"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le père ne dira pas la guerre d'Algérie. A personne. Ne dira pas les insultes racistes et son désir d'appartenir à un pays qui ne veut pas de lui.
La mère ne racontera pas l'attente avant de rejoindre son homme en France. Et ses rêves de petite fille aux pieds d'une Tour Eiffel qu'elle ne verra que brièvement, avant de mourir. Française.
Et les frères et soeurs ne parleront pas des sacrifices, des rebuffades. Comment trouver sa place, coincés entre deux cultures. Qui sommes-nous lorsque nous sommes multiples.
Malik ne les dira pas, ces mots. le silence enraciné en héritage. Il les écrira, et c'est sa famille qu'il livre. Noir sur blanc. Sans les polir, sans rien raboter. Sans tricher.
A poil.
Avec leurs échecs et leurs sacrifices.
Il ne les dira pas, et ce sera inutile.
C'est là, partout, ça gorge chaque page.
L'amour.
L'écriture vient nous cueillir dans un questionnement universel. Qui suis-je. Dans ma famille. Dans mon pays. Face à moi-meme.
C'est tendre, parfois drôle, toujours émouvant.
Une belle découverte.
Dans tous les mots qu’on ne s’est dit, Mabrouk Racheti fait le récit des sentiments pudiques qui entourent les liens familiaux, et peut-être surtout de cette famille Asraoui, jamais dits mais si forts ressentis. De l’exubérance rencontrée dans la vie quotidienne, l’effacement se fait pour parler de l’intime.
Autour de l’anniversaire de Fatima, la mère de soixante-dix ans, la famille se réunit sur une péniche et décide de lui offrir la présence de ses dix enfants avec leurs conjoints et leurs enfants, mais aussi celle de la tour Eiffel qu’elle n’avait jamais vu malgré ses nombreuses années passées en France.
Comme souvent dans les familles, des réserves lient chaque membre ce qui empêche chacun d’exprimer leur affection sauf au travers des remarques sans cesse répétées, de faux-semblant et de mystères que chacun entretient pour se préserver de devoir dire aux autres sa réalité. Du coup, chacun, dans sa solitude, affronte sans soutien et aide, les vicissitudes de la vie.
A partir de cette fête, Mabrouk Racheti raconte les liens tissés autour du socle que représentent Mohand et Fatima. Jeune homme, celui-ci quitte son univers pour venir travailler en France. Fatima le rejoint dans un second temps. Ils décident de vivre leur amour et de fonder un territoire au cœur de Paris où leurs enfants sauront s’épanouir.
La suite ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2022/05/06/mabrouck-rachedi/
S'il y avait un roman que j'attendais impatiemment, c'était bien celui-ci. Tout d'abord parce que l'auteur m'est très cher, et ensuite parce que son écriture a ce charme, ce don de s'adresser à chacun de ses lecteurs, avec une intimité partagée fort touchante.
Avec "Tous les mots qu'on ne s'est pas dits", Mabrouck Rachedi aborde son histoire familiale, mais au-delà, celle d'un pays, et de la difficulté à être soi. Il évoque la souffrance du déracinement, l'autre pays au loin, auquel on ne sent pas vraiment appartenir, mais qui demeure toutefois celui des racines.
C'est une histoire d'amours. Amour de ce pays de l'autre côté de la mer, Amour conjugal, entre Mohand et Fatima, amour maternel, amour filial, amour de la grande famille au delà des différences, des incompréhensions, des mésententes, amour des mots, amour des autres .
C'est aussi l'histoire d'un peuple, le peuple algérien. D'évènements atroces. Du racisme, , hélas pas toujours éradiqué . C'est le 17 octobre 1961,, c'est la lutte, c'est la mort, c'est la vie, tout simplement. Pas comme on peut l'imaginer maintenant. Peut-être. Je dis bien peut-être.
C'est le silence. Celui de tous les mots qu'on ne s'est pas dits et qui restent là , sous la peau, à fleur de coeur. Ceux auxquels on repense en regardant l'horloge de la Gare de Lyon ou un paysage méridionnal.
Il y a aussi énormément d'humour, c'est aussi émouvant que drôle.Les larmes côtoient les rires. Prouesse, big up à toi, Mabrouck !
C'est en outre un magnifique hommage à ... , et une vision comme on aimerait en voir d'autres du monde des banlieues; C'est un souffle d'espoir. Qui fait du bien.
J'ai été profondément touchée par cette lecture. Déjà parce qu'ainsi que je le dis plus haut, l'auteur est une personne très importante pour moi, mais aussi parce que j'ai retrouvé au fil des pages, une partie de ma vie par procuration. J'ai été émue par la simplicité de narration, universelle.
Moi aussi , j'aimerais trouver tous les mots pour le dire... Un jour, peut-être !!
"..Et je rêve que les aiguilles tournent très vite en arrière pour lui dire tous les mots qu'on ne s'est pas dits"
Pour terminer cette chronique, je voudrais vous confier à quel point, o.utre un auteur talentueux, Mabrouck est une très belle personne. De celles qui sont aussi fidèles que rares. Ce livre est un régal, un cadeau.
N'hésitez donc pas à vous précipiter chez votre libraire (indépendant , bien sûr), pour dévorer ce roman à fleur de coeur !!
Mabrouck Rachedi traduit en mots un parcours complexe, celui de sa famille, ballotée entre l’Algérie et la France, et le sien, d’abord inscrit sur les désirs de ses parents, la réussite sociale, sans alternative possible puis le renoncement aux trompettes de la renommée pour tenter d’approcher ses propres rêves, être écrivain.
Souvenirs d’enfance, dont le caractère parfois anodin n’a d’égal que l’impact profond qu’il laisse en héritage. Souvenirs rapportés, de ceux qui nourrissent les récits familiaux, parfois édulcorés, parfois atténués ou magnifiés, pour leur donner un sens moral.
Avec la légende familiale, c’est aussi l’histoire des « rapatriés » qui ont dû fuir le danger pour se retrouver déracinés, accueillis avec suspicion, et plus tard victimes de violences racistes.
Mabrouck Rachedi transmet ce patrimoine avec beaucoup d’humanité, rendant hommage à ceux qui l’ont précédé et qui ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui. Malgré les inimitiés occasionnelles, la cohésion familiale est forte, symbolisée par l’excursion en péniche pour célébrer les soixante-dix ans de la mère.
La deuxième génération, assurément française, mais reliée par des racines étirées à une autre culture, la quête d’identité est en filigrane tout au long du récit, impliquant des choix, et une importance dictée par des forces incontrôlables :
« Sofiane, Myriam, Kader et moi, avons choisi notre identité, chacun à notre manière, et rien n’assure qu’elle n’évolue pas »
La littérature est un exutoire de choix pour dire les deuils, les secrets, les traumatismes en un partage qui profite autant à l’auteur qu’à son lecteur.
Porté par une écriture simple et authentique, ce roman autobiographique m’a émue.
Merci à Netgalley et aux éditions Grasset.
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