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Lire un classique juste pour le classique n'est pas une fin en soi. Il faut y voir un intérêt, une affinité d'où qu'elle vienne.
"Mémoires d'Hadrien" faisait partie de ma (trop longue) liste de romans à lire, et c'est à l'occasion de la remise du prix orange du roman à Marianne Jaeglé (l'ami du prince) que je me suis décidé à sauter le pas.
Je n'ai pas grand chose à rajouter sur ce chef d'oeuvre de la littérature. Ce n'est pas forcément un roman que l'on absorbe d'une traite, et à ce titre il m'a fallu du temps pour en venir à bout. Néanmoins, on s'en abreuve comme une source féconde de réflexions riches avec une mise en relief de l'empereur Hadrien très réaliste d'un point de vue historique. C'est donc en premier lieu un travail documentaire et historiographique exemplaire.
Ce qui fait le sel de cette biographie fictive ou "lettre testament" diront certains, c'est le caractère universel de sa réflexion, pourtant ancrée dans une époque qui nous est lointaine. Le personnage d'Hadrien est restitué dans toute sa complexité et ses nuances. Rien n'est épargné. Il y a un fond philosophique très dense, parfois ardu et qui peut démoraliser. C'est un regard sur le pouvoir qui est intemporel. Les époques passent, les hommes trépassent mais les mêmes errements demeurent. Une forme de cyclicité politique se met en place, laquelle n'est pas nouvelle si l'on se réfère à de nombreux philosophes (Platon, etc...).
Côté style, je découvrais Marguerite Yourcenar et je dois dire que j'adore. Les tournures de phrase, le rythme donnent une fluidité à la lecture sans pour autant la rendre plus rapide, pour les raisons évoquées plus haut. Je ne regrette en rien cette lecture.
Dans ces entretiens, Marguerite Yourcenar retrace sous quelques thèmes (et chapitres) une vie de lectures et de voyages, accompagnée intimement par ses personnages.
Grâce à sa (presque toujours) indépendance financière, elle a pu consolider une indépendance d’esprit et une clairvoyance non moins profonde. Sans en tirer autrement gloire, elle est restée affectée par l’actualité, et solidaire des causes à défendre.
Ces propos sont ceux d’une femme d’une grande intégrité qui s’appuie sur le passé et la patience des choses apprises pour analyser un présent violent et pourtant sans ardeur (p 127).
Lire plus sur http://anne.vacquant.free.fr/av/index.php/2024/03/19/marguerite-yourcenar-les-yeux-ouverts/
Ce roman est constitué de deux histoires courtes : Alexis et le coup de grâce.
Alexis : roman épistolaire. Il s'agit d'une longue, très longue lettre destinée à Monique, sa femme. Il lui explique pourquoi cette rupture. La plume est très pudique, rien n'est dit clairement mais tout est suggéré.
Quand Bernard Pivot interrogera l'autrice sur le pourquoi d'un tel choix, elle répondra tout simplement : "parce que je n'aime pas mettre des étiquettes" .
Le coup de grâce : C'est l'histoire d'un amour non partagé. Sophie tombe amoureuse d'Erich, officier prussien pendant la guerre civile Russe. Celui-ci, pourtant ému par cet amour, rejettera la jeune femme. Mais son attachement pour son frère, Conrad l'obligera à la fréquenter et être témoin de cet amour qui ne cessera de grandir.
Encore une fois, si les sentiments de Sophie sont clairs, ceux d'Erich sont dissimulés et suggérés... Apparaît alors un homme froid, voire cynique.
Ce livre était mon tout premier roman de Marguerite Yourcenar, première femme élue à l'académie française en 1980. Quand je referme le livre, je constate qu'il regorge de post-it !! Des phrases sublimes, des extraits touchants et surtout des passages qui m'ont profondément émue ... Excellente lecture donc !
La vie de Nathanaël, dans la Hollande du XVIIe siècle, est le sujet d’Un homme obscur. Un homme ordinaire, qui, à cause d’une méprise (ou plutôt d’une peur infondée) s’enfuit, quitte sa famille, pour échapper à une mise à mort qu’il imagine certaine, et toute sa vie sera faite de fuites en avant, de recherche de travaux faciles et de voyages, pour comprendre que tout aurait pu être différent s’il n’avait pas pris une décision finalement lourde de conséquences alors qu’il n’était qu’adolescent…
On sent tout le respect, la tendresse même, de l’auteure pour ce personnage discret et sans orgueil, qui pose sur toutes choses un regard dénué de préjugés et plein d’humanité, reste digne et honnête au cours des tribulations qu’il subit plus qu’il ne les choisit, et savoure l’existence dans ce qu’elle lui apporte. Malgré son « clair-obscur » personnel (le premier titre de cette nouvelle était « D’après Rembrandt », un maître du genre) c’est-à-dire des lacunes dans sa culture et son éducation, il contemple, compense et comprend son époque, très contrastée elle aussi (on sent que l’on passe graduellement des ténèbres – bien injuste formule – du Moyen-âge au futur avènement des Lumières) avec l’intelligence du cœur. Et en gardant l’esprit ouvert, sans doctrine ni a priori. Un cas rare en ce siècle.
Le héros d’Une belle matinée est Lazare, le fils de Nathanaël, un enfant doué pour le théâtre, qui finira par être emmené par une troupe de comédiens shakespeariens, pour son plus grand bonheur. Comme son père, il est sans prétention, fait ce qu’on lui demande et ne se pose pas trop de questions. Comme lui aussi, il voyagera et se contentera de ce que la vie lui apportera.
Mais il recevra toute la clarté à laquelle son père – qu’il n’aura pas connu – ne tenait pas : celle du passage de l’ombre de la mort à la lumière, puisqu’il porte le nom d’un ressuscité, celle des feux de la rampe, la flamme d’une passion pleinement vécue. Et celle, radieuse, d’une belle matinée. Avec le joli double sens de la matinée théâtrale ?
Cette fois on sent tout l’amour que Marguerite Yourcenar porte au théâtre, qui permet de vivre cent vies en une, à la fougue de la jeunesse, à l’engagement des acteurs dans un vibrant hommage sans réserve.
Deux êtres qui n’ont pas été soutenus par leurs familles (d’ailleurs inexistante pour le plus jeune), ce qui leur a finalement conféré une grande indépendance de pensée et de destinée. Deux trajectoires originales.
Une écriture superbe et des textes qui ne peuvent laisser insensible…
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