"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
1934. Malgré l'hostilité de ses parents, Bérénice, 15 ans, est admise au Conservatoire, dans la classe de Louis Jouvet. Sa vie est désormais rythmée par l'apprentissage des grands rôles du répertoire et par ses rencontres avec des acteurs de renom... Trois ans plus tard, elle entre à la Comédie-Française et prend le nom de Bérénice de Lignières. Rien ne peut entacher son bonheur, ni la montée du fascisme en Europe, ni les rivalités professionnelles ou amoureuses. Mais au tout début de l'Occupation, avant même la promulgation des lois raciales, la maison de Molière exclut les Juifs de sa troupe. Dénoncée par une lettre anonyme, Bérénice - son père est né dans un shtetl russe - est rattrapée par son passé. Sous les ors et velours de la Comédie-Française va se jouer un drame inédit, celui d'une actrice célèbre, prise au piège d'une impitoyable réalité. Un premier roman maîtrisé et captivant, lauréat de nombreux prix.
Coup de coeur pour ce 1er roman d'Isabelle STIBBE, dédié à son père.
Depuis son plus jeune âge, Bérénice, jeune fille juive, souhaite devenir comédienne. Mais son père, un immigré russe, fourreur à domicile, considère qu'il ne s'agit pas d'une voie pour sa fille. C'est finalement une cliente, Madame de Lignières, particulièrement attentive à la petite Bérénice, qui va lui ouvrir les portes de la Comédie Française en lui offrant, pour son 8ème anniversaire, une entrée pour aller voir Lorenzaccio d'Afred de Musset. A partir de ce jour-là, elle se met à apprendre toutes les pièces de théâtre, des classiques aux contemporaines, au cas où... A l'âge de 15 ans, elle fait une nouvelle tentative auprès de son père pour le convaincre de la laisser suivre des cours dans cette grande institution. Il reste sur sa position, plus dur que jamais. Madame de Lignières, croisée dans la rue, vole une nouvelle fois à son secours, elle lui organise un rendez-vous avec Véra Korene, d'origine juive, employée par la Comédie Française. De ce rendez-vous dépendra tout son avenir...
Je ne vous en dis pas plus si ce n'est qu'il s'agit d'un magnifique roman.
C'est l'univers de cette grande institution du théâtre parisien qui nous est livré par une spécialiste de la "maison" : Isabelle STIBBE y a travaillé en tant que responsable des publications. Sa plume est remarquable, ce qui ne gâche rien, je vous l'accorde.
"Parfois dans la vie il y a des moments parfaits. Ce sont généralement des moments très fugaces, ils durent une seconde à peine mais ils sont vécus si fortement qu'ils s'impriment pour toujours dans une existence." P. 268
C'est aussi un très beau livre en hommage aux grands noms du théâtre : Louis JOUVET, Jacques COPEAU, Jean YONNEL, Jean-Louis BARRAULT, Robert MANUEL...
C'est enfin un roman historique qui retrace une sombre page de notre Histoire : la montée du nazisme, la chasse aux juifs... A la veille du 70ème anniversaire de la libération des camps d'Auschwitz, ce roman prend une dimension toute singulière.
"Juif n'était plus une confession mais une race." P. 190
La Comédie Française n'y échappe pas et comme toujours, des partis sont à prendre : certains fuient, s'expatrient, d'autres continuent de vivre comme si de rien n'était en espérant échapper à l'occupant, d'autres encore résistent.
J'ai été très émue par les retrouvailles de Bérénice avec son père.
Excellent !
Ce n'est pas Bérénice qui raconte son histoire. Ce n'est pas elle qui exprime sa passion du théâtre, née peut-être de ce prénom donné par ses parents comme une pré-destination. Dès le début, on sait que ce n'est pas elle et cette information influe sur la lecture. On se doute de la raison qui empêche Bérénice de raconter elle-même ce qu'elle a vécu et, pourtant, on espère se tromper, on compte sur l'auteur pour négocier avec l'irrémédiable. La littérature n'a-t-elle pas l'immense pouvoir de contourner le réel ?
"Comédienne, ça n'est pas un métier pour les juifs !" affirme le père de Bérénice. Mais pour entrer au Conservatoire, sa fille est prête à tous les sacrifices, même à celui d'être reniée par sa famille. Comédienne, elle le sera, mais sous une autre identité et elle entrera ainsi dans une nouvelle famille : celle du théâtre.
Remarquée par Louis Jouvet, elle intègre son cours et apprend son métier avec acharnement. Ce pourrait être un conte de fées si la menace inscrite dès les premiers mots du roman ne s'incarnait dans une étoile jaune et dans l'interdiction de pratiquer son art. Que reste-t-il à un comédien qui ne peut plus monter sur scène ? Dépouillée de tout ce qui a fait sa vie, Bérénice s'engage naturellement aux côtés de ceux qui continuent à lutter.
Le roman d'Isabelle Stibbe est irrigué par l'amour du théâtre qui respire par tous les pores du texte. Il m'a semblé vivre en même temps que Bérénice l'exaltation ddes représentations, le travail des répétitions, les rencontres avec les plus grands noms de la scène de l'époque et le déchirement d'en être éloignée. Le conte de fées se mue en cauchemar, nasse dans laquelle Bérénice - au nom de tous les autres - sera peu à peu emprisonnée.
Alors que le rideau tombe, on espère encore que la pièce va se poursuivre. On attend le moment où Bérénice reviendra saluer le public. On voudrait que l'échéance fixée par le titre soit un leurre avant l'ultime rebondissement. On voudrait continuer à lire Isabelle Stibbe très longtemps encore.
Isabelle Stibbe est née à Paris en 1974. Après des débuts dans le droit international, elle est responsable des publications à la Comédie-Française puis au Grand Palais, critique d’opéra… Actuellement secrétaire générale de l’Athénée Théâtre Louis- Jouvet, elle enseigne également à l’Institut d’études théâtrales de l’Université Paris-III.
J'ai découvert l'auteure et "Bérénice 34-44" grâce au prix des lecteurs du livre de poche 2015 (j’étais juré catégorie Littérature). En effet ce roman faisait partie de la sélection Littérature.
Très tôt Bérénice adolescente qui vit dans le Paris de l'entre-deux guerres (ses parents sont d'origine juive) se passionne pour le théâtre. Elle a trouvé sa vocation. Ce sera le théâtre ou rien. Après avoir déclaré un faux nom de famille et créé de faux papiers d'identité grâce à une amie richissime, elle entre avec succès au conservatoire de la rue de Madrid ou elle a comme professeur Louis Jouvet.
Elle entre à la Comédie-Française en 1937 et y joue Le Misanthrope, Hernani, Brittanicus... Le roman rend ainsi hommage à certaines des plus belle pièces du répertoire français,
Elle joue par la suite au cabaret le Chat Huant. Il y rencontre Alain Béron, avocat et poète et Nathan Adelman, réfugié politique qui compose de la musique pour des opéras. Bérénice devient l'amant de Nathan.
Hélas l'histoire rattrape notre chère comédienne. Durant l'année 1940, l’antisémitisme et la traque des juifs en France la contraint (à cause de son identité juive) à quitter la Comédie-Française. Mais ce qui choque avant tout Bérénice c'est l’action de Jacques Copeau (le nouveau directeur de cette noble institution) qui sous la pression de l'occupant nazi décide de purger les comédiens d’origine "israélite" de la troupe. Bérénice est vouée à un destin tragique tout comme l'héroïne du même nom de la célèbre pièce de Racine. Lors d'un contrôle de police dans un café, elle est reconnue par une ancienne amie qui l'appelle par son prénom. Elle est alors déportée et meurt dans un camp.
Ce livre est une véritable déclaration d’amour au théâtre et à la liberté. Un premier roman remarquable couronné par de nombreux prix littéraires : Prix Simone Veil 2013, Prix des Grandes Écoles 2013, Prix de l'ENS Cachan 2014.
Merci encore au Livre de poche pour cette très belle découverte !
Bérénice est une jeune fille dont la vie est guidée par l’amour de l’art. Poussée par son adulation et sa force de caractère, elle va prendre des décisions décisives pour réaliser ses rêves. Mettant de côté à plusieurs reprises sa vie personnelle, elle va tout mettre en œuvre pour être sur les planches. Chaque sacrifice lui permet de se rapprocher un peu plus de ses objectifs. Mais tout ça est sans compter avec la guerre 39.45 et les ravages qui vont déferler sur la communauté juive. Les origines de Bérénice vont devenir dès lors son plus gros fardeau.
Isabelle Stibbe nous plonge dans l’atmosphère assez anxiogène de cette période de l’Histoire. La tension mise sur les personnages s’intensifie à l’approche et au début du conflit mondial. Malgré son obstination, Bérénice ne peut que subir son destin, écrit par d’autres. Vivre de sa passion devient alors une impasse. Chaque juif n’est plus le maître de sa destinée.
Le contexte guerrier de ce roman est bien retranscrit, même si je n’ai rien appris de nouveau. Ce que je garderai en mémoire, ce sont les coulisses de la Comédie Française, dont les rouages m’étaient parfaitement étrangers. Je n’ai pas été envouté par le récit, mais j’ai passé un moment agréable en compagnie du théâtre et de la guerre, qui ne font définitivement pas bon ménage.
Située avant 44, la vie de Bérénice est l’histoire d’une passion pour le théâtre, c’est l’histoire du théâtre et de la Comédie française, c’est également celle d’une page sombre et tragique de notre propre histoire. Bérénice est une jeune fille juive, nous suivons pas à pas la passion de cette enfant, puis de cette adolescente qui décide très tôt de faire du théâtre contre l’avis de ses parents et qui entre à 14 ans à peine au conservatoire.
Sa vie semble être un rêve, elle réussit à merveille dans son métier de tragédienne et entre dans la maison de Molière dès sa sortie du conservatoire. Elle va rencontrer le plus grand artiste de son temps, de Jouvet à Jean Vilar, de Marie Bell à Jean Gabin, en passant par Jean-Louis Barrault et bien d’autres figures du monde artistique de cette époque.
Vivre dans cet univers d’artistes ne protège pourtant pas de ce qui se passe autour et rapidement Bérénice va endurer ce que vivent les juifs, l’antisémitisme et l’exclusion. La grande famille du théâtre n’est pas différente de la société civile, c’est une page sombre faite de trahisons, de rivalités, de lâchetés parfois, de courage aussi.
Mêlant des personnages réels à des personnages fictifs, l’auteur nous entraine dans cette tranche de vie. Le lecteur attend la suite, mais sait déjà qu’elle sera tragique, chaque chapitre ponctué de « Bérénice ne le racontera pas à ses enfants » ou « elle ne pourra pas raconter que… » qui donnent un coté inéluctable à la courte vie et au destin brisé de Bérénice. L’écriture est belle et fluide, c’est une jolie découverte.
C'est la seconde guerre mondiale vue depuis la Comédie Française, et c'est ce qui donne à ce livre son originalité, et aussi son tragique romanesque. C'est une lecture agréable et édifiante, mais je l'ai trouvé un peu trop "feuilletonesque".
Les qualités de ce roman sont multiples : Isabelle Stibbe nous fait partager l’enthousiasme de ses personnages, de Bérénice, de Nathan, d’Alain, qui veulent croire à la pertinence de la culture comme valeur. L’auteure nous rappelle que l’histoire , cruelle et arbitraire , peut emporter les bonnes volontés, et foudroyer des destins prometteurs .La reconstitution du Paris théâtral de l’avant-guerre est très réussie , les personnages attachants . On éprouve de l’empathie pour eux, de la tendresse. Ce roman est un hommage à la nécessité de l’idéal , de la passion , dans une vie humaine .Il rend aussi hommage aux victimes de cette sinistre période de notre histoire . C’est ce qui emportera l’adhésion du lecteur .
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