"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un livre très particulier dans son écriture fluide et poétique et en même temps haletant, intrigant. J'ai débuté ce livre sans pouvoir le lacher ! très addictif! plusieurs point de vue sont dans ce récit, la relation avec le mari, le beau frère et la soeur, tout semble irréel avec un voile de folie sur cette histoire! un beau moment de lecture.Impossible de refermer le livre tant que je ne l’avais pas fini. Ce livre ne traite pas du sujet du végétarien mais va bien au-delà du devenir de l'humain qui souhaite devenir autre au plus profond de soi. Ne plus être, ne plus subir faire un autre choix. Un livre déroutant.
La Coréenne Han Kang a choisi l’onirisme pour évoquer, entre songe et réalité, un épisode sanglant, longtemps resté tabou, de l’histoire de son pays.
Lorsque, en pleine guerre froide en 1948, une insurrection déclenchée par des violences policières enflamme l’île de Jeju, à une centaine de kilomètres de la côte coréenne, les Américains encore pour peu de temps au pouvoir à Séoul n’y vont pas par quatre chemins. Persuadés d’avoir affaire à un bastion communiste, ils lancent une répression terrible. En moins d’un an, 30 000 civils sont massacrés – un îlien sur dix – et, pendant que plus encore s’enfuient vers le Japon, des dizaines de milliers d’autres se retrouvent arbitrairement emprisonnés et torturés. L’île dont des villages entiers ont été rayés de la carte, reste totalement bouclée jusqu’en 1954, des décennies de discrimination attendant les descendants des victimes. Il faudra attendre 2014 pour que les faits soient officiellement reconnus et que, quelques années plus tard, commence la réhabilitation des familles traumatisées. Désormais, le 3 avril est jour de commémoration en Corée du Sud. Est enfin venu le temps d’apaiser ces ombres que l’Histoire a d’autant plus aisément prétendu effacer que devait suivre, dès 1950, l’hécatombe plus grande encore de la guerre de Corée.
C’est ainsi qu’après avoir longtemps attribué ses cauchemars récurrents à son livre sur des massacres commis sur le continent pendant la guerre, la narratrice Gyeonghu va devoir passer par un étrange parcours initiatique aux allures de conte fantastique pour réaliser son erreur. Ex-journaliste devenue romancière à Séoul, elle peine à repousser ses idées noires depuis sa rupture familiale, lorsqu’un SMS vient chambouler ses préoccupations. Hospitalisée en urgence à Séoul, son amie Inseon, photographe et documentariste reconvertie ébéniste depuis son retour à Jeju, lui demande de se rendre chez elle toute affaire cessante pour y nourrir son perroquet. Le voyage sous une tempête de neige qui paralyse bientôt le pays se mue en véritable épreuve, nature et éléments semblant s’être ligués pour contrecarrer sa route. Au terme d’un parcours périlleux et semé d’embûches l’attend une maison isolée, sans eau ni électricité, plombée de silence par la neige et la nuit obscure. « Une maison où toute la nuit un arbre s’avance en agitant ses longs bras. Une maison avec d’un côté une rivière à sec, tandis que de l’autre côté se trouve un village brûlé de suppliciés. »
Là, dans cet espace comme sorti du temps et du monde ordinaire, en un état de transe favorisé par la lumière étroite et vacillante d’une bougie qui anime d’immenses ombres sur les murs en laissant croire à la présence fantomatique d’Inseon, Gyeonghu découvre avec stupeur, patiemment rassemblées, d’abord par la mère de son amie, puis par Inseon elle-même, les terribles archives du drame vécu en ces lieux depuis trois quarts de siècle. Dans un mélange de visions, d’images et de songes, l’ombre d’Inseon raconte l’histoire de sa mère depuis ce jour terrible de 1948 où, enfants cherchant désespérément leurs parents, elle et sa sœur se sont retrouvées à dégager de la neige, visage après visage, les cadavres de leur village martyr. Cette mère qu’adolescente et rêvant d’une autre vie à la capitale, Inseon a si longtemps méprisée, devait s’avérer une infatigable combattante de la vérité, acharnée pendant des décennies à retrouver son frère disparu.
Tandis que le lecteur progresse entre neige et brouillard laissant entrevoir, comme d’obsédants symboles fantomatiques, les silhouettes raidies et torturées des troncs noirs de la forêt, le récit se dévoile une puissante métaphore du travail et des souffrances de la mémoire privée de vérité. Hantés par ce passé traumatique passé sous silence, les vivants ont besoin de savoir ce qu’il est advenu de leurs morts pour enfin s’autoriser à vivre, à tout le moins envisager un début d’apaisement. Alors que depuis quelques années, le gouvernement de Corée du Sud a commencé à reconnaître la déformation historique et la dissimulation de la vérité sur les massacres de civils, cette œuvre littéraire tout en délicatesse et subtilité vient elle aussi rendre compte, en un poignant hommage, des blessures profondes infligées aux victimes et aux familles. Coup de coeur.
Hank Kang récompensé du Nobel de la littérature 2024 je me suis plongé dans ce livre récompensé en 2023 du Prix Médicis oeuvre étrangère pour découvrir la plume de cette autrice.
Une oeuvre sombre à plusieurs voix, une plume poétique et onirique pour évoquer une page sombre de l'histoire de la Corée du Sud mais aussi contre l'oublie. L'autrice maîtrise les paradoxes.
Historique, Traumatisme, Amitié, Guerre de Corée, Tempête, Retrouvaille. Une histoire entre imaginaire et réalité, une ode à l'amitié, une lecture documenté, la famille et les secrets.
"La neige tombe éparse. Le champ où je me trouve s'étend sur une colline hérissée de milliers d'arbres noirs sans cimes ni branches, de troncs nus. Ils sont de taille légèrement variées, comme des personnes d'âges différents. Il ne sont guère plus épais qu'une traverse de voie ferrée mais courbés, tordus, l'ensemble évoquant une frise composée de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants maigres qui se tiendraient sous la neiges, épaules voûtées.
Je marche entre les troncs noirs sur lesquels se sont posées des flocons de neige semblables à des cristaux de sel, et derrière chaque arbre s'élève un tumulus. Si je m'arrête soudain, c'est que je sens sous mes baskets comme des petits clapotis. C'est bizarre, me dis-je, alors que l'eau monte jusqu'au-dessus de mon pied. L'autre extrémité du champ que je prenais pour une terre s'étirant vers l'horizon est en réalité une mer. Et la marée continue de monter. La mer monte de plus en plus vite. La marée fait-elle vraiment cet aller-retour deux fois par jour ? Les ossements des tombeaux au pied de la colline sont-ils tous emportés par le reflux, qui ne laisse subsister que les tumuli ?"
Gyeongha est usée. Le dernier livre qu’elle a écrit, retraçant des massacres commis dans son pays, la Corée, l’a laissée exsangue, solitaire et malade.
Mais lorsque son amie, Inseon, lui demande de la rejoindre dans un hôpital de Séoul, elle se précipite au chevet de la jeune femme.
Inseon, ébéniste de son état, est blessée et lui demande d’aller s’occuper de son perroquet, laissé seul à son domicile.
De tout quitter à l’instant, pour tenter de sauver l’oiseau qui n’a plus rien à boire et à manger. D’affronter une tempête de neige pour sauver ce petit volatile.
Gyeongha se sent dépassée par cette quête qui lui paraît futile mais par amitié, elle va affronter les éléments pour cette mission de sauvetage.
Ce faisant, elle va devoir se confronter aux fantômes qui ne cessent de la hanter depuis son dernier livre. Des souvenirs qui hantent aussi son amie, Inseon.
Ce roman oscille entre passé et présent. Il confronte le lecteur à une période tragique de l’histoire contemporaine coréenne.
Il met en lumière la silence de l’Etat coréen et les pressions infligées aux proches des disparus pour ne pas rechercher la vérité.
Mais comment construire une vie lorsqu’on a été témoin de massacres ? Lorsqu’on reste sans nouvelles de proches disparus ?
Comment une société peut-elle faire l’économie d un travail de mémoire ?
Autant de questionnements qui irriguent ces pages avec une plume poétique. L’autrice interroge les silences familiaux, les non-dits et les blessures du passé qui ne peuvent guérir si elles ne sont pas affrontées. Un roman que j’ai trouvé touchant et réussi.
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