Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Qu'elle signe de son vrai nom – Emmanuelle Bayamack-Tam – ou de son pseudonyme – Rebecca Lighieri – l'autrice de « La Treizième heure » a à cœur d'explorer l'univers qui précède l'âge adulte.
La lire provoque toujours un effet de saisissement tellement sa vision est originale, son imagination foisonnante, son humour cruel et son écriture fluide.
Difficile de résumer l'intrigue sous peine de déflorer l'essentiel de ce roman à deux voix, proche du conte noir, qui s'ouvre sur celle du père.
Quinquagénaire, Armand est un célèbre acteur de théâtre. Il est marié à Birke qu'il a rencontrée sur les planches.
Leur fille Miranda, vingt-quatre ans, est aux antipodes de ses flamboyants parents.
Petite chose fragile d'une blondeur éthérée, introvertie, donnant toujours l'impression d'être fatiguée et ailleurs, elle est une énigme pour son géniteur qui s'acharne, parce qu'il l'aime profondément, à la comprendre. Quitte à devoir abandonner ses certitudes rationnelles.
Sa mère narcissique, dont la beauté renversante et ostentatoire commencer à pâtir du passage du temps, s'intéresse de loin à cette enfant mystérieuse, elle dont les premières années ont été marquées par des parents dysfonctionnels et toxiques.
C'est ensuite au tour de Miranda, qui offre alors son vrai visage et non celui construit par son père, de prendre la parole pour évoquer ses souffrances les expliquant par des capacités surnaturelles inquiétantes et par une vie dont une partie se déroule dans une réalité parallèle.
Je n'en dirai pas plus sauf que Miranda, avec son empathie débordante, est aussi le symbole de la génération Z, celle qui est victime d'écoanxiété et qui peine à se projeter dans un avenir bien sombre.
« Le Club des enfants perdus » fait aussi le constat de l'incommunicabilité entre le monde des adultes et celui des « young adults », entre des parents et leur fille.
Cette observation donne lieu à de poignantes pages finales sur l'incapacité d'un père à transmettre sa capacité au bonheur.
EXTRAITS
C'est une malédiction de ne pas savoir quel est le degré de réalité de ce que l'on vit.
À sept ans, je savais déjà que j'étais vouée à l'incompréhension.
Il est des êtres qui se perdront toujours.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-le-club-des-enfants-perdus-rebecca-lighieri-p-o-l/
Quatrième roman sous le pseudonyme de Rebecca Lighieri, mais sous l’appellation d’Emmanuelle Bayamack-Tam, elle en compte dix, Le Club des enfants perdus est tout sauf un roman attendu et tranquille.
Ce roman de Rebecca Lighieri raconte une même histoire avec deux visions, complètement différentes, deux subjectivités qui s’affrontent mais ne cessent de devenir complémentaires pour décrire une adolescente préoccupée de l’avenir du monde.
Le premier à s’exprimer est Armand, un ours, comme il aime se présenter. Cet ours est plutôt du genre balourd lorsqu’il raconte le malaise de sa fille. C’est vrai que sa personnalité, être comédien égocentrique et narcissique, ne l’aide absolument pas à comprendre sa fille Miranda, complètement différente du couple qu’il forme avec Birke, en fait, une jeune femme très effacée et introvertie.
Seulement le portrait qu’il nous en fait se fissure petit à petit, montrant de plus en plus une personnalité en butte à tout l’équilibre établi de sa famille versée dans la culture, et particulièrement le théâtre. Le lecteur se transforme en petit Poucet afin de recueillir les éléments qui laisseraient deviner la véritable personnalité de Miranda. Mais, loin de s’en rapprocher, le lecteur ne peut qu’être stupéfait de la partie suivante que Miranda nous fait découvrir.
Si Armand m’avait énormément énervée, Miranda m’a complètement impressionnée, tant elle fréquente un domaine particulier. Dans la description de Rebecca Lighieri, on perçoit chez cette jeune femme, une profusion d’enfer, de malaise adolescent aux connotations fantastiques qui se manifestent à travers ses pouvoirs surnaturels. La télépathie l’empêche et l’isole. Zoomorphe, elle voyage dans le temps et le passé pour accéder à d’autres domaines que la rationalité. Est-ce des délires et des hallucinations de son psychisme perturbé, exacerbé par son malaise adolescent, ou est-ce vraiment des forces obscures que Rebecca Lighieri réveille avec son héroïne ? …
« Elle souffre de la souffrance des autres » ou des animaux « par son empathie vis-à-vis du monde » dit dans une interview Rebecca Lighieri. Et donc, en hypervigilance pour tous et tout, sa sensation de fin du monde lui semble prochaine et avec, l’extinction de l’espèce humaine.
De ces jeunes adultes, le plus souvent des filles, la génération actuelle en a de plus en plus d’exemples. Des êtres branchés sur la noirceur du monde, incapable de gérer leurs inquiétudes, qui devient vite handicapante.
Rebecca Lighieri immerge son lecteur dans l’enfer, où le père, Armand, reprenant la parole à la fin de l’ouvrage, réussira à rassembler toute la sympathie du lecteur, retrouvant ainsi son statut de père attentif, mais déboussolé, comme tous. Complètement à contre-courant de ce que la littérature produit actuellement, l’écrivaine réussit à dépeindre une jeunesse égarée, sans espoir. Ainsi, cette jeunesse qui normalement aurait tout pour être heureuse, ne peut s’inscrire dans l’avenir sans penser que le monde est en voie d’extinction. Un roman qui dérange, inquiète, mais permet de comprendre l’inquiétude de la jeunesse actuelle.
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/10/20/le-club-des-enfants-perdus-rebecca-lighieri/
Génération Z, la tempête
Miranda est la fille unique d’un couple d’acteurs exubérants, flamboyants, elle petite, menue, d’un blond transparent qui donne l’impression physiquement de vouloir s’effacer du monde.
Ce roman donne la parole à Armand le père puis à Miranda.
Une construction qui fait sens.
Armand et sa femme « bouffent » la vie à belles dents, libres et sans tabous, ils vivent pleinement, mais ils sont désorientés devant leur fille qui très tôt leur apparaît différente. Armand s’investit dans sa relation père-fille, il est présent lorsqu’elle plonge dans une dépression abyssale, il la retient à bras-le-corps, malgré sa vie bien remplie il sera toujours sur le qui-vive pour elle.
Elle, l’enfant de bonne naissance qui vit dans le confort matériel, qui est aimé, qui peut avoir accès à tout pour se construire, reste au pied d’un mur dont les parois sont irrémédiablement lisses.
« Je ne sais pas comment expliquer. C’est juste que chaque seconde, tu entends, chaque seconde, je souffre…d’être en vie. »
En 2025 la santé mentale sera la Grande cause nationale. Un Français sur cinq souffre nous dit-on.
C’est un roman audacieux, intelligent et sensible dont le ton est très juste, les protagonistes ont le langage qui leur correspond.
Le père voudrait que sa fille soit accompagnée par un homme brillant car il sait que sous des dehors banals elle est exceptionnelle.
« Car je ne pense pas manquer d’objectivité en disant que ma fille est exceptionnelle. Et elle l’est d’autant plus qu’elle ne paye pas de mine. Tout le monde se casse le nez sur sa normalité. »
Miranda qui semble toujours absente à la vie ne manque pourtant pas de ténacité pour imposer ses choix.
Miranda est une hyper sensible ce qui lui donne des pouvoirs dont parfois elle aimerait s’abstraire.
J’ai beaucoup aimé Armand, ce portrait d’homme et de père que je trouve très investi et j’ai apprécié que Rebecca Lighieri en fasse un homme bon vivant, juste égoïste ce qu’il faut pour se préserver. Le dialogue qu’il réussit à nouer avec sa fille, avec ses tête-à-tête hebdomadaires qui lui ressemble, direct, franc et attentif sont autant de moments émouvants.
Le portrait de Miranda est à l’aune de cette jeunesse qui ressent un vertige profond face au monde tel qu’il va. On se pose la question du pourquoi cette jeunesse n’a pas envie de s’investir à changer ce monde.
Finement analysé, l’écriture est belle.
Concernant les quelques lignes, au langage cru, érotiques et non pornographiques qui ont mis le feu, il me semble que nos jeunes sont soumis à des violences plus terribles, trop jeune ils ont accès aux films pornographiques et tous les jours aux images de guerre, de fin du monde, et à la violence à l’intérieur de leurs lycées.
Pour moi une polémique qui n’est qu’une tempête dans un verre d’eau.
Un grand livre qui fait réfléchir sur ce malaise grandissant. Miranda le résume ainsi :
« J’avais beau disposer d’un royaume, d’une petite enclave enchantée où reprendre des forces, la fréquentation de l’humanité m’épuisait. »
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2024/10/20/le-club-des-enfants-perdus/
Miranda parait tout avoir dans la vie ; elle fait partie de cette génération qui n’a manqué de rien, qui n’a pas connu de guerre, de manque ou de conflits. Ses deux parents vivent ensemble depuis toujours. Et pourtant Miranda n’est pas une jeune femme joyeuse. C’est même tout le contraire.
Ce roman est l’histoire de cette famille qu’ils forment tous les 3. Les parents sont comédiens reconnus, s’aiment d’un amour absolu, vivent pour eux et leur art ; Miranda cherche à vivre, sans conviction.
Le texte est divisé en deux parties : celle d’Armand le père et celle de Miranda. Deux façons différentes de parler d’eux, de leur vie, de leurs envies, de leurs peines, de leurs attentes.
A travers cette famille citadine contemporaine, c’est un tableau de toute notre société et de ses failles que nous offre Rebecca Lighieri. C’est plein de secrets, de questions sous-jacentes sur la famille et le couple, sur la jeunesse désenchantée d’aujourd’hui.
C’est inattendu, surprenant, jubilatoire, terriblement bien écrit et ça m’a laissé une délicieuse amertume teintée d’un soupçon de culpabilité et de voyeurisme.
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