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Après Une si jolie petite guerre et Give peace a chance, Marcelino Truong délaisse la guerre du Viêt-Nam pour celle de l'Indochine. Sur les pas de Minh, le jeune peintre qui rêve depuis Hà Nôi de Saint-Germain-des-Prés et de Juliette Gréco, enrôlé malgré lui dans le Viêt-Minh de l'Oncle Hô, un regard inédit sur le conflit qui conduisit à l'humiliante défaite des Français à Diên Biên Phù...
Quelle place peut avoir l’art en temps de guerre ?
Il aide à survivre face à l’horreur. Il est constamment mis à mal par les autorités qui cherchent à en faire un outil de propagande. Tout au long de cette bd, Marcelino Truong explore cette question dans un récit qui se situe dans les derniers mois de la guerre d’Indochine. Une guerre peu abordée dans le 9eme art et dont la mémoire reste peu présente dans les générations actuelles malgré son nombre de victimes et ses conséquences au plan international.
Au fil des pages, on suit le parcours d’un jeune homme qui se retrouve malgré lui enrôlé du côté Viet-Minh. Artiste, fils de bonne famille, il s’est tenu jusqu'à présent bien éloigné des enjeux politiques qui secouent son pays et qui, d’un coup, le rattrapent. Vient alors le temps des entraînements militaires, le manque de nourriture, le rapport aux autres, au sein même de sa communauté - qui apparaît bien divisée - puis la propagande et sa participation à cette grande machine au service du Parti. Si pratiquer son art peut le faire tuer, il peut aussi le sauver.
L’un des intérêts majeurs de ce récit fictif est de porter le point de vue de cette guerre du côté vietnamien et non du côté occidental. Marcelino Truong donne de la lumière sur la complexité de ce conflit et met habilement la folie de l’homme en images.
Le rythme narratif est bien construit dans ce pavé de plus de 280 pages qui se lit facilement. Un gros travail est présent pour restituer l’ambiance : les tenues des miliatires, des villageois, les décors et objets du quotidien, les paysages, tout est fait pour embarquer le lecteur dans ce recit initiatique sur les pas de la guerre. Le trait réaliste y joue aussi pour beaucoup. Le dessin se fait en bichromie avec des touches de couleurs réfléchies. Il est entrecoupé de pages simples ou doubles tout en couleurs, des aérations intéressantes graphiquement.
Une bd historique instructive, sans être lourde, et qui a de nombreux atouts. À recommander.
Merci à Lecteurs.com et aux Editions Denoël pour l’envoi.
Gros roman graphique de Marcelino Truong qui se déroule pendant la guerre d'Indochine. J'aime beaucoup le dessin dans des tons grisés avec quelques rares touches de couleur, puis, parfois de grandes pages très colorées sur les paysages vietnamiens ou des actes forts. L'histoire n'est pas en reste avec Minh, jeune homme peu sensible à la propagande, qui ne peut la critiquer frontalement sous peine des pires sanctions, mais qui n'en pense pas moins. Il y travaillera pourtant sous les ordres d'un Français communiste qui s'est rallié : "Ici, tu travailles pour la propagande, mon vieux ! Tu n'es pas là pour INFORMER le peuple, mais pour le FORMER !" (p.175). Malgré son peu d'enthousiasme, il devient un soldat aguerri qui témoigne de l'asservissement du peuple, de son endoctrinement, mais aussi de sa volonté de chasser le colonisateur. Il montre les hommes au combat et aussi les femmes qui luttent, qui transportent les blessés, le matériel, sûres d'être reniées à la fin de la guerre considérées comme souillées au contact des soldats.
En France, si l'on parle un peu de la guerre d'Algérie, je n'ai pas vu beaucoup d’œuvres sur la guerre d'Indochine, sans doute l'humiliante défaite de Diên Biên Phu n'est-elle pas évidente à raconter. Ce roman graphique l'aborde, du côté des indépendantistes, ce qui permet de mieux comprendre le pays et ses habitants lassés par les Français mais pas certains de gagner au change avec un régime soutenu par la très autoritaire URSS. Très belle découverte tant dans le fond que la forme.
40 hommes et 12 fusils
1953, Hà Nội. Le Vietnam est aux portes de la guerre civile. Celle-ci va rapidement opposer les Bleus (partisans de l’ancien empereur Bảo Đại soutenu par les Français) et les Rouges (partisans d’Hồ Chí Minh soutenu par la Chine et l’URSS).
Minh est un jeune peintre de 21 ans qui ne rêve que de vivre de son art et de fréquenter les boîtes de jazz de la capitale. Amoureux de Lan, qui pose souvent pour lui, il vit dans l’insouciance de son jeune âge et d’une vie facile financée par son père haut-fonctionnaire.
C’est alors que le jeune homme reçoit une convocation pour aller servir dans l’armée nationaliste de Bảo Đại. Sentant son fils plus artiste que soldat, le père de Minh lui obtient un sursis d’un an. En attendant, il va devoir quitter Hà Nội, pour aller gérer les terres familiales en province.
Mais alors qu’il est en route pour la campagne, Minh est arrêté par des “amis de la Révolution” qui l'emmènent au Comité populaire du village. Et c’est ainsi que le jeune artiste, pour éviter le tribunal du peuple, va devoir se porter volontaire pour aller lutter avec le Việt Minh (l’armée du parti communiste vietnamien). Une longue marche commence pour Minh, depuis un camp d'entraînement maoïste jusqu’à une UPA (unité de propagande armée), puis enfin Ðiện Biên Phủ et son assaut final en mai 1954.
À la suite de cette défaite historique de l’armée française face aux troupe du Việt Minh du général Giap, la guerre d’Indochine prend fin avec les accords de Genève de 1954. Le Vietnam sera dorénavant séparé en deux territoires : le Nord-Vietnam communiste et le Sud-Vietnam nationaliste. Alors qu’un processus démocratique avec des élections était prévu en 1956, les accords non respectés conduiront à la guerre du Vietnam. Celle-ci durera jusqu’en 1975 et verra la réunification du pays en 1976.
Avec 40 hommes et 12 fusils (les effectifs de l’unité à laquelle appartenait Minh), Marcelino Truong a retracé de façon très précise le parcours d’un homme qui s’est retrouvé embarqué, malgré lui, dans un terrible conflit. Cette lecture permet de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la Guerre d’Indochine (1946-1954) qui se tint sur les territoires actuels du Vietnam, Laos et Cambodge. La colorisation en rouge ou en bleu, pour signifier l’appartenance à un des deux camps est vraiment très judicieusement faite.
Un album très intéressant et didactique comme on aime en rencontrer de temps à autre.
Je suis assez d'accord avec @Bulle noire, le récit est plutôt bavard, et les dessins sont beaux, quoi qu'un peu figés.
L'aspect historique du récit, sur une période qui m'était plutôt méconnue, vue de l'intérieur des rangs viets, avec tout ce que cela comporte de propagande était plutôt interessante.
Par contre, je n'ai pas compris l'intérêt de souligner que toutes les personnes que croisent Minh dans cette guerre, homme comme femme, ont spontanément, et ce presque au premier regard, une réflexion intérieure sur la beauté de cet artiste éphèbe (quel bel homme !)... J'aurais pu comprendre si à un moment cela avait servi le récit, si Minh s'était servi de sa prestance pour charmer son entourage, mais ce n'est pas le cas.
La fréquence de ces réactions a fini par rendre l'attitude déplacée pour moi.
Cet album est un journal, celui de Minh, un jeune homme de 21 ans amoureux de Lan, peintre un peu dandy, qui rêve de Paris, de jazz... Mais en 1953, à Hà Noi, pas facile de s'imaginer une vie d'artiste.
Le pays est divisé, entre ceux qui rêve d'indépendance en bleu (contre Ho Chi Minh) et ceux qui la rêvent en rouge (avec Ho Chi Minh. La tension grandit et il faut choisir un camp. Son père va choisir pour lui et envoie Minh dans une guerre dont il se fiche complètement.
On va donc suivre le jeune homme et découvrir avec lui un autre monde. Ses talents d'artiste vont faire de lui un outil de propagande précieux. Le voilà enrôlé dans l'unité spéciale, 40 hommes encadrés et protégés par 12 combattants.
Entre fiction et documentaire, Marcelino Truong nous emmène sans mal avec son dessin en gris, précis et détaillé et ses doubles pages magnifiques en couleurs. Le récit est bavard, ne lésinant pas sur les éclairages historiques.
Ce condensé historique est passionnant et on comprend mieux la nomination de cet album par les 10 demi-finalistes du prix Cases d'Histoire 2022. Une belle découverte.
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