"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Parfois, on est amené à payer les dettes du passé sans le savoir ».
C’est peut-être pour solder ces dettes lourdes à porter qu’à la trentaine Virginia Tangvald entreprend de reconstituer l’itinéraire de son père, Per Tangvald, un célèbre navigateur norvégien retrouvé mort avec sa fille au large de Porto Rico, alors qu’elle même était encore une jeune enfant. Un père qu’elle n’a quasiment pas connu, fantasque et insaisissable, « le marin le plus triste au monde », un des derniers survivants de cette génération de navigateurs en quête d’une expérience individuelle profonde, prêts à mettre en danger leur vie pour la trouver. Mais Per ne mit pas seulement sa vie en danger mais bien celle de toute sa famille. Deux de ses épouses périront en mer dans des circonstances troubles, sa fille ainée mourra avec lui et son fils, seul rescapé du naufrage, portera sa vie durant les stigmates de ce traumatisme.
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Récit tragique d’un drame annoncé, roman de l’absence, et recherche de racines, c’est tout cela à la fois et c’est poignant .
En commençant ce livre je ne m’attendais pas à ce qu’il soit un récit d’autofiction et j’ai eu un peu de mal à y rentrer. Mais bien vite j’ai été aimantée dans un jeu d’attraction répulsion pour ce personnage hors du commun, peu sympathique et louche dont on pressent très tôt à travers les témoignages que Virginia récolte que sa triste fin était prévisible. Pas facile pour l’autrice de se construire sur tant de drames, tant de zones d’ombres, et on est pris d’empathie pour elle dans cette quête tragique pour essayer de comprendre l’incompréhensible. Tout comme le besoin de savoir l’a mise sur la voie de l’apaisement on souhaite pour elle que l’acte d’écriture lui apportera de la sérénité. En la rencontrant à Brive j’ai été saisie par sa douceur, charmée par sa luminosité. Son sourire me laisse imaginer qu’elle y est parvenu.
Un texte fort et une voix singulière, un récit qui ne vous laissera pas indifférent
Dans ce roman construit sur une histoire familiale complexe, dont l’autrice est l’héritière, l’appel du large est un leitmotiv, avec pour contrepartie la folie, originelle ou créée par des traumatismes multiples.
Sur les traces de disparitions dramatiques de son père puis de son frère, Virginia Tangvald mène l’enquête, abandonnant derrière elle tout ce qui faisait la trame de son avenir, pour tenter de comprendre et de reconstituer l’histoire de ses parents.
Les faits rapportés, ou reconstruits, sont tellement étonnants que toute fiction qui les utiliserait semblerait abusive. Et pourtant le père bourlingueur a bien eu six femmes dont au moins deux pourraient avoir été ses victimes. La puissance mortifère de cet homme pourtant si séducteur est édifiante.
Quant au frère, le poids des violences subies peut expliquer sans doute la même tendance destructrice.
On ne peut qu’éprouver de la compassion pour un tel héritage. L’écriture de ce livre aura eu le mérite de lever le voile sur certains épisodes, mais il reste encore des zones d’ombre. Le fait de les écrire est-il une tentative pour les exorciser ?
214 pages Lattès 21 août 2024
Quand l'aventure vire au cauchemar
Virginia Tangvald et une rescapée à plusieurs titres. Dans ce roman-enquête, elle cherche des explications à la mort de sa sœur, de son père et de plusieurs femmes de cet aventurier. Mais n'est-ce pas d'abord une quête intime ?
Tout commence par un drame sur la côte est de l'île de Bonaire en juillet 1991. Il est résumé ainsi par le préfet de Kralendijk: « Selon le témoignage de Thomas Tangvald, seul survivant, sur le premier bateau, nommé Artémis de Pythéas, étaient embarqués son père et sa sœur. Thomas Tangvald était sur son propre bateau, tiré par l’Artémis de Pythéas à l’aide d’une corde. Les deux bateaux ont été intégralement détruits. Aucun document ne permet de renseigner l’identité des deux corps qui ont été trouvés. Seul Thomas Tangvald a pu les identifier formellement comme étant Per Tangvald (employant aussi les noms Peter et Pierre), né à Oslo en 1924, et sa fille, Carmen Tangvald, née à Horta en 1983. »
Ce n'est que de longs mois plus tard, au hasard d'une lecture d'un magazine, que Virginia et sa mère, qui vivaient séparés de leur père et mari, apprendront le double décès au cours de cet accident jugé inexplicable. « L'article s'intitulait : "Morts en mer : la tragédie frappe à nouveau pour Peter Tangvald et sa fille. » En couverture figurait une photo de lui torse nu, regardant au loin, un bébé blotti contre sa poitrine. Mais le bébé n'était pas ma sœur, c'était moi. »
Mais ce qui rend l'histoire encore plus folle, c'est qu'elle est précédée d'autres drames. En longeant la côte de Bornéo, l'aventurier avait vu Lydia - la mère de Thomas - assassinée par des pirates. Sa deuxième épouse, la mère de Carmen, était tombée par-dessus bord pendant une traversée de l'Atlantique en 1985.
Virginia doit désormais vivre parmi les fantômes. « Tellement longtemps et tellement fort que je suis peut-être devenue moi-même fantôme. Un pied dans le monde des vivants, un pied dans le monde des morts. »
Mais elle a envie de comprendre et part à Porto Rico voir son frère. Mais elle n'en apprendra pas davantage d'un homme déchiré qui se soigne avec l'alcool et la drogue.
Cet échec ne va toutefois pas la détourner de son objectif, car ce mystère est comme une plaie ouverte : « J'avais souvent froid. J'avais peur de rester toute ma vie sans pays, sans racines, sans identité. »
Elle va interroger d'autres témoins qui ont croisé la route du navigateur, consulter les rapports de police, le dossier des affaires étrangères, retrouver les boîtes d'archives laissées en héritage. « J’inspectai des enveloppes avec le nom de Simonne écrit de la main de mon père, des diapositives, un enregistrement audio de la BBC sur ruban daté de 1965, des centaines de pages de manuscrits, des journaux de bord, des articles de presse. »
Alors qu'elle cherche à construire son intime conviction, elle apprend la disparition en mer de Thomas qui avait quitté la Guyane française en direction du Brésil, et dont avait perdu la trace depuis. Un nouveau mystère qui vient renforcer le sentiment de malédiction qui frappe la famille et que Virginia réussit à rendre avec maestria. On partage ses doutes, on s'interroge avec elle. Et si jamais elle ne va au-delà des hypothèses, on sent bien que la vérité pourrait être une horreur absolue. L'émotion, toujours à fleur de peau, nous étreint alors, béats d'admiration devant le courage et la ténacité de l'autrice.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici ! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre et en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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C’est étonnant, j’aurais plutôt mis cet ouvrage dans la catégorie non fiction.
Il est davantage pour moi un récit autobiographique qu’une fiction, puisque l’autrice nous raconte l’histoire de sa famille, et plus particulièrement de ce père, navigateur.
La famille fait bien des ravages en temps ordinaire, mais en plus, quand celle-ci est animée d’une passion qui emporte tout, il est vraiment difficile d’y trouver sa place.
Il a fallu bien du courage à la mère de Virginia Tangvald, pour partir, et ainsi protéger sa fille, même si aujourd’hui, il lui manque forcément des choses, de ce père.
Un homme présenté, comme, égoïste, à femmes, peut être meurtrier…et dont la seule unique véritable passion, la mer, aura coûté la vie à ses enfants.
C’est toujours compliqué de s’immiscer dans la vie des autres, je comprends son désir d’en apprendre plus sur son passé….mais est ce que c’est nécessaire, pour nous lecteur…. ?
Il y a de jolis moments, assez poétiques, mais la noirceur, les choses non résolues, me laissent un sentiment désagréable, que je ne saurai même pas vraiment expliquer.
Une lecture en demi-teinte.
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