"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un texte qui mêle poésie et ruralité, voilà qui peut sembler déroutant, et pourtant Juliette Rousseau pose des mots sur ses sentiments ambivalents concernant sa vision de la ruralité. Une enfance passée à la campagne peut laisser des traces, entre fierté et honte, envie de fuite et retour mélancolique.
« Péquenaude », est le terme choisi par l’autrice pour nous parler de ce monde paysan avec une vision de femme. Féministe mais surtout militante contre l’agriculture de masse qui met fin aux bocages et laisse des surfaces plates et sans arbre. On y lit la ruralité qui souffre, malmenée et détruite par l’homme dans son désir de modernité.
Tous les ingrédients étaient réunis pour que j’aime ce livre : la ruralité qui m’a vue grandir, un genre décalé avec ce vocabulaire poétique mêlé de patois. J’ai pourtant terminé « Péquenaude » avec un goût d’inachevé. Les sujets sont abordés, souvent répétés, peu approfondis. C’est un livre que l’on peut lire d’une traite ou plutôt en picorer quelques pages. Car les pages se suivent mais ne se ressemblent pas : on passe de la prose à la poésie, parfois aux haïkus, au manifeste ou avec une simple phrase qui mène à la réflexion.
J’ai été interpellée par le titre….Péquenaude. Un terme qui me rappelait mon grand-père.
On parle depuis un moment, et à raison, de la condition des agriculteurs. Je pensais découvrir dans ce court livre, une réflexion sur tout cela.
Mais j’ai vite été décontenancée par le style un peu décousu pour moi. Entre réflexions, poèmes, citations…..je me suis un peu ennuyée en cherchant à découvrir, où elle voulait en venir.
Je suis passée à côté mais ce n’est que mon avis, et le mieux, est toujours de se faire son opinion.
Juliette Rousseau appartient à la catégorie des cul-terreux, des bouseux, des paysans, des campagnards. Dans "Péquenaude", elle cherche les mots pour dire tout ça, cette ruralité qu’on quitte, qu’on déteste, qui nous nourrit, qui souffre, dont on a honte et dont on est fier. “Ma ruralité n’est pas celle de la subsistance, ni celle, plus réelle encore, de la production. C’est une ruralité en pointillé, une ruralité de mélancolique, pour qui en a le temps.”
Pour présenter son sujet, l’autrice, née en terres bretonnes, partie puis revenue, choisit un style d’écriture étrange, bâti sur “des poèmes affamés et qui ne savent pas se conclure.” Il en résulte un petit livre difficile à appréhender, rempli de fragments plus ou moins denses, où la pagination se fait rare.
“En attendant le retour du froid, je m'assois régulièrement à mon bureau pour tenter de saisir quelque chose par les mots et, quelques centaines de mètres plus loin, le tractopelle creuse la terre, pour tenter de contenir autre chose par le béton.” Peut-être fallait-il cette forme fragmentaire pour raconter comme ces territoires sont bousillés depuis des dizaines d’années par l’agriculture productiviste et industrielle, parcellés des tombes de celles et ceux morts pour rassasier le monde.
“J’observe, les hivers disparaissent peu à peu au profit d’interminables automnes et je m’interroge, à quoi ressemblera ma mélancolie dans un monde plus chaud ?” La portée de ce texte est évidemment écologique, mais pas seulement. Il trace des parallèles entre la condition rurale et la condition féminine : lorsqu’on est à la campagne comme lorsqu’on naît femme, “on accepte l’idée de se sacrifier au nom d’une mission nourricière.”
Alors qu’elle farfouille dans ses souvenirs de péquenaude, ceux de la chaleur des étés goudronnés ou des hivers alcoolisés, elle construit l’avenir, riche de ses racines. C’est ainsi qu’au creux de ses écrits au vocabulaire soigné et aux tournures complexes viennent nicher quelques mots de patois, comme lorsqu’elle surnomme son enfant “la beuluette” - l’étincelle. Avec cette autre petite péquenaude entre les bras, Juliette Rousseau accepte l’effroyable douceur d’appartenir à quelque chose, à quelque part.
La vie qui s'est enfuie, celle de la grande sœur, le modèle, l'aînée.
La maladie qui emporte tout sur son passage, les souvenirs, le temps qu'il reste à passer ensemble, le bonheur.
Alors la narratrice fait revivre celle qui lui manque tant, et avec elle toutes les femmes de sa lignée, tous leurs chagrins, toutes les violences subies, les peurs, les pleurs, les silences.
Après le décès, elle est revenue habiter la maison familiale, emplie de souvenirs bons ou mauvais. La campagne environnante ravive les souvenirs du passé, l'enfance, les jeux, les espoirs, l'attente.
Un roman très court, entrecoupé de quelques poèmes, chapitres brefs, écriture incisive, maux et mots dits, soupirés, espérés, oubliés. C'est à la fois sensible et émouvant, parfois déstabilisant quand la mémoire fait resurgir les traumatismes d'une lignée de femmes liées par les mêmes maux, ceux qu'infligent les hommes et que subissent des générations de femmes depuis si longtemps.
Il y a ces femmes et il y a tout au long du récit la douleur de la perte de cette sœur qui est morte et ne sera plus, de tous ces instants suspendus qu'il restait à vivre, ces bonheurs perdus, cette solitude à venir.
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