"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Elle était la plus belle prostituée de Naples. Elle faisait la renommée du Paradiso où les notables se pressaient, juste pour l’apercevoir puisqu’elle ne donnait son temps et son corps qu’à seulement deux clients. Une semaine avant les fêtes de Pâques de 1932, alors que le printemps essaie de percer le vent glacial qui souffle sur la ville, la trop belle Vipera s’est éteinte, aidée par un oreiller pressé sur son jeune visage.
Tout le monde aimait Vipera alors qui voulait sa mort ? Pour le commissaire Ricciardi et son fidèle Maione, l’affaire est opaque. Qui a puisé suffisamment de haine au fond de son coeur pour assassiner celle qui rendait les hommes fous d’amour ?
Leur enquête commence dans les effluves alléchantes des spécialités pascales et celles, plus sournoises, de la terreur fasciste.
Pour cette nouvelle enquête, Ricciardi fréquente, à son corps défendant, un bordel napolitain. Un de ceux où échouent les filles de la campagne qui ont le tort d’être trop belles pour ne pas susciter la convoitise des hommes. Dans ce milieu où il n’est pas à l’aise, le commissaire peut compter sur le docteur Modo, son ami médecin qui aime passer ses soirées en bonne compagnie.
Outre l’enquête, Maurizio de Giovanni raconte surtout sa ville, ses traditions, ses ruelles et ses grandes avenues, ses petits métiers et ses notables. Et puis il y a ‘’la tête de vache’’, Mussolini, dont les chemises noires étendent leurs tentacules sur tout le pays.
Ricciardi ne se mêle pas de politique, Maione reste prudent pour protéger sa famille, mais leur ami Modo ne rate jamais l’occasion de critiquer haut et fort les fascistes. A ses risques et périls ! Le brave docteur va se mettre à dos des personnages peu recommandables mais puissants, donnant l’occasion à ses deux comparses de prouver que, pour eux, l’amitié n’est pas un vain mot.
Côté vie privée, on partage avec plaisir les joies simples de la vie de famille du brigadier et les hésitations du commissaire entre sa triste solitude, la voluptueuse Livia ou la sage Enrica.
Un tome très sombre, le fascisme se rapproche insidieusement et nul n’est à l’abri. Il faudra bientôt choisir son camp et prendre des risques…Heureusement, l’auteur sait aussi manier l’ironie et le sarcasme et on se régale des piques que se lancent les trois amis ou des dialogues cocasses entre Maione et Bambinella, son indic qui le drague effrontément.
Une série qui reste toujours aussi séduisante.
J'arrive un peu comme dans un jeu de quille, n'ayant pas lu les nombreux tomes précédents celui-ci et ayant pour personnage principal le Commissaire Ricciardi. Je vous demande donc de l'indulgence quand à ma compréhension de ce personnage complexe et intriguant.. Nous sommes dans les années 30 et assistons au retour de Vinnie Sannino à Naples, cité qu'il a délibérément quittée plus de quinze ans auparavant. C'est comme boxeur qu'il a fait fortune à New York , aujourd'hui il revient retrouver son grand amour Cetina. Mais voilà, Cetina n'a pas pu l'attendre, elle s'est mariée... Un crime a été commis et pour le résoudre seuls Ricciardi et Maione seront sollicités. Un polar où il est question d'histoire d'amour contrariée, de passions non partagées et finalement de la destinée des uns et des autres et de la façon d'on elle s'entremêle.
Une galerie de personnages colorée et un style croyable qui donne à cette histoire un côté immersif. Il faut dire que le personnage tragique du femminiello Bambinella et son ami le Brigadiere Maione père de famille nombreuse étaient aussi improbable qu'inattendu. L'auteur décrit si bien la ville de Naples comme un personnage propre que l'on s'y croirait. J'ai apprécié aussi la particularité paranormal du Commissaire Ricciardi, même si je suis bien incapable de comprendre comment et pourquoi il a certaine capacité. J'ai aussi aimé quelques chapitres à part, ajoutant une pointe de mystère, où il est question d'un vieux musicien qui transmet son savoir à un plus jeune, il y avait une poésie et une philosophie de la vie qui s'en dégageait joliment. Enfin on ne peut que frissonner, nous lecteur sachant ce que l'on sait de Mussolini et du régime fasciste qui se met en place. Un coup de cœur pour cette façon bien à lui d'écrire avec les codes du roman policier mais aussi avec un certain recule sur l'humain qui donne une perspective souvent effrayante. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2022/11/10/39648632.html
En ce mois de mai, la canicule s'est abattue sur Naples comme la misère sur le monde. C'est alors que le commissaire Palma est informé de la disparition d'Edoardo Borrelli, âgé de neuf ans, petit-fils d' Edoardo Borrelli senior, riche et influent entrepreneur napolitain, vieillard intraitable et acariâtre. Pendant que Romano et Aragona essaient d'y voir plus clair au sein de cette famille plus unie par la haine la dépendance matérielle que par l'amour, Lojacono et Di Nardo enquêtent sur un cambriolage plutôt louche survenu dans l'appartement du couple Parscandolo: pourquoi Lojacono a-t-il l'impression d'une mise en scène? Et pourquoi Salvatore Pascandolo ment en déclarant que son coffre fort ne contient rien d'important?
Malgré l'appel des ravisseurs, l'enquête piétine: malgré l'acharnement de Romano et d'Aragona qui se démènent tant qu'ils peuvent, aucun indice significatif ne fait surface. Et si, finalement, l'enlèvement du jeune garçon masquait un crime plus grave? Tandis que Lojacono et Di Nardo soupçonnent la femme de Parascandolo de ne pas être aussi "blanche" qu'elle veut bien le faire croire, les "salauds" de Pizzofalcone vont devoir se serrer les coudes et user de toutes leurs ressources pour démêler l'écheveau inextricable de ces deux sordides affaires.
Dans ce troisième opus de la série mettant en scène l'inspecteur Lojacono, Maurizio de Giovanni continue d'explorer les tréfonds de la ville de Naples, cette fois en racontant une lamentable histoire d'enlèvement et d'un banal cambriolage, sur fond de crise économique et de désespoir, montrant avec sa dextérité habituelle que derrière la plus jolie façade se cachent les pires instincts, réduisant en miettes les sentiments les plus nobles, transformant les êtres en de redoutables prédateurs. Comme l'ont constaté les plus grands philosophes des siècles passées, notamment Erasme, Francis Bacon ou Hobbes "Homo homini lupus est", ce qui signifie " L'homme est un loup pour l'homme", locution on ne peut plus pessimiste...
Le style: dès les premières pages, le ton est léger, l'ambiance est décontractée, avec beaucoup d'humour: "-Président, si je ne t'avais pas parlé, tu ne te serais même pas rendu compte de ma présence. Ô vieillesse ennemie!... Le plus âgé et le plus jeune du commissariat adoraient se titiller, l'un sur le ton d'un professeur ayant affaire à un élève attardé, l'autre en ramenant systématiquement sur le tapis le sujet de la démence sénile." (Page 13)...Ou quand Aragona se moque gentiment de Romano, surnommé "Hulk" à cause de son caractère impulsif et emporté: "Eh! Hulk! Ton surnom, ils te l'avaient déjà donné dans ton ancien commissariat, non? Et maintenant, tu vas te foutre en rogne, devenir tout vert et arracher ta chemise." (Page 16). Cependant, la langue est riche, imagée, presque poétique par moments, surtout lorsque l'auteur décrit la ville.
Pour autant, il ne faut pas s'y tromper: Et l'obscurité fut est un roman sombre, sans aucune illusion sur la présence du Mal parmi les humains...Alors que les ténèbres les plus noires s'emparent de leur cœur et de leur âme, à l'image des flics ripoux qui ont entaché la réputation du commissariat de Pizzofalcone. De ce fait, le récit alterne ces passages légers avec des passages plus graves, braquant ses projecteurs sur la détresse et la misère humaines, que l'on peut croiser à chaque coin de rue, sous n'importe quelle forme, sans distinction de sexe, d'âge ou même de classe sociale.
L'histoire du commissariat constitue à elle seule un récit dans le récit: c'est pour remplacer les quatre flics ripoux destitués l'année précédente que Aragona, Romano, Di Nardo et Lojacono ont été nommés à Pizzofalcone; avec pour premier défi de redorer son blason, et surtout d'honorer la confiance toute relative accordée à Palma par la préfecture centrale en obtenant des résultats tangibles, faute de quoi le commissariat serait définitivement fermé. "En effet, si la police entière de la ville les désignait ainsi ( "i bastardi, en italien, ce qui signifie "les salauds"), c'était à cause des quatre collègues du commissariat qui s'étaient fait pincer pour trafic de cocaïne. Calabrese et Pisanelli avaient été les témoins directs de cette sale affaire (...)Le commissariat avait même été menacé de fermeture. Pour finir, l'enquête avait été close et les quatre brebis galeuses, que tout le monde appelait désormais les Salauds de Pizzofalcone, remplacés. Or leurs successeurs avaient hérité de cette étiquette insultante." (Page 14)...
Avec pour mission officieuse de montrer une image positive de la police qui, avec cette affaire, en avait pris un sacré coup: "Comme beaucoup de ses collègues qui luttaient du matin au soir, dans la douleur, contre la décomposition des rues et des ruelles sous l'action de leurs habitants, il (Palma) se sentit dégoûté, en proie à la colère. Ainsi, lorsqu'il apprit que le préfet avait l'intention de fermer le commissariat, admettant par là l'échec des forces de l'ordre, il se rebella et demanda à reprendre le poste." (Page 19).
Avec cette troisième enquête de l'inspecteur Lojacono et de ses collègues du commissariat Pizzofalcone, De Giovanni est monté d'un cran. En effet, l'intrigue est efficacement mise en place, les enquêtes sont menées sur les chapeaux de roues par les policiers, au rythme de la ville toujours en éveil dans laquelle ils évoluent. Il suffit de fermer les yeux pour entendre le bruit des voitures et des scooters, pour sentir les odeurs de gaz d'échappement mêlées aux relents de la mer qui s'étalent au pied des collines, pour voir ces gens de toutes conditions se démener afin de tirer à soi une partie, si infime soit-elle, de la couverture qui recouvre les riches maisons bourgeoises.
Les personnages récurrents sont criants de vérité, même lorsque l'auteur dresse un portrait comique, presque caricatural avec notamment Aragona, le frimeur de service, ou Romano, le "dogue" du commissariat. Peu à peu, on les découvre aussi dans leur vie quotidienne, celle qu'ils ont une vie en dehors de leur travail, leur solitude, leurs problèmes de couple, d'argent aussi, montrant qu'ils ne sont pas des super-héros, mais des hommes et des femmes comme tout le monde, avec leurs qualités et leurs défauts. Ce qui les rend attachants, proches de nous, humains...
Dans ces romans très réalistes, Maurizio de Giovanni s'attache à montrer le dessous des cartes postales destinées aux touristes: Naples est cité peuplée de gens qui aiment, qui souffrent, qui vivent et qui meurent comme partout ailleurs. On pourrait presque les comparer à une étude sociologique, analysant les travers et les manquements d'un pays si loin et en même temps si proche du nôtre, luttant pour se sortir du marasme de la crise qui accable toute l'Europe, pour se redonner de nouveaux repères et enfin aborder des rivages plus cléments...
Quelques mois après l'affaire relatée dans La Méthode du crocodile, qui "l'a réhabilité professionnellement mais l'avait rendu impopulaire auprès de ses collègues: il ne connaissait pas la ville, ne disposait pas de réseau d'informateurs, mais s'était pourtant payé le luxe, avec sa seule logique, de trouver la solution d'une série de crimes aussi complexes, damant le pion à la préfecture acculée au mur par la presse et l'opinion publique." (Page 12). Evidemment, après cet exploit, le commissaire Di Vincenzo ne pouvait décemment pas le laisser croupir au service des plaintes. Mais le commissaire Palma, le nouveau chef du commissariat de Pizzofalcone, qui l'avait rencontré lors de l'affaire du "crocodile", l'a demandé expressément comme collaborateur.
Alors que Lojacono vient de prendre ses nouvelles fonctions à Pizzofalcone, Cécilia de Santis est brutalement assassinée, la nuque brisée par une boule à neige de sa collection. Certains objets en argent ont disparu, mais ni les bijoux coûteux, ni le presse-papier en or. Le voleur a-t-il été dérangé? Ou a-t-on voulu faire croire à un vol afin de masquer un crime prémédité? Mais par qui? Et pourquoi?
Comme dans la précédente enquête de Lojacono, Naples, ville où se déroule l'intrigue, est bien plus qu'un simple décor; elle participe de l'histoire en cela qu'elle influence les comportements, qu'elle explique en quelque sorte pourquoi de tels crimes sont possibles. Ainsi, les descriptions qu'en fait l'auteur non seulement permettent au lecteur de se représenter les lieux, mais encore donnent aux personnages qui y évoluent une épaisseur supplémentaire, un souffle de vie...
Naples:
"A travers les vitres détrempées par les rafales de pluie, il aperçut la mer démontée, occupée à son travail millénaire de sape autour du château de tuf allongé sur sa presqu'île. Cette île trouvait toujours le moyen de vous surprendre en vous offrant soudain des panoramas d'une beauté illusoire." (Page 24)..."La rue en question se trouvait dans une zone populaire à la mode une dizaine d'années auparavant, ce qui avait éveillé les ambitions et fait grimper les prix. Cependant, le projet de revalorisation n'avait pas été mené à son terme, si bien que le quartier procurait au visiteur une impression de croissance avortée, avec son mélange de magasins d'un certain standing et d'échoppes, de nouvelles constructions et d'immeubles décatis." (Page 83).
Le commissariat de Pizzofalcone:
Au sein même de Naples, le commissariat semble comme une enclave, un lieu à part, jouant également un rôle bien plus important que celui de simple décor: "Sa circonscription assez limitée géographiquement mais très peuplée englobe une partie des quartiers espagnols et descend jusqu'au front de mer. On y trouve quatre mondes, comme on disait autrefois: petit prolétariat, bourgeoisie d'employés, haute bourgeoisie commerçante et aristocratie. Seule manque l'industrie. Tout ça sur trois kilomètres à peine de bout en bout. Un des plus anciens commissariats de la ville, petit mais stratégique." (Page 16)..."On accédait au commissariat de Pizzofalcone par la cour d'un ancien immeuble. Sa façade décrépite et replâtrée par endroits produisit sur Lojacono une impression de décadence et d'incurie..." (Page 22)...
Deuxième enquête de l'inspecteur Lojacono aussi convaincante que la première: des personnages bien campés, intéressants, dont on aime suivre les péripéties aussi bien dans leur vie personnelle que dans leur travail de police, dont l'auteur dévoile peu à peu les ressorts qui les animent, qui les poussent à s'investir de plus en plus dans une enquête plus complexe qu'il n'y parait à première vue; une intrigue bien ficelée dans laquelle on ne s'ennuie pas une seconde; un style direct, un peu abrupt parfois, à l'image de ce monde sans concession que décrit Maurizio de Giovanni sans complaisance ni apitoiement ; des décors qui n'ont rien d'artificiels, dont on sent qu'ils participent de l'histoire, qu'ils ne sont pas là juste pour meubler. Une intéressante descente au cœur de cette société italienne en proie à des soubresauts révélant ses lacunes, mais aussi ses fragilités. Société dans laquelle les êtres se débattent, essaient de tirer leur épingle de ce jeu qui semble bien perturbé, faussé...
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