Je tiens ce roman pour l’un des tous meilleurs livres de ces dernières années. La forme d’abord : de longs enchaînements de mots qui étirent les phrases, créant une houle qui vous pénètre et vous soulève, des phrases traçantes qui éclatent en gerbes de mots qui, telle la mer, vous éclaboussent...
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Je tiens ce roman pour l’un des tous meilleurs livres de ces dernières années. La forme d’abord : de longs enchaînements de mots qui étirent les phrases, créant une houle qui vous pénètre et vous soulève, des phrases traçantes qui éclatent en gerbes de mots qui, telle la mer, vous éclaboussent de leur écume noire et blanche, l’ensemble dessinant d’élégantes perspectives dont l’épure raconte le siècle de l’aviation.
Les premières pages esquissent l’épopée aérienne et la réflexion sur le temps, l’Histoire majuscule qui le jalonne, les récits humains qui l’animent et la mémoire qui prolonge la litanie. Vient s’y greffer en effet une saga familiale ancrée à Mâcon, là où coulent tranquillement les jours, la Saône et le souvenir de Lamartine. Elle se poursuit au travers de la biographie sélective et tranchante des parents de l’auteur. Lui, le père attrape dès l’enfance le virus de l’air et finit la guerre aux États-Unis comme pilote de chasse. De retour en France, il passe de la chasse à la ligne et devient pilote chez Air-France où il terminera sa carrière en 81 sur Boeing 747.
“Le siècle des nuages” est plus qu’un roman choral, c’est un roman total ! Riche de ses multiples entrées par toutes lesquelles Philippe Forest manifeste sa virtuosité romanesque, intellectuelle et stylistique : la force du récit épique qui se joue dans le ciel, la justesse et la hauteur de son analyse historique, la finesse et la pudeur de son compte-rendu familial, la profondeur de sa réflexion philosophique, le tout porté par une superbe écriture. Il est inimaginable qu’un tel livre, oublié par les jurys, passe par pertes et profits de la sur-production romanesque. Alors, lisez-le : il vous grandira.