Jusqu’où peut aller la violence de l’homme dépourvu d’ouverture au monde ?
Jusqu’où peut aller la violence de l’homme dépourvu d’ouverture au monde ?
L’écrivain algérien revient avec une fable d’une beauté stupéfiante, et porteuse d’espoir
Le livre d'Amray, l'itinéraire d’un homme dans l’Algérie de la décolonisation
Mes remerciements à Yahia Belaskri, aux Éditions Zulma et à lecteurs.com qui, par l’organisation d’un concours, m’ont offert « Le silence des dieux ».
Mon prochain roman, en cours d’écriture, se déroule en Tunisie et l’univers de l’auteur me parle, raison qui m’a poussée à participer au concours.
Au-delà de l’atmosphère que l’on ressent dans les petits villages du Maghreb et dans les franges du désert, ce roman nous emporte dans l’analyse de comportements humains. Et là, une question essentielle m’est apparue, cachée entre les lignes de ce silence des dieux : Qu’aurais-je fait à la place de ces femmes abusées ou de ces hommes endoctrinés ? Il est facile de penser que je ne me serais pas laissée faire, que j’aurais agi, réagi et que le méchant-profiteur n’aurait pas eu d’emprise sur moi. Bien sûr, de mon confort douillet il est aisé de me sentir forte et lucide.
La situation des personnages du roman s’enroule autour de l’emprise du plus fort, du poids des conventions religieuses et spirituelles, aggravé de pressions économiques.
L’image que je retiendrai de ce livre est celle d’un message d’encouragement à écouter sa petite voix intérieure et avoir le courage de la suivre ; prendre des risques pour gagner une liberté qui devrait être acquise à jamais.
Tout d'abord un grand MERCI à lecteurs.com qui m'a permis de découvrir ce roman.
Quel ode à la langue française ! Ce roman est magnifiquement écrit, ciselé, c'est comme lire un long poème. Merci M. Belaskri de m'avoir donné ce plaisir.
J'ai lu quelque part que le roman était une fable, oui, c'est vrai, le mot m'est venu en tête durant ma lecture ainsi que celui de conte. En observateur, le lecteur voit ainsi tout au long du roman, les personnages réagir à une situation que l'on dirait aujourd'hui de crise. Un événement survient et tout dérape, les vrais visages se montrent au grand jour. Les sentiments s'exacerbent jusqu'au dénouement final et la conclusion, sorte de morale moderne.
Au-delà de la poésie de l'écriture, c'est un roman dur et violent qui met en exergue la bêtise humaine, une image de l'expression "bête et méchant". C'est ainsi que j'ai vu une partie des hommes de ce village, une bande d'ignares avec la méchanceté et la couardise vissée au cœur.
Les femmes d'abord décrite comme soumises et assez idiotes elles aussi pour se laisser berner par un charlatan soi-disant saint homme. Mais elles finissent par reprendre la situation en mains à un moment de l'histoire. Comme si leur instinct de survie les réveillait d'une longue soumission, comme si tout à coup, elles mettaient enfin leur capacité de réflexion en œuvre, libérées du sort qui leur a été imposé.
Je ne peux que vous recommander ce très beau livre qui donne à réfléchir.
Tout est paisible dans ce village qui forme le décor de cette histoire. Le seul lien avec la ville est le passage d'un bus, passage quotidien. Un matin le bus tant attendu ne passe pas et ne passera plus. Les conséquences en seront terribles. Les liens avec la ville, la vie sont rompus, le monde s'écroule. Les villageois sont isolés et surtout sans nouvelles du monde extérieur. Il faudra un responsable à ce malheur. Un homme brave en fera les frais et ce sera le début d'une mauvaise partition. Vont se réveiller haines, violences, crimes, bêtises humaines sous le joug d'un maître autoproclamé. L'émancipation, la liberté viendront des femmes.
Ce texte est une vrai poésie, un bonheur de lecture. On a envie d'être à côté de ces femmes qui annoncent une liberté retrouvée et surtout une humanité.
L’action se déroule dans un visage isolé, la Source des Chèvres, peut-être au Moyen-Orient ou dans le Maghreb, peu importe.
Un matin, Abdelkrim qui s’est levé tôt pour aller en ville, ne peut pas passer car des militaires bloquent la seule route d’accès. Effrayé, il revient donner la nouvelle aux autres habitants. Pour eux tous, il s’agit du Maître, qui avec ses militaires, punit le village en le confinant ainsi loin des sources d’approvisionnement.
Quel est celui qui, dans le village, provoque le courroux du Maître ? Ils se réunissent tous, sous la houlette de Abbas, le plus riche, l’imam, et le maire, Baki.
L’opprobre va être jeté sur Abdelkrim et sa femme, Badra.
Une jolie fable où les thèmes de la peur, de la lâcheté, de l’hypocrisie, de l’ignorance, de la politique toujours facile du bouc émissaire, sont abordés et décrits par petites touches, justes et précises.
Ziani, le soi-disant fou, porte la voix du courage, de la révolte. Celle que chacun entend au fond de soi, dérangeante, et qu’il ne veut surtout pas écouter.
« Où êtes-vous, les hommes ? Êtes-vous seulement des hommes ? Tout juste des porteurs de pantalons, lâches et serviles. (…) Honte aux habitants du village de la source des chèvres. (…) Vous êtes des chèvres qu’on mène à l’abattoir. Ignorants, vous vous précipitez à la mosquée pour invoquer Dieu. Quels hypocrites ! Il n’entend pas vos cœurs insensibles, il vous a abandonnés. »
L’histoire est portée par une belle écriture, sensible, révoltée et poétique.
La nature, le chant sont également présents et renforcent la poésie de l’écriture : « Habib et Mansour respirent la liberté des fils du désert, gens de peu et courageux, pleinement ouverts, jamais dans le réserve. Ils connaissent la nudité de l’être face à l’incommensurable grandeur de la nature, l’immensité du ciel et l’incandescence du soleil. Ils savent l’agilité de l’outarde qui file telle une étoile, les notes claires de la fauvette qui s’envole ou le chant monotone du traquet. »
J’ai beaucoup aimé ce joli roman et je remercie Lecteurs.com de me l’avoir fait découvrir.
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