"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Berlin 1928, cela fait 10 ans que Bernie Gunther et l’Allemagne en ont fini avec les tranchées, mais cela fait 10 ans que les funestes conséquences du conflit les poursuivent quotidiennement : traumatismes psychiatriques, alcoolisme, mutilations, inflation, chômage et sentiment d’humiliation font le lit d’une Ville qui tient davantage d’une cour des miracles que d’une capitale européenne. Inspecteur aux mœurs, le jeune Gunther est recruté par la police criminelle pour enquêter sur un assassin de prostituées qui scalpe ses victimes. Bientôt un second tueur en série se met à sévir, un tueur qui assassine les invalides de guerres qui mendient aux coins des rues, à moins qu’il ne s’agisse que d’un seul et même psychopathe ? Dans un pays ou les frémissements du nazisme commencent à se faire sentir, Gunther se lance dans sa toute première enquête criminelle.
Cette fois-ci c’est bel et bien la toute dernière aventure de Bernie Gunther, et le hasard a voulu que le tout dernier tome de cette longue saga se termine… par le début. «Metropolis » a donc un grand avantage sur les autres tomes, il peut être lu sans rien connaître des tomes précédents, qui sont en réalité les suivants chronologiquement. L’intrigue policière en elle-même est assez réussie, assez crédible et se termine de façon un peu ironique et cruelle, c’est un peu une récurrence chez Phillip Kerr, souvent la Justice ne gagne pas, ou plutôt gagne par des voies détournées. Le (ou les) tueurs, les modes opératoires, les motivations, tout cela se confond avec une ville à la dérive. Toute la saga Gunther aura été construite autour de la Seconde Guerre Mondiale, et ce dernier tome détonne en évoquant sans cesse la Première, ses conséquences terribles sur le peuple allemand. En filigrane, et c’est une inévitable conséquence, les prémisses du nazisme sont là, ils essaiment dans les esprits, gagnent du terrain, bientôt ils seront au pouvoir. En 1928, bien peu l’imaginent, et Gunther lui-même semble un peu sous estimer la menace, comme tous les autres. Bernie est fidèle à l’image que l’on gardera de lui, le même humour à froid, le même sens de la répartie, la même faiblesse coupable pour les jolies femmes. Le point d’orgue du roman est ce long passage ou Bernie se grime en clochard, se fait passer pour un mutilé de guerre pour servir d’appât au meurtrier, certainement les pages les plus « savoureuses » de « Metropolis ». Pourquoi ce titre ? Parce qu’au fil de son enquête, Bernie sera amené à fréquenter l’entourage du célèbre Fritz Lang. Cette enquête au cœur du Berlin de la République de Weimar est intéressante d’un point de vue historique bien-sur, mais aussi parfaitement divertissante en tant que roman noir. Il y a deux façons de lire la saga Gunther, dans l’ordre de parution, en faisant des allers-retours incessants dans le temps, ou bien dans l’ordre chronologique. Si l’on choisit cette option, alors il faut commencer par « Metropolis » !
J'adore Philip Kerr, que ce soit pour Bernie Gunther ou pour ses livres pour enfants. J'ai moins aimé ses polars plus classiques, raison pour laquelle sans doute, je ne m'étais jamais plongé dans la trilogie footballistique avec Scott Manson. Le début de la coupe du monde m'en a donné l'envie et je ne l'ai pas regretté. Kerr raconte l'univers de la Premier League "moderne" en fin connaisseur de ce sport, de ses origines, de ses coulisses et de ses excès. On retrouve le ton de la trilogie berlinoise en plus léger bien sûr et toute proportion gardée en terme d'importance historico-politique.
Munich, 1957, désormais sous le nom d’emprunt de Christoph Ganz, Bernie Gunther accepte le travail que lui propose un ancien ami de l’époque de la Kripo : devenir expert enquêteur pour une compagnie d’assurance. Enquêter il sait faire, et en plus le job est bien payé et lui permet de voyager. Il est rapidement envoyé à Athènes pour faire la lumière sur le naufrage d’un bateau en Mer Égée, un bateau recherchant des antiquités. Lui qui pensait s’offrir un séjour tranquille au soleil de la Grèce se retrouve encore une fois sur la route d’un dignitaire nazi en fuite, et met à jour bien autre chose que des antiquités. Les cicatrices de la Guerre et de ses atrocités sont loin d’être refermées, en Grèce comme ailleurs.
C’est un plaisir de retrouver Bernard Gunther, même si l’aventure se termine bientôt. Décédé en 2018, Philip Kerr n’a sûrement pas eu le temps de sceller le destin de son héros tragique. Toujours condamné à la fuite depuis la fin de la Guerre, en raison de son incorporation de force dans la SS, il a enfin réussi à remettre le pied en Allemagne, même s’il est loin de son Berlin chéri coupé en deux. Il est d’ailleurs ironique et injuste qu’il soit condamné à vivre sous un nom d’emprunt alors que, Philip Kerr l’affirme tout au long du roman, des SS bien moins fréquentables que lui ont désormais pignon sur rue dans le nouveau gouvernement ouest-allemand. Vieillissant mais toujours fidèle à lui- même, adepte des jolies femmes et de l’humour, victime de son propre sens moral, Gunther finit toujours par se retrouver petit a, que la route d’une très jolie femme et petit b, au bout du canon d’une arme ! Dans chaque roman de la saga ou presque, il aura croisé la route d’un grand dignitaire nazi, ici, il s’agit d’Alois Brunner, de funeste mémoire. Sans trop en dire, nous sommes en 1957 dans un pays qui a connu l’occupation nazie et qui semble avoir encore beaucoup de cicatrices mal refermées. Mais nous sommes aussi en 1957, année de la signature du traité de Rome, et cette nouvelle aire européenne qui s’annonce, prometteuse pour l’Allemagne (de l’Ouest) et qui fait également très envie à la Grèce : le devoir de mémoire et la realpolitik de la Guerre Froide se télescopent, et Gunther n’est pas très à l’aise avec cette ambivalence. Agréable à lire, assez clair (même si comme d’habitude, la multiplicité des personnages peut dérouter), très instructif aussi, le roman de Philip Kerr se permet d’ouvrir une perspective intéressante pour Gunther, perspective qui a malheureusement toutes les chances de s’avérer sans lendemain. Ce que j’aime dans cette série, au-delà de l’affection que le héros suscite (en dépit de son cynisme, sa pointe de misogynie et sa haine des Français), c’est qu’il m’aura fait voyager dans toutes les pays concernés par la Seconde Guerre Mondiale, comme la Bohême-Moravie, la Croatie, l’Ukraine ou ici, la Grèce. Nous connaissons bien l’Histoire de la France occupée mais beaucoup moins les autres théâtres d’opération. Avec Gunther, Philip Kerr nous aura emmené à travers l’Europe et l’Amérique Latine prendre une petite leçon d’histoire contemporaine. C’est un des aspects de la saga qui m’aura le plus intéressé, et c’est un de ses atouts en plus de tous les autres.
Dans la Russie des années post Gorbatchev, une enquête au cœur des mafias de Saint-Pétersbourg mêlant
corruption, contamination radioactive sur un trafic de viande, pressions politiques, le tout sur fond de conditions sociales et économiques plus que difficiles au quotidien. On sent que l'auteur connaît parfaitement son sujet et si l'enquête se passe dans un climat plutôt sombre, la narration ne manque toutefois pas d'humour du fait des deux protagonistes principaux. C'est très intéressant et réussi.
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
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