"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
"Baby one more time" fut le premier single de Britney Spears en 1998, qui propulse la jeune adolescente au rang d'idole. Louise Chennevière vibrait, dansait, chantait sur les chansons de sa star préférée, mais le temps passe, les chansons et le style changent, la fascination disparaît.. Louise Chennevière découvre alors l'écrivaine québécoise, Nelly Arcan, qui s'est suicidée à l'âge de 36 ans laissant derrière elle une oeuvre percutante et fascinante.
Mais qu'est-ce que ces deux femmes, Britney et Nelly, complètement opposées ont-elles en commun ? Elles sont deux victimes de l'hypersexualisation, de la misogynie et du patriarcat. Louise crée comme des destins parallèles entre les deux femmes et elle-même, pour s'extirper des dictats.
La plume de Louise Chennevière est d'une telle profondeur, d'une telle puissance, qui prend aux tripes. Un récit qui demande quand même beaucoup de concentration mais qui se lit d'un simple souffle. Une lecture exigeante certes, mais qui mêle force, douleur, colère, tristesse avec une ponctuation hors norme.
"Pour Britney" est un récit absolument fulgurant, qu'il faut lire, offrir, partager, échanger. On ne peut qu'être bouleversé et percuté par ces deux destins partagés mais qui ont une colère commune que Louise Chennevière nous livre avec brio !
Voici l’article le plus court de ma vie de chroniqueuse littéraire : 5 minutes de rédaction, 48 secondes de lecture pour un roman sur la passion amoureuse et la séparation. Un texte plat dans le fond et la forme qui peine à produire une quelconque émotion, avec des jeux de ponctuation prétentieux et faussement profonds du genre : « sans oser le moindre geste, de peur que tu ne te réveilles, et qu’alors tu. »,« … j’ai presque cru que tu ne te réveillerais pas, que tu allais passer la nuit près de moi, rester encore le matin, et. », allez, deux autres pour la route : « Alors, je. », « Toujours, tu. Arrivais par la droite...»
Mais personne n’a osé lui avouer, chez P.O.L, que c’était vraiment ridicule ces trucs-là, et complètement dépassé? Non, franchement, là, il faut le dire : quel est l’intérêt de publier un texte comme celui-ci ?
Autrement, il y a « Passion simple » d’Annie Ernaux.
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Elle l'a aimé passionnément, éperdument, à en souffrir. Mais il n'est pas question d'en mourir tant ce texte palpite de vie, d'un souffle suspendu à l'écriture du mot juste, à l'alignement de phrases qui s'épuisent parfois avant de repartir gonflées d'une toute nouvelle énergie. On peut y prendre le pouls de l'amoureuse, sentir vibrer la passion dans toute sa splendeur puis son effondrement. Car de cette histoire simple, Louise Chennevière sublime la veine littéraire pour livrer une magnifique bataille des sentiments.
"Car le temps et le monde jamais ne nous attendent, ne se soucient pas de ça, car les choses toujours commencent et finissent, se lèvent et s'effondrent, car il faut avancer et qu'on ne peut pas se tenir pour toujours à l'heure d'une minable, d'une ridicule peine d'amour. Quand on est libre et qu'on a, la vie devant soi".
Comment se bat-on avec la passion, la dépendance, le chagrin d'amour, lorsque l'on est une jeune femme indépendante, forte, prévenue par ses lectures "depuis toute petite" que les romans d'amour finissent toujours mal ? Quand on ne veut surtout pas du destin de ces héroïnes de papier qui finissent "éperdues et abandonnées" ? On prend la plume, on fouille au plus profond des émotions et des sensations, on recrée, on raconte. On porte la plume là où ça fait mal, tout en construisant une sorte de remède à l'oubli, ce mausolée de papier dans lequel reposera la dépouille de cet amour perdu mais si intense, si constitutif de ce que l'on est et de ce que l'on sera après. Dans ce livre, un livre s'écrit qui ne sera jamais terminé, dédié à un seul lecteur qui ne le lira jamais, peu importe parce que nous, lecteurs de Mausolée avons la chance de nous laisser couler dans les phrases à la forme si singulière de celle qui transforme la douleur en offrande littéraire.
"Oui j'aurais préféré, n'avoir rien à en dire parce qu'on n'écrit jamais que sur les choses quand elles sont mortes, quand elles ne sont plus, et que j'aurais voulu me tenir moi, pour toujours à l'instant de ce bonheur avec toi".
Comme la chienne, le premier roman de Louise Chennevière prenait aux tripes, Mausolée entre sous la peau et se diffuse lentement comme un sérum de vérité des sensations. C'est fascinant. Je suis définitivement accro à son écriture.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
La femme dans tous ses états.
Un titre et deux citations en exergue, comme une gifle.
Ce sont des blocs courts et compactes pour donner de la voix.
C’est détonant dans le paysage littéraire, le style épouse le fond, cela se ressent immédiatement et dès les premières lignes une image s’impose, je devrais dire un tableau s’imprime dans mon esprit Le Cri d’Edward Munch. Ce peintre disait avoir eu une hallucination visuelle et auditive. J’ai ce sentiment profond dès les premiers mots. Je ne sais pas où cette lecture me conduit mais je fonce, comme dans un mur pour dire ce qui est tu. Comme si les propos de l’auteur étaient miens.
C’est étrange mais apodictique.
Le lecteur ne lit pas, il entend des voix de femmes à des âges différents et dans des situations différentes, des états que toutes ne traversent pas mais pourraient, auraient pu…
« Tu ne veux pas dire je, tu ne veux pas dire nous. Tu veux te tenir simplement à la croisée des routes, comme la vieille enchanteresse, être celle des chemins, battue par la pluie, soufflée par les vents, frappée par l’orage, sans domicile fixe, à l’écoute de toutes les voix du monde. »
Il me semble ressentir un Je multiple et un Nous chimérique.
C’est un fleuve qui charrie ces voix, le lecteur chemine de flux en flux, il est bousculé voire meurtri, le « nous » explose, il est diffracté.
C’est un ensemble désordonné pour un tout ordonné. Des formules brèves qui interpellent. La plasticité des corps, les empreintes sur l’âme, toute situation modifiable, peut être interchangeable, dans l’ordre du monde, qui dans son extériorité aux bras de poulpe nous laisse voir, comme pour l’arbre séculaire son tronc, l’écorce comme une évidence mais ne livre pas son essence.
Rous ces cataclysmes générés, perpétrés qui font qu’elle reste seule dans sa nuit.
Un livre extraordinaire, un style véritable dans son acuité, qui bât en brèche toutes les études sur la femme, car il laisse une empreinte indélébile dans le marbre de notre chair, le tout avec un vocabulaire qui castagne.
Il y a des livres, pas si nombreux, où le lecteur lambda se demande comment il a pu surgir de l’esprit de l’auteur. Je laisse le soin aux spécialistes de décrypter celui-ci, mais j’ai le sentiment que tout l’intérêt de cette lecture est dans la multitude des ressentis qu’il suscitera.
Je ne suis pas psy mais attentive aux titres des neuf parties qui le composent, en les mettant dans un ordre qui m’est personnel, cela résume l’empreinte qu’il laisse en moi.
« Comme le voyageur assoiffé ouvre la bouche, comme les navires marchands, et lui te dominera.
Qu’elle se tienne donc en silence, car il en est déjà quelques-unes qui se sont égarées.
Mais une folle peut la renverser de ses propres mains.
Et son infamie ne sera effacée, morte quoique vivante, cependant elle sera sauvée. »
Je sors de cette lecture totalement groggy, l’auteur a mis des gants de boxe à ses mots.
Un grand livre, la littérature recèle des trésors, il en fait partie.
Ce n’est pas un livre militant qui entrerait dans les cases des mouvements actuels et c’est une performance. Ce livre dézingue l’image de la femme soumise à un imaginaire aussi puissant que violent, et fait réfléchir sur le comment cet imaginaire est véhiculé et reproduit souvent avec la complicité des femmes.
La force qui en émane est inouïe et ne se dément jamais jusqu’au point final.
©Chantal Lafon
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