Retour sur la soirée par Colette LORBAT, lectrice
Retour sur la soirée par Colette LORBAT, lectrice
Le 23 novembre à 18h, à Paris dans le 15e arrondissement.
"Ascension" de Vincent Delecroix, un voyage étourdissant, éblouissant !
Les Explorateurs de la rentrée, cinquième édition !
Magnifique roman découvert par hasard dans une librairie, une lecture qui nous met face à la réalité, qui nous fait nous poser des questions humaines. Que faisons nous? Que doit-on faire ?
J'ai été sensible à ce sujet d'actualités, en suivant l'association SOS Méditérannée et ce roman est tout en justesse de l'inaction des pouvoirs, du courage des naufragés qui veulent trouver mieux ailleurs mais à quel prix ! Au prix de leur vie embarqués sur un bateau . Qui est responsable de tout ça? Un roman puissant , fort qui nous met face à notre indifférence.
L'auteur c'est basé sur un fait divers, qu'il nous dépeint comme une fiction, le mot "Fiction" , me fait froid dans le dos, nous sommes face à une tragédie, à une triste réalité que celle de la traversée des migrants dans des conditions inhumaines . En novembre 2021, des migrants, femmes, enfants et hommes se lancent dans ce périlleux voyage dans un bateau pneumatique, surchargée, pensant trouver une vie digne , de rêves que plusieurs personnes leurs faits miroiter. Malgré les 18 appels au secours, personne n'est venue à leur aide, une petite guerre en la France et l'Angleterre, pour savoir dans quel position se trouve se bateau .18 appels passés, une promesse que les sauveteurs viendront les secourir, une attente qui n'arrivera pas, causant la mort de 27 personnes. L'opératrice du Cross, a été enregistrée à son insu, elle se voit convoquer par les gendarmes, qui lui demandent des explications, pourquoi , comment à t-elle pu passer outre cette détresse. Une femme terrifiante, glaçante , qui ose dire qu'elle n'a suivi que les ordres , chacun se rejette la pierre, personne ne veut assumer cette négligence,. Il est bien facile de trouver une coupable, l'opératrice la véritable proie.
Comment pourra t-elle avancer dans la vie, se remettra t'elle en questions , un cauchemar ancré à jamais en elle. Comment une femme a t-elle pu laisser 27 personnes, cette femme qui a sainte une horreur de la mer. Un roman qui nous laisse face à nous même, qui nous met dans le questionnement. Il nous met en pleine face la réalité du quotidien de la vie des ces migrants, L'auteur, leur rend un hommage puissant, à ces gens laissés pour contre,. Je ne suis pas indemne de ce récit , bien au contraire.
Vincent Delecroix s’inspire d’un fait réel survenu en novembre 2021 et précise dans une note que les faits connus du grand public ont été repris. En revanche, son livre est avant une fiction. Il y explore le raisonnement de l’opératrice. Face à une situation dont la face dramatique n’est pas complètement perceptible, elle tente de justifier les contours de son métier et d’un certain pouvoir. Le livre se compose de trois parties et la première ouvre l’histoire avec beaucoup de force. L’interrogatoire de l’opératrice n’est pas retranscrit sous forme de dialogue mais totalement du point de vue de cette femme. Nous sommes plongés dans sa vision des choses. Elle pointe ses réflexes, ses souvenirs et son rapport à la réalité. Elle se justifie, s’empêtre, se contredit mais conserve une sincérité dans sa parole. Elle ne pouvait rien faire de plus car elle n’est pas responsable. Vincent Delecroix montre le refuge que représente pour cette femme son travail. C’est bordé de telle manière qu’elle peut jeter un voile sur la réalité. Elle n’est pas véritablement concernée. Elle n’est pas empathique. L’auteur ne lui en fait pas le procès. Il le constate et le fait avec tellement de simplicité que ça installe une brutalité dans les espaces d’empathie possibles aujourd’hui.
Le livre, dans ses deux autres parties, change de rythme en étant plus descriptif. Le narrateur omniscient donne plus de détails dans le naufrage, d’abord de l’embarcation puis de l’opératrice. L’humanité est traitée dans sa chair et dans sa moralité. Le naufrage est donc global et ce tableau est tragique.
Pour autant, le livre de Vincent Delecroix n'est pas porté par de fortes émotions. C'est la stupéfaction qui règne, notamment dans la première partie où l'opératrice, dans un flot de paroles rarement interrompu, se protège de penser à l'autre. L'individualisme sauve et ronge. Elle et nous. La société française, ses institutions, son rapport à l'autre et à l'étranger sont au coeur du livre. Bien que l'administration ne soit que évoquée, elle est dans l'ombre de l'opératrice parce que celle-ci en est la voix et les oreilles. Malgré ces sens, le sensible glisse sur elle.
« Naufrage » est le récit d’un effondrement généralisé de notre société où les sentiments d’empathie et de compassion s’effacent petit à petit quant aux flots de l’immigration.
Basé sur un « fait divers » réel, Vincent Delecroix en tire un roman très actuel et très juste. La nuit du 23 au 24 novembre 2021, 33 migrants de différentes nationalités (essentiellement des Kurdes irakiens) prennent place sur un bateau pneumatique (« small-boat ») depuis Loon-Plage en vue de rejoindre le Royaume-Uni. L’embarcation surchargée tombe en panne, se dégonfle et prend l’eau. Alors que plusieurs appels de détresse sont adressés aux secours français, les personnes sont abandonnées en pleine mer dans l’attente qu’elles rejoignent les eaux anglaises…
De ces 33 personnes, seulement deux ont survécus. Âgés de 7 à 46 ans, dont 6 femmes et 1 fillettes, c’est 27 corps (et 4 disparus) qui sont repêchés le lendemain. Ils n’espéraient pourtant que vivre en paix et se construire un avenir décent. Cela a été la plus dramatique tragédie connue sur les côtes de la Manche.
Dès 1h30 du matin, 18 appels furent passés aux secours et 6 fois leur géolocalisation envoyée. Les échanges téléphoniques entre les naufragés et le CROSS (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage) de Gris-Nez ont été enregistrés et la froideur de l’opératrice est stupéfiante et glaçante!
L’auteur part de ces événements et en tire un huit-clos oppression sur la base d’un monologue : celui de l’audition de l’opératrice face à la gendarmerie (ou finalement, face à sa conscience aussi).
Écrit d’une plume acérée, ce récit ne peut laisser personne indifférent. A la fois nécessaire mais aussi dérangeant, il ébranlera la conscience de ses lecteurs. Indéniablement, ce livre pousse à la réflexion quant à la responsabilité collective qui sous-entend la responsabilité individuelle.
La seconde partie est particulièrement poignante, où l’auteur décrit le naufrage en lui-même, en compagnie de ces migrants, sans pathos mais de façon distancée où le lecteur restera en apnée durant ces quelques pages.
Par ces quelques morts, Vincent Delecroix rend hommage à ces oubliés de la mer, à ces invisibles.
Merci!
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