Une sélection à haute valeur historique et humaine, 100 ans après la fin de la guerre 14-18
Une sélection à haute valeur historique et humaine, 100 ans après la fin de la guerre 14-18
Le nouveau roman d’Echenoz Envoyée spéciale est-il vraiment LE roman de la rentrée ?
La Grande Guerre ou Der des Ders qui dura quatre ans, de 1914 à 1918 est célébrée pour son centenaire en 2014. Cette terrible guerre a mobilisé nombre de soldats, qui s’ils revenaient du combat passaient la plupart du temps du qualificatif de « poilu » à celui de « gueule cassée ». De nombreux hommages sont rendus depuis le mois de janvier 2014. La littérature foisonne de témoignages et de romans sur cette première guerre mondiale, inspirant toujours les auteurs contemporains.
14/18, dans une sobriété du quotidien des "gens de peu" enrôlés dans cette Grande Guerre, que Jean Echenoz sait dépeindre avec une humanité poignante.
C'est court et profond, entier et saisissant sans pathos obscène. de l'humour même à maintes reprises, de la bienveillance dans ce vaste drame inhumain (l'exécution d 'Arcenel pour l'exemple est un moment muet de littérature)
vive Jean Echenoz qui nous rend lecteurs si intelligents!
14, c’est bien sûr 1914 et les trois années qui suivent. Jean Echenoz a bien fait d’aborder le sujet en pleine période de centenaire de la Première guerre mondiale. Il le fait à sa manière, en s’attachant aux pas de jeunes hommes mobilisés, rassemblés avec toute la population par le tocsin : « Tout le monde avait l’air très content de la mobilisation : débats fiévreux, rires sans mesure, hymnes et fanfares, exclamations patriotiques, striées de hennissements. »
Ils sont partis. Charles (27 ans), Anthime (23 ans), Padioleau, Bossis, Arcenel, chacun son matricule. Marche, défilé, le train et Blanche, comme les autres femmes, les enfants, les vieux, est restée, attendant ce retour qui ne devait pas tarder...
Le moral baisse au fil des kilomètres, puis le capitaine Vayssière rassure : « Vous reviendrez tous à la maison… Si quelques hommes meurent à la guerre, c’est faute d’hygiène. Car ce ne sont pas les balles qui tuent, c’est la malpropreté qui est fatale et qu’il vous faut d’abord combattre. » Jean Echenoz, toujours de son style simple et efficace, très agréable à lire, suit ces hommes jusqu’à ce qu’ils entendent le bruit du canon.
Sur un ton presque enjoué, badin, en une description anodine, comme au cours d’une conversation, l’auteur décrit une des premières batailles aériennes, montrant au passage l’impréparation de nos avions et de leurs pilotes malgré leur grand courage.
Il n’oublie pas de revenir au pays pour nous montrer la vie qui se poursuit avec Blanche, l’usine de chaussures qui a du travail pour équiper l’armée. Cette armée, justement, où les hommes tombent, doit évoluer, remplacer le pantalon rouge trop criard, fournir une cervelière, sorte de calotte en acier, pour arriver enfin au casque en septembre 1915. Rien n’épargne les soldats, comme « les gaz aveuglants, vésicants, asphyxiants, sternutatoires ou lacrymogènes que diffusait très libéralement l’ennemi à l’aide de bonbonnes ou d’obus spéciaux, par nappes successives et dans le sens du vent. »
Terrible est la séquence où Arcenel s’en va seul, est arrêté par les gendarmes, traduit en conseil de guerre et fusillé le lendemain, pour l’exemple ! Enfin, il y a le retour d’Anthime dont il ne faut rien dire pour laisser découvrir une histoire qui se termine par une pirouette dont Jean Echenoz (voir Ravel) a le secret.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
De la veille festive du départ, quand tous partaient joyeux pour une quinzaine de jours au plus, le temps de chasser l’envahisseur, à la fin, quatre ans plus tard, c’est avec un talent exceptionnel que Jean Echenoz nous livre en 120 pages, un tableau complet, très imagé et réaliste de la guerre de 14/18 et d’une France vidée de ses hommes tous partis sur le front. Pour ce faire, il va suivre 4 soldats et une jeune femme d’un même village.
Je suis toujours épatée par la mécanique, la technique, le vocabulaire, l'écriture minimaliste et pourtant la richesse d’informations, le détail exposant tout un panorama, l’acrobatie grammaticale et ses mille et un petits pièges et subtilités, le style agrémenté de tout plein de petits jeux de mots dont la pratique de ses fameux zeugmes sans compter l’humour et la légèreté du texte même sur un sujet aussi grave que la guerre.
« …un regard, le plus court et le plus long possible, se forçant à le charger du moins d’expression disponible tout en suggérant le maximum… »
« … on entend l’ennemi piocher sourdement au-dessous de cette tranchée même, au-dessous de soi-même, creusant des tunnels où il va disposer des mines afin de l’anéantir, et soi-même avec.
On s’accroche à son fusil, à son couteau dont le métal oxydé, terni, bruni par les gaz ne luit plus qu’à peine sous l’éclat gelé des fusées éclairantes, dans l’air empesté par les chevaux décomposés, la putréfaction des hommes tombés puis, du côté de ceux qui tiennent encore à peu près droit dans la boue, l’odeur de leur pisse et de leur merde et de leur sueur, de leur crasse et de leur vomi, sans parler de cette effluve envahissant de rance, de moisi, de vieux, alors qu’on est en principe à l’air libre sur le front. Mais non : cela sent le renfermé … »
En ce qui me concerne, « 14 » est un des meilleurs témoignages littéraires de la 1ere guerre mondiale, tiré des carnets de guerre de Constant Oheix, grand oncle de son épouse et qui sont exposés au Centre Pompidou à l’expo « Roman, rotor, stator » dédiée à l’œuvre de Jean Echenoz jusqu’au 5 mars 2018.
Je m'étais régalée en lisant Envoyée spéciale alors que je le lisais dans le cadre du Prix des Lecteurs BFM/L'Express, je découvrais alors la prose particulière de Jean Echenoz et je m'étais promis de lire certains de ses autres romans.
14 faisait partie de ces œuvres qui m'intriguent : très courtes alors qu'elles traitent d'un sujet difficile.
J'ai retrouvé avec le même plaisir l'humour très décalé de l'auteur, sa façon de glisser des remarques mordantes, le rythme singulier de sa narration.
J'ai aimé également les personnages : fleur au fusil lors de la mobilisation générale d'août 1914, on les retrouve cabossés si toutefois ils s'en sortent vivants…
"(…) on ne quitte pas cette guerre comme ça. La situation est simple, on est coincés : les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous, les gendarmes."
J'ai aimé cette lecture dont chaque phrase se savoure, chaque fois lourde en évocations et je salue la prouesse de l'auteur d'avoir réussi un roman touchant sur un sujet si lourd.
très bien documenté, magnifique
En une centaine de pages, pas tellement plus, Jean Echenoz fait le tour de la Grande Guerre, vue par ceux qui la font, vu par celles qui les attendent. Le roman, commence le jour de la déclaration de guerre et se termine (assez brusquement) le jour de l’armistice. Cinq hommes d’un même village de Vendée partent la fleur au fusil sur le front, une femme, enceinte de l’un deux attend leur retour. Certains vont mourir rapidement, ou tardivement, sous les balles allemandes ou devant les pelotons d’exécution français, d’autres revenir mais blessés. Personne n’en sortira indemne, comme si c’était tout simplement impossible. Alors évidemment, en 124 pages, il faut tout le talent d’Echenoz pour ne pas se sentir un peu floué : des mois passent d’un paragraphe à l’autre, des années passent d’un chapitre à l’autre, c’est un peu déroutant quand on est habitué comme moi aux romans longs ou l’intrigue avance doucement. Ces petits à-coups de ne sont pas les seuls étrangetés de « 14 », l’humour noir très présent pendant tout le récit désarçonne aussi. Echenoz raconte l’enfer des tranchées avec un vocabulaire décalé, qui n’édulcore rien mais au contraire enlève le côté « plombant » (sans mauvais jeu de mot) du récit de guerre comme on n’en à maintenant l’habitude. Je ne peux pas dire qu’en 125 page on ait le temps de s’attacher aux personnages, ni même de les cerner vraiment. On peut presque lire « 14 » d’une traite, c’est une vision différente de la guerre de 14-18 et comme le style est très fluide, très agréable, cela peut plaire même à ceux que l’histoire fait soupirer d’emblée. Et il y a quelques réflexions, lâchée çà et la, particulièrement intelligentes sui donne à ce tout petit roman une vraie profondeur.
Actualité oblige, gageons que les célébrations du centenaire de l'entrée dans la première guerre mondiale seront accompagnées de nombreux écrits et publications. C'est pour moi l'occasion de redire à quel point j'ai apprécié ce court roman de Jean Echenoz, paru en 2012, et dont le titre - "14" - et la quatrième de couverture - "Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d'entre eux. Reste à savoir s'ils vont revenir. Quand. Et dans quel état." - résument bien la sobriété. Voici donc la guerre de 14-18 en moins de 120 pages. Mais quelles pages ! Époustouflantes de précision et de maitrise.
"Le tocsin, vu l'état présent du monde, signifiait à coup sûr la mobilisation. Comme tout un chacun mais sans trop y croire, Anthime s'y attendait un peu mais n'aurait pas imaginé que celle-ci tombât un samedi."
Anthime et Charles sont mobilisés, quittent leur terre de l'ouest pour rejoindre le front du nord-est comme des milliers de leurs compatriotes. Là, les destinées de certains se croisent, se soutiennent parfois quelque temps, sans autre réel horizon que le moment présent. De son côté, Blanche attend. A travers l'histoire de ces anti-héros, personnages ordinaires parmi tant, Jean Echenoz raconte la guerre, sans rien sacrifier à l'émotion ni à l'histoire. En quelques phrases, l'essentiel est dit, à hauteur d'homme. La naïveté ("c'est une histoire de quinze jours"), l'impréparation, l'impuissance, la violence, l'injustice, le chaos, la camaraderie malgré tout... Et le triomphe de la vie.
"Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n'est-il pas la peine de s'attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n'est-il d'ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d'autant moins quand on n'aime pas tellement l'opéra, même si, comme lui c'est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui cela fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c'est assez ennuyeux." Tout le contraire de ce livre, en fait.
Plaisir de la langue et du style, fluidité du récit. Incroyable chapitre 12 sur les animaux dans la guerre. Voila une façon agréable de réviser ses classiques tout en s'offrant un vrai grand moment de lecture.
Echenoz part d’une balade à vélo, une balade bucolique ; le tocsin sonne, nous arrivons sur la place où toute la population est rassemblée « Tout le monde avait l’air très content de la mobilisation : débats fiévreux, rires sans mesure, hymnes et fanfares, exclamations patriotiques striées de hennissements ». La joie, l’impatience sont palpables, on verra ce qu’on verra !
L’attente commence pour les 5 vendéens : Anthime, Padioleau, Bessis, Arcenel se retrouvent à la caserne, ainsi que Charles, sous-directeur de l’usine où Anthime est comptable. Puis vient le moment d’aller au front, d’affronter l’ennemi. Tous ne reviendront pas. Echenoz résume fort bien cette connerie cruelle : « Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n'est-il pas la peine de s'attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n'est-il d'ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d'autant moins quand on n'aime pas l'opéra, même si, comme lui, c'est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui ça fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c'est assez ennuyeux. »
Dans ce livre, pas de grandes envolées lyriques, pas de longues descriptions mais du quotidien, du palpable. Nous suivons la guerre à travers Anthime. « De fait, Anthime s’est adapté. Ne se fût-il pas adapté, d’ailleurs, eût-il montré du mal à supporter les choses et voulu le faire savoir, la censure du courrier n’aidait pas trop à ce qu’on se plaignît. Oui, Anthime s’est plutôt vite fait aux travaux quotidiens de nettoyage, de terrassement, de chargement et de transport de matériaux, aux séjours en tranchée, aux relèves nocturnes et aux jours de repos. » En peu de mot, beaucoup est dit.
Dans le chapitre 7, Jean Echenoz écrit : « Propulsons-nous vers cet insecte : à mesure qu’on l’approche, il grossit peu à peu jusqu’à se transformer en petit avion, biplan biplace de modèle Farman F37 Mené par deux hommes, un pilote et un observateur assis l’un derrière l’autre dans des fauteuils bruts, à peine protégés par deux pare-brises rudimentaires. » Il ne reste plus qu’à lancer la caméra de notre imagination et on voit le ballet mortel s’engager entre cet avion et l’appareil orné de la croix de Malte.
Dans un entretien, Jean Echenoz raconte comment l’idée de ce livre lui est venue en trouvant les carnets d’un combattant dans une malle. Il décrit les choses comme on les note dans son cahier « son havresac, modèle as de carreau 1893 et dont l’infrastructure était un cadre en bois couvert d’une enveloppe de toile épaisse du berg wagon au brun cachou ».
C’est un livre court mais puissant, dense, bouleversant, concret. En peu de mot, il démarre notre caméra mentale pour un voyage dans l’enfer du quotidien de la guerre. Un superbe livre, je ne me lasse pas de la belle écriture de jean Echenoz.
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