ne peux que vous avouer que j'ai eu du mal à progresser dans ma lecture.
Pour moi un bon roman est une histoire qui se dévore.
L'auteur vous prend par la main et ne vous lâche plus.
Sauf que la main de Léonora Miano est brûlante.
De vérités, de pur talent, de réflexions profondes..
Impossible de ne pas rester sidérée par un écrit aussi dense.
Je n'aime pas lire les 4ième de couverture...je préfère découvrir tout du texte.
Pour cette lecture j'ai eu tord.
J'aurais pu entrevoir un récit à quatre temps.
Je vous recommande donc cette lecture, en prenant le temps.
Elle ne sera pas faite pour vous si vous attendez de la légèreté.
Vous serez comblé(e) si vous aimez les plumes riches et la réflexion sur la condition de la femme non stéréotypée.
Après Catherine de Médicis, je retrouve, avec crépuscule du tourment, une mère incapable de démonstration d’amour maternel, celle que tout le monde appelle Madame.
Léonora Miano met en scène quatre femmes, quatre voix africaines. Ces mélopées sont adressées à un homme absent, fils, ex ou fiancé, frère des quatre femmes.
Madame. Oui, c’est ainsi que l’appelle son entourage, enfants inclus, débute le bal.
Il y a en elle une immense blessure héritée de ses ascendants, qui se dévoile petit à petit. « Je sais nommer l’épine qui, logée en moi depuis le plus jeune âge, est ma torture et ma boussole. Ma véritable identité. » Elle a épousé Amos, un noble désargenté mais à la lignée prestigieuse. Elle ne quittera jamais malgré les coups assenés même devant ses enfants, Pour elle, on doit avoir une généalogie et c’est au fil de ma lecture que je découvre ce que ce terme de sans-généalogie signifie pour elle. Je comprends pourquoi elle n’a accepté aucune des deux femmes que Dio a connues dans le Nord (la France) et ramené à la maison. Elles sont descendantes d’esclaves, donc sans généalogie, leur grande tare.
Madame est une femme à qui on obéit mais que l’on n’écoute pas, une femme seule qui s’est caparaçonnée pour survivre aux coups de son mari, à ce qui la ronge, pour assurer l’avenir de ses deux enfants Dio et Tiki. « Je ne serai pas accusée de m’être dérobée ».
Amandla, Dio l’a aimée et, pourtant, il l’a quittée. Ce n’est pas le grade de sans-généalogie donné par Madame, non, il y a autre chose qui vient du père. Leur relation amoureuse est toujours restée chaste, Il en est de même avec Ixora qu’il veut épouser parce qu’il ne l’aime pas.
Tiki, la sœur, ferme le bal. Elle a vécu le drame de sa mère de l’intérieur. Elle s’est construite sur ces ruines, toute seule et, comme son frère, a une vie et une sexualité compliquée.
« Ici, comme ailleurs, nous avons des codes. Une vision du monde. Une manière d’être. Et, pour nous, l’ascendance servile est une des pires choses qui soient. Lorsque par-dessus le marché, elle s’expose à travers gestes et attitudes… Cette femme ne sera pas tolérée, tu ne l’épouseras pas, nous ne célébrerons pas vos fiançailles. ». Elles vont se réinventer, se recréer sur le territoire africain. Amandla renoue avec les racines africaines d’avant la colonisation. Ixora rencontre l’amour en la personne d’une belle africaine.
Quatre monologues distincts qui se répondent, s’imbriquent, se complètent. Les femmes déroulent leurs peines, leurs douleurs, leurs vies. La féminité bâillonnée par la religion des coloniaux et la place de servante qu’elle lui a donnée, l’amour saphique, complètement tabou avec, pour emblème, le quartier « Vieux pays ». Le retour à un besoin de racines africaines et chamaniques, Les hommes faibles, versatiles, fainéants et, surtout, l’importance de la lignée. Ce que j’aime chez elles, c’est leur énergie qui leur permet de rebondir, de rester droites.
Entre sorcellerie, chamanisme, modernité, sensualité, Léonora Miano parle de ces femmes qui portent une blessure, un secret refoulé, de la colonisation et ses effets sur la population camerounaise, des hommes velléitaires, qui sèment à tout vent
Une lecture forte et émouvante
En Afrique subsaharienne, région chère au cœur de Léonora Miano qui y situe une grande partie de son œuvre. Quatre femmes s’adressent à un même homme, chacune à son tour, il est absent et elles ne sont ni avec lui ni ensemble. A partir d’un même événement, chacune va remonter le fil de son existence aux côtés de cet homme. Sa mère tout d’abord, puis la femme qu’il a quitté parce qu’il en était amoureux mais ne savait pas l’assumer, ensuite la femme avec qui il voulait se marier sans pour autant en être amoureux, et enfin sa sœur. Ces différents monologues seront pour l’auteur prétexte à expliquer sa vision de la famille, de la société, de l’histoire.
Chacune à son tour, ces quatre femmes expriment leur éveil ou leur exigence du respect des traditions, de ces coutumes qui construisent un peuple, qui forcent le respect, qui en imposent. Chacune de ces femmes se doit d’être « une tacticienne, un monument de ruse, une femme comme les aime la société ». Il ne fait pas bon être « des femmes sans généalogie, descendantes d’esclave ! » car on ne peut alors pas être acceptée dans les familles.
Dans le vocabulaire utilisé par ces femmes tout au long du roman, on retrouve la passion et les convictions de l’auteur. Quand elle parle du Nord, et donc de l’Europe, l’une d’entre-elles parle de ces pays habités par les populations « leucodermes » en regard de celles issues des Kémites, refusant l’appellation de « noirs », qui pour elle ne veut rien dire en regard des multiples différences de teintes qu’il peut y avoir dans les diverses populations africaines. Les références à Aset nous ramènent à Isis, aux pharaons noirs qui peuplaient la côte est de l’Afrique et aux sources des croyances égyptiennes.
Léonora Miano décrypte les travers et les poncifs des différentes religions qui imposent leurs dictats, ordonnés par les hommes et imposés en particulier aux femmes pour les asservir. Son écriture est révélatrice d’un combat pour faire retrouver ses racines à un peuple qui s’est laissé déposséder de ses propres traditions. Elles y ont une importance immense. Le père, la famille, les règles qui régissent les différentes strates de la société et leurs usages, domestique et maitre, femme et homme, mère et fils, filles et fils, sacré et croyances, médecine et sorcellerie, ancêtres et descendants, ont toutes une raison d’être et ne peuvent être comprises que de ceux qui sont prêts à les entendre.
Le conflit qui est en chaque individu est fort et important, prégnant durant toute son existence, celui d’écouter au fond de soi et de laisser émerger ses racines véritables, celles qui étaient là avant l’arrivée du colonisateur, avant la traite subsaharienne à laquelle ont participé les tribus de l’Ouest de l’Afrique, avant les migrations vers les pays du Nord. L’auteur le déplore, « Les natifs du pays premier sont des captifs non déportés » ils subissent un asservissement volontaire et une acceptation de coutumes qui viennent d’ailleurs au détriment des traditions de leur propre pays.
On retrouve tout au long de ces lignes la force et la passion de Léonora Miano. C’est tout un combat porté par une superbe écriture, absolument passionnant.
L’histoire se passe de nos jours, quelque part en Afrique subsaharienne, au Cameroun peut-être.
Crépuscule du tourment est un roman choral dans lequel 4 femmes s'adressent tour à tour au même homme, d'abord sa mère, puis Amandla la femme qu'il a aimée et quittée, Ixiona qui partage maintenant sa vie mais qu'il n’aime pas et enfin sa sœur Tiki.
Cet homme est absent, elles ne s'adressent donc pas directement à lui et elles ne sont pas ensemble non plus. C'est une succession de monologues où chacune parle de sa vie à partir d'un même évènement, chacune raconte les mêmes faits mais d'un point de vue différent.
Elles ont toutes en commun un secret refoulé, une blessure d’enfance et en toile de fond le fardeau de la colonisation et de l’asservissement de la femme.
Madame est la première à s'adresser à son fils Dio.
Madame a épousé Amos le fils d’un administrateur colonial, un noble qui appartient à une lignée prestigieuse. Atteint d’un déséquilibre psychologique, il a de terribles accès de violence envers sa femme mais Madame assume ses choix...
Nous sommes dans une société où les hommes vivent comme une honte que leur femme leur résiste, se révolte.
Pour Madame, Dio est un cuisant échec, son fils a refusé d’occuper son rang, de fréquenter son milieu, il a tourné le dos à sa famille et revient avec une femme que sa mère ne nomme que « la femme ramenée du nord », c'est la femme de son ami décédé, il a adopté leur enfant.
Elle va tout faire pour empêcher que son fils épouse cette femme "sans généalogie" et n'hésitera pas à avoir recours à la sorcellerie.
On découvre peu à peu que Madame est une mère en quête de respectabilité qui vit dans la peur et la honte dans la hantise de la déchéance sociale. On comprend que des blessures anciennes ont forgé la femme qu'elle est devenue.
Après Madame, parole aux trois femmes tour à tour…
Un texte très érudit qui fourmille de connaissances sur les coutumes et traditions de cette région et qui distille des réflexions sur la féminité, sur la force féminine, sur la façon de se construire comme femme et sur la capacité de résilience de l'être humain.
L’écriture est très dense, je l'ai même trouvée confuse par moments. Une lecture sensuelle et exigeante qui comporte de très beaux passages, mon plaisir a eté incontestablement entamé par la difficulté de lecture de certains passages.
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2016/08/crepuscule-du-tourment-de-leonora-miano.html
Rendez-vous de la page 100,
J'ai été cueillie à froid par le début de ce roman : tout de suite plongée dans les pensées de Madame qui s'adresse à son fils, il m'a fallu quelques pages pour rentrer dans l'univers de l'histoire.
Et ensuite, quelle puissance des émotions ressenties, quelle empathie pour cette femme qui sacrifie ses sentiments, ses émois, et décide que dorénavant l'objectif de sa vie sera de laisser à ses enfants l richesse qui donne un statut social.
J'ai ensuite commencé le témoignage d'Amandla. Un univers complètement différent, mais tout aussi déroutant.
Et l'impatience de découvrir ces autres destins de femmes, dans d'autres milieux subsahariens.
A ce moment de la lecture, ce roman me parait un texte profond, ciselé, étrange et pourtant universel.
Chronique
Quatre femmes qui s’adressent à un absent.
Quatre femmes qui témoignent de leur appartenance à la culture subsaharienne.
Quatre femmes aux origines différentes.
Quatre femmes qui ont essayé de prendre leur destin en main.
Quatre femmes tellement seules…
J’ai rarement été aussi partagée sur ma lecture qu’en refermant ce livre.
Conquise par la fiction qui avance au gré des témoignages des narratrices.
Emplie d’empathie et d’admiration pour ces femmes.
Intéressée par ce que roman dévoilé de la société et des cultures subsahariennes.
Passionnée par ce que nous dit Léonora Miano des conséquences de la colonisation.
Et pourtant je me suis parfois ennuyée durant ma lecture.
Lassée par le ton vindicatif des quatre narratrices.
Déroutée par un vocabulaire soutenu, voire spécialisé, qui m’a obligée à quelques pauses dictionnaire qui ont rompu le fil de ma lecture.
Noyée par le flot de propos qui mêle réflexion et fiction et qui a fini par me fatiguer.
Peut-être parce que j’ai voulu le lire trop vite ?
Ce qui est certain, c’est que je relirai ce roman, en faisant une pause entre chaque narratrice, afin de me laisser imprégner par chaque univers, afin aussi et surtout de digérer toutes les infos et toutes les connaissances acquises à travers la fiction.
Avis après avoir lu les 100 premières pages
A quelle époque sommes nous, sous quelle l'attitude, l'auteure ne nous dit rien de cela mais nous comprenons bien vite qu'il s'agit de l'Afrique, mais pas celle dont on nous parle habituellement. C'est l'Afrique des nantis, de la noblesse africaine qui possède et qui domine. Le récit débute par une plaidoirie qui défend la cause des femmes sur ce continent qui a perdu sa souveraineté, elles sont les seules à conserver un brin de conscience et de pouvoir. Le propos est difficile, le style riche à la limite du traité de philosophie politique. Celle qui parle est une conscience, elle sait d'où elle vient et où elle veut aller. Sa vie lui appartient même si les hommes croient la soumettre et la dominer. Il est agréable d'entendre parler de l'Afrique autrement qu'en termes convenus, les rapports dont l'auteure nous parle sont complexes, ambiguës, douloureux. Une femme forte, déterminée mais soumise à la violence d'un mari pourtant père attentionné et doux. Un fils révolté qui veut fuir sa condition mais qui n'en a pas réellement la force, une fille qui suit les pas de sa mère. Tout cela c'est l'Afrique, mais c'est surtout la comédie humaine qui se déploie quelle que soit le lieu et les personnes qui sont en jeu.
Avis définitif.
Deux jours déjà que j'ai terminé la lecture de ce livre. Il fallait ce temps afin que se décantent en moi les eaux troubles du "Crépuscule du tourment". Cette lecture m'a été pénible, non pas que je n'ai pas apprécié le style fort riche, le contenu très intéressant, la démarche intellectuelle courageuse mais il émane de ces propos à quatre voix un profond désespoir qui a résonné étrangement en moi. Quatre monologues féminins tous adressés au même homme et présentant tous une face sombre d'un personnage que je n'ai pas réussi à détester.
Ces comptentrices nourrissent envers lui des sentiments très contradictoires. Elles voient ses défauts mais elles ne peuvent s'empêcher de l'aimer et leurs propos m'amène à penser qu'elles pensent qu'il est plus à plaindre qu'à blâmer. Elles voudraient voir en lui le nouvel homme africain qui prend à bras le corps les souffrances du continent et lui redonne dignité et fierté. Il le voudrait lui aussi mais il n'en a pas la force. Héritier d'une noble lignée qui s'est fourvoyée dans la collaboration avec le colonialisme, il traîne sa honte sans savoir comment rompre avec un passé infamant. Le "Nord" l'attire autant qu'il le révulse et dans son errance il perd tous ses repères. Toutes ces femmes qui l'ont aimé, qui l'aiment peut être encore, ont tenté de l'attirer chacune à leur manière sur le chemin du succès et de la grandeur. Elles n'ont eu en retour qu'une grande déception et d'autre choix que de chercher par elle même la dignité et l'honneur. La femme africaine doit combattre si elle ne veut pas sombrer, écrasée par le poids d'une société machiste. Même riche la femme est inférieure à l'homme, même intelligente et cultivée, elle n'a pas le droit de s'exprimer sauf de manière occulte.
Léonora MIANO ne nous donne aucune piste qui pourrait nous laisser entrevoir un quelconque espoir. La société africaine reste totalement clivée; telles les planètes d'un système solaire sans soleil les hommes et les femmes sont soumis à une force d'attraction qui les maintien dans un système où jamais ils ne se rencontrent. Difficile pour moi de dire si ce livre m'a plu tant il m'a troublé. J'ai relu certains passages et il est incontestable que l'écriture est forte et riche de sens. Certains passages présentent une analyse très profonde des règles obscures qui régissent les relations entre les êtres humains d'un continent martyrisé. J'en ressors avec une vision de l'Afrique pleine de nuances. A lire donc si l'on veut s'éloigner des clichés sur l'Afrique.
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