"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Tout change mais rien ne change.
Voilà ce que l’on pourrait se dire en sortant de ce pavé qui regroupe 6 décennies d’articles de Martha Gelhorn, des années 30 aux années 80.
Ces articles c’est elle-même qui les a choisi, deux ans seulement avant de se suicider, comme une sorte d’autobiographie. Et alors que son travail de journaliste l'a emmené à couvrir tous les grands conflits mondiaux, elle fait le choix ici de compiler des textes qui parlent de l’après ou de l’avant, des reportages en temps de (presque) paix: le Sud profond de l’Amérique pendant la Grande Dépression ; la culture dans la Pologne communiste ; le difficile chemin vers la démocratie en Espagne ; Thatcher et les mineurs… Un demi-siècle d’Histoire.
Le livre est organisé par décennie avec à la fin de chacune, un chapitre de conclusion dans lequel Martha revient sur ce qu’elle a vécu, ce qu’elle a perçu et son regard sur l’époque avec le recul .
Le premier article de cette collection vous met un coup de pied dans le bide. Années 30, elle assiste à un lynchage dans le Mississippi. Le reste rend compte de manière saisissante de l'intensité de son travail. De Gaza au Salvador, en passant par Cuba, c’est l'Histoire sur le vif, prise au moment où elle se déroule. C’est le regard de cette incroyable journaliste sur des problèmes et des crises politiques, civiles ou sociales, sur des révolutions en gestation, sur le terrorisme d'État, la pauvreté, l’injustice.
Même si sur un ou deux points, je ne partage pas son avis, je suis en admiration totale pour sa clairvoyance, sa capacité à sentir le monde et bien évidemment son indépendance et son courage.
D’une rare intelligence, ses écrits ont un accent de vérité dont manquent beaucoup de papiers aujourd’hui. Avec en plus une qualité littéraire qui rappelle que le talent de Gelhorn allait au-delà du journalisme.
Traduit par David Fauquemberg
Martha ♥️
Celle qui fut correspondante de guerre, qui couvrit presque tous les conflits majeurs, de la guerre civile espagnole à l'invasion américaine du Panama en 1989, celle qui fut la seule femme aux côtés des 157 000 hommes à débarquer le 6 juin 1944 en Normandie, voulait qu'on se souvienne d'elle en tant que romancière. Pour la plupart des gens, elle est connue pour avoir été l'une des quatre épouses d'Hemingway... Or, Martha Gellhorn n'est pas une note de bas de page dans la biographie de quelqu'un d'autre, elle est l'une des grandes figures féminines du 20ème siècle.
« J'ai vu la misère », publié en 1936, est son premier livre, composé de quatre nouvelles, lestées d'une évidente valeur documentaire. Chaque histoire résulte de l'observation directe de Martha Gellhorn des ravages la Grande Dépression. Sur la base des rapports qu'elle transmettait à l'administration Roosevelt en tant que jeune journaliste de terrain, elle a construit des fictions qui donnent un visage et des prénoms à ceux qui furent les victimes de ces années noires. Compatissante mais surement pas larmoyante, Gellhorn raconte la pauvreté écrasante, la faim, le chômage, le désespoir et la honte de devoir faire appel à l'aide sociale. « Ruby » est sans doute la nouvelle la plus bouleversante de ce recueil ; l'histoire de cette fille rêveuse de 11 ans prête à tout pour s'offrir des patins à roulettes.
D'une écriture directe et vive, Martha Gellhorn se fait la porte-parole de ces gens ordinaires, elle leur rend dignité, humanité et dessine avec sobriété le portrait d'une Amérique déclassée. Un recueil remarquable qui fît entendre pour la première fois la voix de cette femme exceptionnelle.
Traduction de Denise Geneix, révisée par l'éditeur.
La journaliste et reporter de guerre Martha Gelhom (2eme femme d'Hemingway) nous relate ses pires voyages en Chine, dans le Pacifique, en Afrique et en Russie. Un style drôle, vrai, franc.
J'ai adoré sa traversé de l'Afrique d'Ouest en Est (Cameroun, Tchad, Soudan, Kenya, Burundi) avec son chauffeur qui ne savait pas conduire et son voyage en URSS !
Un livre à mettre entre toutes les mains des passionnés de voyages.
EXTRAITS:
"Son parcours et son milieu social sont intéressant – pas lui. Je commence à m’habituer, dans ces contrées reculées, chaque étranger mène une vie singulière et devrait donc être une personne singulière – mais ça ne marche pas du tout comme ça".
L’usage du mot « démocratie » sous ces latitudes tient plus à notre passion pour l’aveuglement et à notre amour pour cette idée qu’à la réalité des choses. Les Noirs ne connaissent aucune autre forme locale de gouvernement que le pouvoir absolu des chefs traditionnels : le président est un super chef c’est tout.
À propos du Tchad :
"La partie française du village évoque les films sur la Légion étrangère, avec maison du commandant, le fort et la mairie, décrépits, isolés, d’une blancheur éblouissante sous le ciel pâle, enveloppé de poussière – la fin du monde".
"Des Moscovites étaient assis sur des banquettes d’en face. Les voyages en métro ne font jamais ressortir l’éclat des passagers, où que ce soit, mais ces citoyens-là avaient la même tête quand on les croisait dans les rues. Ils ne devaient pas tous être vêtus de gris, de marron ou de noir, mais c’était l’impression qui se dégageait d’eux : des habits ternes sur des corps lourds, couronnés de visages las, inexpressifs. Dans la chaleur suffocante de l’été, leur peau gardait un teint de ciment pâle.
Les gens faisaient la queue pour 6 carottes. Les laitues se vendaient à la feuille. Certains achetaient une seule fleur et repartaient en la tenant avec un soin extrême et une expression d’extase. Authentique : après 55 ans de règne, c’était tout ce qu’avait trouvé le Kremlin pour approvisionner en produits frais la capitale. A quoi bon conquérir l’espace si l’on était pas capable d’installer sur Terre, en nombre suffisant, des épiceries dignes de ce nom ? "
Récit émouvant et bien documenté de plusieurs familles de l'Amérique en crise dans les années 30.
EXTRAITS:
« Assises sur le perron, les vieilles felles se reposaient de l’effort d’avoir vécu une autre journée ».
« Le danger était passé, elle était sortie d’embarras. Elle contempla ses mains et comprit combien elle était vieille. Qu’importe. Elle avait triomphé. Jusqu’au lendemain. Jusqu’à la prochaine difficulté ».
« Elle étit trop lasse pour discuter. A quoi bon, d’ailleurs ? On n’a qu’un certain nombre de raisons pour vivre, alors quand on les a perdue… ».
« Il tuait le temps grâce au sommeil ; le reste de la journée il lisait, silencieux, le front plissé par la concentration. Lorsqu’il se mit à faire froid il lisait des livres sur les pays chauds. Des livres de voyage. Dans ces contrées lointaines, les hommes se laissaient surprendre par des évènements étranges, très éloignés de leur civilisation ».
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