Entretien chez Gallimard avec l’éditeur Jean-Marie Laclavetine
Entretien chez Gallimard avec l’éditeur Jean-Marie Laclavetine
Un jardin blanc au pied d'un immeuble de trois étages à Madrid, dans les années 60.
A l'étage supérieur vit Ava Gardner, en exil, et qui, perdue dans l'ivresse de son cocktail favori Sol y Sombra ressasse ses souvenirs d'Hollywood, ceux du temps de sa gloire de star de la Goldwin Mayer, lorsqu'elle était la sculpturale , la « sublime Ana » .
Elle déverse sa logorrhée pour la silencieuse Carmina, réfugiée chez sa soeur au rez de chaussée de l'immeuble, venue chaque soir lui tenir compagnie . Carmina, dont on ne connaît le triste sort de jeune fille séduite et abandonnée, mise au ban de la société madrilène, que par des extraits de son journal intime
A l'étage intermédiaire, vivent l'ex- président argentin en exil Juan Péron, sa seconde épouse et ses chiens .
Parallèlement à l'évocation de son quotidien d 'exilé qui attend desesperement que le Général Franco accepte de le le recevoir, se fait entendre la voix de celle qui fut sa première épouse : Eva, morte en 1952, et celle du docteur Ara qui a embaumé sa dépouille et qui, fidèlement et respectueusement accompagne « la poupée de son » qu'elle est devenue, dans les tribulations de son cercueil.
Trois destins de femmes et trois voix bien différentes qui apparaissent, disparaissent, reviennent, se croisent , et confèrent au roman une tonalité envoûtante.
Trois variations autour du thème du corps : corps magnifié, corps conservé, ou corps souillé.....
Trois appartements donnant sur un jardin toujours et exclusivement planté de fleurs blanches.
Le blanc : couleur de ce qui n'est plus …...
Ce livre, exercice pudique d’autoportrait ou de voyage intérieur, se concentre autour des mots, de leur apprentissage, de leur usage et et de leur transmission. En tant qu’écrivaine et traductrice, Laura Alcoba manie la langue argentine et celle française. Elle est la mer douce du titre et coule entre deux rives culturelles. En ouvrant son texte par la souvenir de l’annonce de sa première publication, elle remonte le cours de sa mémoire et de sa relation avec le langage. Son entrée dans la maison Gallimard l’amène à parler d’un de ses compatriotes, Hector Bianciotti, lui aussi tiraillé entre sa langue maternelle et celle dans laquelle on entre. Elle parle de l’attention portée au choix des mots. L’écriture devient alors orfèvrerie. Au moment où elle publie, Hector Bianciotti a des troubles de la mémoire. La vie et ses moyens pour l’appréhender lui échappent. C’est ce fossé dont la tragédie intime est capté qui anime le récit, le retour en arrière vers les prémices.
Avec douceur – celle qui n’étouffe jamais la violence et la brutalité de la vie et des sentiments -, l’autrice nous parle de son enfance. On découvre alors un pays heurté, des opposants politiques pourchassés et Laura Alcoba, enfant, obligée de changer de nom, de jouer avec les mots pour mentir. Au fur et à mesure du récit, on perçoit tout l’apprentissage de la réalité et le poids de leçons d’une vie. Sa vie, ses souvenirs et son amour pour la littérature se mêlent. Ce livre est un hommage au croisement des cultures, à celles et ceux qui ont nourri son rapport aux mots. On retrouve la profonde écoute de l’autrice pour le monde, une écoute et un sens du collectif déjà présents dans Le Bleu des Abeilles ou l’une de ses dernières traductions, Les Vilaines de Camilla Sosa Villada.
Paris, décembre 1984. « Ce jour-là, Claudio n’a pas écouté Griselda » C’est avec cette phrase laconique que Laura Alcoba ouvre sa longue, minutieuse et patiente enquête sur un fait-divers familial. Mais s’agit-il d’une tragédie, d’un drame ou bien d’un accident ?
Quarante ans après, l’autrice va écouter tour à tour tous les protagonistes de ce drame, elle va le faire avec délicatesse et bienveillance tout en s’interrogeant sur chaque évènement précédent le drame.
Elle arrive à prendre ce recul nécessaire pour raconter les faits alors que son père était un ami proche de la famille qu’elle-même a connue lorsqu’elle était enfant.
Petit à petit, se dévide la parole des parents, celle de Griselda, de Claudio et celle de Flavia leur fille et de Colette l’institutrice avec son mari René, et l’on voit apparaitre chaque personnage. Les souvenirs tout d’abord, ceux de l’autre pays, l’Argentine, qu’il a fallu quitter et puis l’arrivée en France, et le travail dans un lycée privé avec, pour tout logement, une loge étroite de concierge. Puis, peu à peu, transparait la personnalité dérangée, fragilisée de Griselda. Jusqu’à ce jour funeste de décembre 1984 où l’irrémédiable se produit.
Comment se reconstruit une famille après un drame de cette ampleur ?
Laura Alcoba est fascinée par Flavia dont elle dit : « Elle a en elle une force et un courage que je ne croyais pas pouvoir exister.
Je le sais depuis le début : c’est pour elle que j’écris ce livre »
Bien sûr, le mythe de Médée est évoqué par l’autrice, qui cherche à comprendre sans jamais juger.
L’écriture d’un tel sujet était pour le moins périlleuse et Laura Alcoba s’en sort avec maestria et sans effets de manche. Elle a su s’effacer pour mettre la lumière sur les mots, les gestes des personnages et l’on vibre avec eux au fur et à mesure que se précise le récit.
Une histoire d’une grande force menée avec douceur et empathie, voilà ce que je retiens de ce très beau récit romancé.
http://leslivresdejoelle.blogspot.com/2022/03/par-la-foret-de-laura-alcoba.html
Exilés argentins, concierges dans un lycée privé de l'Est parisien, ils ont trois enfants, Flavia six ans et Boris et Sacha, trois et quatre ans. Ils vivent à cinq dans la loge qui leur tient lieu d'appartement.
Un jour d'hiver, le vendredi 14 décembre 1984, la maman, Griselda, noie ses deux garçons dans la baignoire pendant que Flavia est à l'école. Ce jour funeste devient "Ce jour-là" dans le récit de Laura Alcoba.
Plus de trente ans plus tard, la narratrice retrouve les survivants de ce drame.
Ce roman est inspiré d'une histoire vraie, un double infanticide qui a eu lieu en 1984. Laura Alcoba a côtoyé la famille concernée lorsqu'elle était enfant.
A la fin des années 2010, la narratrice, derrière laquelle se cache Laura Alcoba, a rencontré les protagonistes de cette affaire à plusieurs reprises dans le même café parisien. Successivement Griselda, le père, Flavia, un couple d'amis... se confient à elle. L'auteure veut tenter de comprendre sans porter de jugement.
J'ai été impressionnée par la façon dont Griselda raconte à l'auteure ce "jour-là" comme si elle se voyait accomplir ses gestes criminels, comme si elle voyait les scènes d'en haut, j'ai été émue par son histoire personnelle, son enfance sans amour en Argentine, son adolescence marquée par des agressions sexuelles, sa fuite de la dictature avec son amant qui deviendra le père de ses enfants jusqu'à son exil en France.
Le récit est centré en grande partie sur le personnage de Flavia, l'enfant survivante, qui dès le premier rendez-vous avec la narratrice, tient à définir sa mère comme une mère "présente, aimante. Très aimante". Cela fait du bien de découvrir le personnage lumineux que Flavia est devenue, en grande partie grâce à Colette et René, sorte de parents de substitution, des personnages solaires remplis d'humanité.
Un texte d'une remarquable délicatesse qui tente d'approcher la folie, ou du moins un moment de folie, d'une mère. Tout en nuances sans jamais juger ou accabler, ce texte empreint de pudeur et d'empathie n'a pas pour objectif de rechercher le pourquoi de ce double infanticide mais de comprendre comment Flavia a pu devenir la femme qu'elle est devenue. Sur un sujet très sombre Laura Alcoba nous offre un roman d'une surprenante douceur.
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