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Je rencontre l’autrice ardéchoise sur un salon du livre en Provence, elle me présente son roman avec une joie simple, une vitalité légèrement pudique mais contagieuse que je retrouverai chez son personnage principal, la jeune ouvrière de seize ans, JULIETTE, qui quitte la ferme familiale à l’été 1938 pour débuter comme ouvrière dans un moulinage où elle va découvrir le monde de la soie.
Malgré les améliorations dues au Front Populaire, les conditions à l’usine restent on ne peut plus dures, et les filles vont vite grandir et devenir des femmes qui lutteront pour un meilleur avenir, des droits plus justes. La délicate et empathique Juliette a des rêves et comme Anna Karénine elle voudrait une vie libérée de tutelle autant parentale que maritale, d’une passion amoureuse et non d’un mariage sans amour.
En toile de fond, l’ambiance de cette guerre encore incertaine comme un nuage qui menace de plus en plus de finir en éclairs meurtriers. Pourtant la jeune fille croit en la vie, en SA vie, et en son Lucien dont elle tombe amoureuse et qui semble porteur d’un étrange secret. Mais elle a bien l’intention de mordre cette vie à pleines dents.
Ce roman nous immerge dans cet univers de la soie qui n’a de doux et de merveilleux que le nom. Pourra-t-on encore regarder un carré Chanel avec les mêmes yeux qu’avant ? Cette industrie de la soie née en 2000 avant J.C. en Chine, dont le secret parviendra en France et qui verra son apogée au 19ème siècle à Lyon, l’Ardèche devenant le lieu où l’on travaille entre autre la soie grège pour en faire du voile ou du crêpe très en vogue dans les années 30.
L’autrice a réussi à montrer les conditions de travail et de vie difficiles sans jamais tomber dans le pathos, au contraire avec une grande douceur. Ce qui prouve qu’aucune situation de vie est toute heureuse ou toute douloureuse, mais que tels des fils de soie, les bonnes et les mauvaises nouvelles se côtoient, s’enchevêtrent et sont tissées par les ouvrières, chacune selon ses capacités, son courage, ses espérances. Toutes ces très jeunes femmes ont vite compris l’intérêt de leur complicité, de leur cohésion de groupe. Sans soutien ou entraide, aucune chance !
Malgré leur vécu dans des familles pauvres, connaissant bien la solitude ou la maladie pour certaines, l’absence de tout confort comme l’électricité ou de simple latrines, elles gardent en elle la fraîcheur de l’âge.
« Elles marchèrent bras dessus, bras dessous en un joyeux groupe de filles endimanchées de robes légères et fleuries, enthousiasmées par la promesse de distraction, d’avance ivres de musique et de rires ».
Et ce qui aujourd’hui nous semble inconcevable, mais que l’on retrouve dans des pays pauvres, cet émerveillement à pouvoir s’offrir un magazine de mode avec un patron pour une robe qui sera le cadeau de Noël !
Mr Capelle, le directeur d’usine, dont « l’enfance, à défaut d’être joyeuse, avait été soyeuse », maire, notable du coin, se révèle un être très ambigu, tourmenté et qui au fur et à mesure de ses déboires va durcir les règles, presser ses employés pour toujours plus de rendement dans l’espoir désespéré d’une meilleure rentabilité. Une sorte de CAC40 avant l’heure ? Avec une ambiance d’open-space où il est interdit aux ouvrières d’échanger ne serait-ce que quelques mots !
« Cette main d’œuvre de la campagne était décidément docile, bon marché et peu revendicative. »
Mais l’intransigeance est rarement bonne conseillère. Mme Capelle équilibre le tout de par sa grande humanité et les cours qu’elle donne aux filles, de façon très maternelle, presque maladive.
Même si l’usine ne représente qu’une fausse liberté, « la soie, pour elle, (Juliette) c’était le luxe suspendu à ses doigts ».
Un premier roman social et historique, chaleureux et très informatif, qui fait pendant à celui de Paola Pigani, « Et ils dansaient le dimanche » (éditions Liana Levi 2021) qui traite, lui, de la vie en usine de viscose près de Lyon à la même période (voir ma chronique).
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