Jusqu’où peut aller la violence de l’homme dépourvu d’ouverture au monde ?
Un matin comme un autre, après avoir avalé une gorgée de thé et un morceau de galette, Abdelkrim traverse les étroites ruelles du village de la Source des Chèvres et s'éloigne sur la piste de terre pour aller en ville. Le long de l'oued asséché, la route au-delà de la montagne pelée se perd dans les sables alentour. Mais le car ne viendra pas. Des soldats bloquent l'accès : la route est coupée, le village isolé, rentrez chez vous.
Les villageois stupéfaits accueillent la nouvelle avec fatalisme, ce jour-là comme les suivants, sans plus même vérifier si les soldats sont toujours en poste. Ils consentent à cet enfermement, persuadés peut-être de l'avoir mérité. Oubliés des dieux.
Entre le café et la mosquée, la petite place résonne encore du dernier passage des commerçants itinérants, du porteur d'eau et des conteurs, mais le fragile équilibre vacille. Le maire se débat dans des fonctions devenues obsolètes, l'imam et doyen tente d'apaiser les colères, le riche Abbas fomente une prise de pouvoir à l'ombre de la palmeraie. Bientôt ils vont désigner un coupable, puisqu'il en faut un, et s'en débarrasser comme d'un mauvais sort.
Une voix s'élève pourtant. Celle de Ziani le fou. Pieds nus et cheveux hirsutes, il a beau crier ses prophéties, il reste celui dont on se moque et se méfie. Qu'on préfère faire taire.
D'où naîtra l'espoir ? D'où, sinon de celles qui luttent en silence contre l'oppression et la convoitise, contre l'obscurantisme et la résignation. Avec Zohra, Setti, Fatiha, Alia, Aïcha, bientôt toutes les femmes du village, se lève le vent de la révolte.
Le Silence des dieux est une magnifique et délicate allégorie, face à tous les enfermements, de la liberté, du choix et de la réconciliation.
Jusqu’où peut aller la violence de l’homme dépourvu d’ouverture au monde ?
L’écrivain algérien revient avec une fable d’une beauté stupéfiante, et porteuse d’espoir
Mes remerciements à Yahia Belaskri, aux Éditions Zulma et à lecteurs.com qui, par l’organisation d’un concours, m’ont offert « Le silence des dieux ».
Mon prochain roman, en cours d’écriture, se déroule en Tunisie et l’univers de l’auteur me parle, raison qui m’a poussée à participer au concours.
Au-delà de l’atmosphère que l’on ressent dans les petits villages du Maghreb et dans les franges du désert, ce roman nous emporte dans l’analyse de comportements humains. Et là, une question essentielle m’est apparue, cachée entre les lignes de ce silence des dieux : Qu’aurais-je fait à la place de ces femmes abusées ou de ces hommes endoctrinés ? Il est facile de penser que je ne me serais pas laissée faire, que j’aurais agi, réagi et que le méchant-profiteur n’aurait pas eu d’emprise sur moi. Bien sûr, de mon confort douillet il est aisé de me sentir forte et lucide.
La situation des personnages du roman s’enroule autour de l’emprise du plus fort, du poids des conventions religieuses et spirituelles, aggravé de pressions économiques.
L’image que je retiendrai de ce livre est celle d’un message d’encouragement à écouter sa petite voix intérieure et avoir le courage de la suivre ; prendre des risques pour gagner une liberté qui devrait être acquise à jamais.
Tout d'abord un grand MERCI à lecteurs.com qui m'a permis de découvrir ce roman.
Quel ode à la langue française ! Ce roman est magnifiquement écrit, ciselé, c'est comme lire un long poème. Merci M. Belaskri de m'avoir donné ce plaisir.
J'ai lu quelque part que le roman était une fable, oui, c'est vrai, le mot m'est venu en tête durant ma lecture ainsi que celui de conte. En observateur, le lecteur voit ainsi tout au long du roman, les personnages réagir à une situation que l'on dirait aujourd'hui de crise. Un événement survient et tout dérape, les vrais visages se montrent au grand jour. Les sentiments s'exacerbent jusqu'au dénouement final et la conclusion, sorte de morale moderne.
Au-delà de la poésie de l'écriture, c'est un roman dur et violent qui met en exergue la bêtise humaine, une image de l'expression "bête et méchant". C'est ainsi que j'ai vu une partie des hommes de ce village, une bande d'ignares avec la méchanceté et la couardise vissée au cœur.
Les femmes d'abord décrite comme soumises et assez idiotes elles aussi pour se laisser berner par un charlatan soi-disant saint homme. Mais elles finissent par reprendre la situation en mains à un moment de l'histoire. Comme si leur instinct de survie les réveillait d'une longue soumission, comme si tout à coup, elles mettaient enfin leur capacité de réflexion en œuvre, libérées du sort qui leur a été imposé.
Je ne peux que vous recommander ce très beau livre qui donne à réfléchir.
Tout est paisible dans ce village qui forme le décor de cette histoire. Le seul lien avec la ville est le passage d'un bus, passage quotidien. Un matin le bus tant attendu ne passe pas et ne passera plus. Les conséquences en seront terribles. Les liens avec la ville, la vie sont rompus, le monde s'écroule. Les villageois sont isolés et surtout sans nouvelles du monde extérieur. Il faudra un responsable à ce malheur. Un homme brave en fera les frais et ce sera le début d'une mauvaise partition. Vont se réveiller haines, violences, crimes, bêtises humaines sous le joug d'un maître autoproclamé. L'émancipation, la liberté viendront des femmes.
Ce texte est une vrai poésie, un bonheur de lecture. On a envie d'être à côté de ces femmes qui annoncent une liberté retrouvée et surtout une humanité.
L’action se déroule dans un visage isolé, la Source des Chèvres, peut-être au Moyen-Orient ou dans le Maghreb, peu importe.
Un matin, Abdelkrim qui s’est levé tôt pour aller en ville, ne peut pas passer car des militaires bloquent la seule route d’accès. Effrayé, il revient donner la nouvelle aux autres habitants. Pour eux tous, il s’agit du Maître, qui avec ses militaires, punit le village en le confinant ainsi loin des sources d’approvisionnement.
Quel est celui qui, dans le village, provoque le courroux du Maître ? Ils se réunissent tous, sous la houlette de Abbas, le plus riche, l’imam, et le maire, Baki.
L’opprobre va être jeté sur Abdelkrim et sa femme, Badra.
Une jolie fable où les thèmes de la peur, de la lâcheté, de l’hypocrisie, de l’ignorance, de la politique toujours facile du bouc émissaire, sont abordés et décrits par petites touches, justes et précises.
Ziani, le soi-disant fou, porte la voix du courage, de la révolte. Celle que chacun entend au fond de soi, dérangeante, et qu’il ne veut surtout pas écouter.
« Où êtes-vous, les hommes ? Êtes-vous seulement des hommes ? Tout juste des porteurs de pantalons, lâches et serviles. (…) Honte aux habitants du village de la source des chèvres. (…) Vous êtes des chèvres qu’on mène à l’abattoir. Ignorants, vous vous précipitez à la mosquée pour invoquer Dieu. Quels hypocrites ! Il n’entend pas vos cœurs insensibles, il vous a abandonnés. »
L’histoire est portée par une belle écriture, sensible, révoltée et poétique.
La nature, le chant sont également présents et renforcent la poésie de l’écriture : « Habib et Mansour respirent la liberté des fils du désert, gens de peu et courageux, pleinement ouverts, jamais dans le réserve. Ils connaissent la nudité de l’être face à l’incommensurable grandeur de la nature, l’immensité du ciel et l’incandescence du soleil. Ils savent l’agilité de l’outarde qui file telle une étoile, les notes claires de la fauvette qui s’envole ou le chant monotone du traquet. »
J’ai beaucoup aimé ce joli roman et je remercie Lecteurs.com de me l’avoir fait découvrir.
Le village vivait des jours heureux, presque assoupi dans une routine apaisante, à peine troublée par les manifestations tonitruantes du fou Ziani. Chacun cultivait son jardin, et jouait un rôle qui justifiait sa place dans la communauté. Jusqu’à ce que deux hommes armés viennent brutaliser Abdelkrim, et fermer tout accès au village. Les relations entre les hommes en sont bouleversées et une coalition se crée pour désigner un responsable de la situation. La chasse aux sorcières s’organise.
Il faudra quelques morts iniques et le bannissement des cibles pour que la résistance voit le jour.
Les femmes refusent l’ordre établi et mettent tout en oeuvre pour se libérer des tyrans.
Ce conte philosophique qui se déroule dans un pays sans nom analyse les mécanismes de l’emprise et de la manipulation des foules, qui aboutit à des situations bien au delà des prérogatives initiales. Le fanatisme induit s’auto-alimente et n’a plus besoin de s’appuyer sur la raison pour agir. La réflexion est absente lorsque l’adhésion aux idées d’un gourou quel qu’il soit galvanise les foules.
Parmi ces moutons, retentit la voix du fou, celui qui profère des paroles insensées, et qui pourtant mériterait d’être écoutée.
C’est une magnifique fable, emplie de sagesse et qui proclame que le salut peut venir de celles qui encore un peu partout ne sont pas considérées comme des paires. Le pouvoir féminin s’exerce souvent dans l’ombre, mais on peut compter sur lui.
Le village de la Source des Chèvres est isolé, aux portes du désert, relié à la ville uniquement par un bus.
Alors, quand, sans réelle raison invoquée, les militaires décident de bloquer l'accès entrant et sortant sous peine de mort, les villageois sont confrontés à la pire des situations : enfermés dans leur propre village, sans aucune issue envisageable.
Et rapidement, les pires côtés d'une communauté vont ressortir. Sous les ordres d'un chef auto-proclamé, les villageois vont pointer du doigt un responsable.
Le Silence des dieux est un beau roman, lumineux, car au milieu de cette violence aveugle, l'entraide nait, la solidarité se développe.
Dans ce monde renversé, Ziani le Fou devient la voix de la raison.
Le texte est poétique, dépaysant, émaillé de chansons et de poèmes.
En lisant ce roman aux allures de fable, j'ai souvent pensé à La ferme des Animaux de George Orwell, même si le sujet n'est pas exactement le même. Finalement, dans Le Silence des dieux, ce sont les hommes qui deviennent des bêtes.
Yahia Belaskri, auteur et journaliste franco-algérien notamment connu pour Les Fils du jour (2015) et Si tu cherches la pluie, elle vient d’en haut (2011) a usé de sa plume en octobre dernier pour un quatorzième roman, Le Silence des dieux publié aux éditions Zulma. Un roman poétique et brutal à la lisière de la parabole biblique.
Le petit village de la Source des Chèvres n’est relié au monde que par une grande route au milieu du désert. Un matin, dans la torpeur du jour qui se lève, des militaires décident de bloquer l’accès au chemin qui mène à la ville. Personne ne peut entrer ni sortir jusqu’à nouvel ordre. Le village se retrouve isolé, des clans se créent, des jugements et des rixes naissent pour désigner un coupable. Entre obscurantisme et révélations, la révolte se prépare.
Le Silence des dieux sonne comme un récit allégorique où chacun aurait un rôle prépondérant à jouer pour transmettre un enseignement et une morale qu’il faudrait retenir. Au cœur du désert, les familles du village de la Source des Chèvres vivent de peu et se rattachent aux croyances ancestrales pour nourrir l’espoir d’un jour meilleur et alléger les souffrances. Le désespoir pousse peu à peu le village dans l’obscurantisme et Yahia Belaskri dénonce avec beaucoup de justesse le business des croyances qui profite aux plus forts et asservit les plus faibles.
Dans cet enchevêtrement de haine et de faux-semblants, les femmes soumises et battues tissent les liens de la révolte contre les hommes et leur violence. Ce n’est pas une grève du sexe qu’elles provoquent comme le ferait Lysistrata sous la plume d’Aristophane, c’est un château de cartes dogmatique qu’elle veulent détruire d’une main de fer. L’auteur franco-algérien sublime le drame et la poésie à travers chaque phrase et chaque mot, déconstruit les conflits d’intérêts et signe d’un ton affirmé l’oppression des plus riches sur les plus pauvres.
Yahia Belaskri met plusieurs interrogations rhétoriques en avant dont l’une d’elle, évidente, surplombe tout le roman : jusqu’où peut aller la violence de l’homme dépourvu d’ouverture au monde ? Le Silence des dieux soulève l’intemporalité de la haine, les conséquences d’un huis clos où « l’enfer, c’est les autres » sonne comme un mantra tragique.
Comment peut-on sortir de l’humanité ? En répondant à la violence par la violence, à l’extrémisme par l’extrémisme, à l’obscurantisme par l’obscurantisme. Yahia Belaskri signe une fable sur les risques de l’engrenage des mensonges, des rumeurs, du complot menant inéluctablement au crime. Un conte, certes, mais qui renvoie à ce que l’écrivain algérien a connu dans son pays, à ce qu’endurent encore des millions de personnes face à l’intolérance religieuse, ethnique et à toutes les dérives sectaires. Inspiré d’un fait réel survenu en Amérique du Sud, Yahia Belaskri a créé une œuvre aussi sublime que tragique. Avec ce que la poésie peut apporter comme espérance.
La Source des Chèvres, c’est le nom d’un petit village aux portes du désert. Tout va pour le mieux pour le meilleur du monde malgré la rusticité des lieux. Une unique route en terre est la seule sortie possible, un jour sans que l’on sache pourquoi elle est bloquée par des militaires sans scrupule. Alors que tous les habitants semblaient vivre dans la fraternité et qu’il faudrait unir les forces face au terrible enfermement, les luttes pour prendre le pouvoir vont se terminer en crimes, le Faune ayant décidé de diriger le village avec la bénédiction d’un mystérieux marabout plus proche des incantations libidineuses que spirituelles. Seul Ziani, celui qui est surnommé le fou, a des paroles de sagesse mettant en garde contre la brutalité et la diversion qui s’installe. Un vent de révolte contre l’obscurantisme va s’élever, il viendra des femmes, de Zohra, Badra, Setti… toutes, en s’émancipant, vont faire renaître la liberté. Et l’espoir dans la fraternité.
Enveloppé d’une poésie d’une délicatesse subtile ce roman est à lire à genoux ! Par ces multiples métaphores qui résonnent à haute volée, par cette allégorie de la tolérance, par cette dénonciation de la destruction au détriment de la fraternité, Yahi Belaskri signe une œuvre mirifique qui laissera peu d’yeux secs lorsque lecture se terminera. Un concerto de mots qui bat crescendo avec un final en apothéose sur le désert, l’humanité, la vie.
Lu grâce à lecteurs.com, à Françoise Fernandes et à la Fondation Orange
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